"Le bad buzz de BodyMinute va surtout affecter les franchisés de l'enseigne"
Tout débute en 2022 par une vidéo parodique publiée par l’influenceuse Laurène Levy. Narrant l’expérience malheureuse qu’elle a rencontré au sein d’un institut d'épilation BodyMinute, la jeune femme s’est attirée les foudres de l’enseigne qui l’a assignée en justice.
Laurène Lévy a reçu une assignation en justice de la part de l’institut de beauté et fait l'objet de harcèlement de la part de BodyMinute. Sur les réseaux sociaux, la réaction outrancière de l’enseigne envers l’influenceuse a suscité une vague de critiques. Pour en parler, nous avons interrogé Sonia Triki, consultante en marketing pour Strategizebiz.com, installée depuis plus de vingt ans au Royaume-Uni.
LSA - Quelle est votre première perception de ce bad buzz ?
Sonia Triki - Tout d’abord, je dois avouer que je n'avais pas entendu parler de BodyMinute depuis mes 20 ans au Royaume-Uni. Bien que je sache que l’enseigne existe et que j’ai vu ses instituts dans les quartiers où je me promenais lorsque j'étais Parisienne, il m’a fallu tout ce temps pour qu’une affaire aussi négative traverse la Manche.
Je pensais naïvement qu'en 2025, les entreprises auraient compris qu'on ne fonctionne plus de cette manière. Qui plus est, la vidéo de Laurène Lévy était drôle et très féminine. N’oublions pas que l’on s’adresse à des femmes, dans un domaine aussi intime que le soin et l'épilation. La réaction de BodyMinute est d'une violence inouïe, tant sur le plan du harcèlement que sur celui de la judiciarisation. Ce qui me frappe immédiatement, c’est le bad buzz qui entoure les instituts, dont la majorité sont tenus par des franchisés.
On parle ici d’effet Streisand, où une tentative de retrait ou de censure produit l’effet totalement inverse.
S.T. - Je pense que toutes les grandes écoles de commerce vont intégrer ce cas dans leurs cours. Imaginez : lorsque Laurène Lévy publie sa vidéo, elle attire peut-être 10 000 vues, puis les gens passent à autre chose. Si l’enseigne ne s'était pas acharnée sur cette influenceuse, on n'en parlerait même pas. Les gens continueraient leur vie tranquillement. Nous vivons à une époque où les guerres font rage, mais cet acharnement a mis en lumière cette vidéo, créant ainsi un effet boule de neige. Voilà ce qu’est l’effet Streisand.
Comment expliquer la réaction de l’enseigne de beauté ?
S.T. - D'après mon expérience dans des conseils d'administration, souvent composés d'hommes d’un certain âge, j'ai constaté qu'ils paniquent dès qu'un commentaire négatif apparaît sur les réseaux sociaux. Ils déclenchent des réunions d’urgence et des meetings avec les équipes digitales et marketing, alors que nous essayons de leur faire comprendre que nous sommes au XXIe siècle. C’est l’époque ! Les gens laissent des commentaires négatifs sous les posts de l’enseigne, et il ne faut pas s'en inquiéter, c'est normal.
Nous ne sommes plus dans les années 90, où les dirigeants et les personnalités avaient le contrôle sur la narration. Aujourd’hui, les réseaux sociaux donnent la parole à tout le monde. Imaginez dans une enseigne dédiée aux femmes ! Ces dernières y vont pour retrouver une atmosphère saine et sécurisante. Je pense que cette violence déployée contre cette jeune femme amplifie le bad buzz, car la sororité joue pleinement son rôle dans ce genre de situation.
Les franchisés vont-ils être les premiers touchés par cette communication détestable ?
S.T. - Oui, totalement, car la direction s’enfonce dans une communication hasardeuse. J’ai envie de leur dire d’arrêter, car cela nuit à ses franchisés et aux employés qu’elle prétend défendre. Je le répète : dans une chaîne d'instituts pour femmes, ces dernières doivent se sentir en confiance et ne pas douter de l’intégrité des gérants ou des franchisés. BodyMinute n’a trouvé d'autre moyen que d'attaquer une jeune influenceuse et de lui intenter un procès. C’est lamentable.
Qu’aurait dû faire l’enseigne ?
S.T. - Il est crucial de désamorcer la situation. La direction doit réaliser qu'elle s’est trompée, car toutes les femmes ont besoin d'épilation. Le marché est florissant. La tête de réseau doit impérativement penser à ses franchisés et aux esthéticiennes. Si j’étais à leur place, j’arrêterais de communiquer. Il faut trouver un moyen de sortir de cette impasse.
Faire de l'humour sur TikTok ne sert plus à rien. Il est temps de tendre une branche d’olivier et de dire simplement : « Voilà, nous nous sommes trompés, nous avons mal réagi. D’autant plus que la judiciarisation de l’affaire ne prouve pas votre intégrité, mais seulement que vous avez les moyens financiers et les ressources pour poursuivre. »