Le plan de Carrefour pour devenir un poids lourd du retail digital
Les équipes dirigeantes du distributeur ont dévoilé, le 9 novembre, leur plan stratégique pour transformer le groupe grâce au digital. Voilà le détail de cette feuille de route.
Julie Delvallée
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Julie Delvallée
Carrefour va accélérer ses investissements dans le digital, et entend le faire savoir. Lors d’un « digital day » organisé à Paris le 9 novembre, le PDG et plusieurs dirigeants ont dévoilé leur feuille de route jusqu’en 2026. Devant le comité exécutif, des actionnaires influents (Abilio Diniz, Philippe Houzé notamment) et un grand parterre d’analystes financiers, les différents leviers ont été détaillés, dans l’optique de réaliser un volume d’affaires de 10 milliards d’euros en e-commerce dans cinq ans, soit le triple d’aujourd’hui. Le show était millimétré et ponctué d’interventions de partenaires, à l’instar d’une vidéo de Dara Khosrowshahi, le patron d’Uber, s’exprimant sur la réussite – et la poursuite – du partenariat noué avec Carrefour.
Pour accélérer la captation de clients et de paniers, et améliorer les services ainsi que l’optimisation du réseau, Carrefour va mettre 600 millions d’euros sur la table tous les ans entre 2022 et 2026, contre une enveloppe de 400 millions ces dernières années. Le digital va être la pièce maîtresse du prochain plan stratégique de Carrefour, qui court jusqu’en 2026, après plusieurs années passées à rattraper le retard sur les ventes en ligne.
À fond sur la livraison à domicile
Premier pilier : la poursuite du développement de l’e-commerce, notamment alimentaire. Carrefour s’appuie sur le fait que, lorsqu’un client magasin devient omnicanal, son panier moyen augmente de 22 % en année un et de 27 % au bout de deux ans, d’après des données analysées par le groupe. Si le drive et la livraison à J + 1 étaient le modèle dominant pour les ventes en ligne, l’accélération fulgurante de la demande de livraison le jour même, voire en quinze minutes avec le quick commerce, ont refaçonné la vision de Carrefour. L’enseigne vient de lancer en région parisienne Carrefour Sprint avec Uber Eats et Cajoo (lire aussi p. 32).
Résultat, environ 70 centres de préparation de commandes (des « fulfillment centers ») vont être créés au niveau groupe (52 en France et 11 en Espagne) dont une majorité dès 2022 et 2023. Destinés au click & collect et à la livraison à domicile, ils vont venir s’ajouter au nombre grandissant de magasins capables de préparer des commandes en quelques minutes. Carrefour vise ainsi une part de marché online supérieure à 20 % en France et en Espagne. Si, de l’aveu de son PDG Alexandre Bompard, Carrefour a raté la bataille du click & collect, il n’entend pas perdre celle de la livraison à domicile.
Pour l’e-commerce non alimentaire, l’ambition est de se concentrer sur des catégories clés via des places de marché. Plus de 1,5 million de références seront ainsi disponibles à terme sur les vitrines de Carrefour en ligne, avec, notamment, des produits de seconde main, fruit d’un partenariat avec Back Market, entre autres.
Le distributeur entend aussi mettre à profit son data lake. Cette gigantesque base de données rassemble 8 milliards de transactions sur ces dernières années et capte les habitudes de 80 millions de porteurs de cartes à date. De quoi tirer des enseignements en matière de prédictions des ventes et développer des offres de services pour les marques. C’est le sens de Carrefour Links, la plate-forme de retail média lancée au mois de juin avec Criteo Google et LiveRamp, qui entend monétiser ces informations. Cette plate-forme, présentée comme LA solution d’avenir à maintes reprises par Élodie Perthuisot, directrice e-commerce, digitale et data du groupe, devrait participer à un tiers des 600 millions d’euros supplémentaires de ROC prévu d’ici à 2026. Le groupe a aussi prévu de lancer une « superapplication » mobile. Les équipes UX de France, d’Espagne et du Brésil travaillent actuellement à ce nouvel outil qui proposera, notamment, de nouveaux produits financiers.
Bloquer Amazon sur l’alimentaire
Pour soutenir ce projet, 3 000 data scientists vont être recrutés. Un réseau social d’entreprise, développé avec Meta (maison mère de Facebook) va aussi essaimer. Côté formation, l’accord déjà passé avec Google servira à infuser de nouvelles pratiques. En plus, des outils spécifiques seront déployés pour optimiser le picking ou l’encaissement, par exemple.
Derrière tous ces chantiers digitaux, qui ressemblent beaucoup à ceux engagés avec succès par Walmart, le géant de la distribution mondiale, depuis deux ou trois ans, c’est la pérennité du groupe face aux champions du web qui se joue, notamment Amazon, a expliqué Alexandre Bompard. « Il est très dur pour Amazon d’entrer dans le marché de l’alimentaire, et notamment du frais. Notre objectif est de trouver le modèle qu’ils ne peuvent pas répliquer. C’est celui où nous concilions 14 000 magasins, y compris des hypermarchés, des supermarchés, du cash & carry, avec 2,5 milliards de visiteurs et des datas propriétaires. C’est notre réponse industrielle et stratégique. » En espérant qu’il ne soit pas déjà trop tard pour un groupe qui, il y a encore quelques semaines, s’apprêtait à rejoindre Auchan dans un projet de rapprochement à hauts risques.
Julie Delvallée et Morgan Leclerc
- Tripler le volume d’affaires lié à l’e-commerce pour atteindre 10 milliards d’euros.
- Le digital devra contribuer, à cette date, à doper le résultat opérationnel courant de 600 millions d’euros supplémentaires.
- Des investissements annuels de 600 millions entre 2022 et 2026 consacrés au digital, soit 3 milliards d’euros au total.
- Accélérer sur l’e-commerce. Le quick commerce et le déploiement d’entrepôts serviront à livrer des courses toujours plus rapidement. La logique de marketplaces est privilégiée pour le non-alimentaire.
- Travailler les datas. Carrefour parie sur la force de frappe de Carrefour Links, plate-forme de retail média développée avec Criteo, Google et LiveRamp, pour avoir une puissante base de données à monétiser.
- Infuser du digital dans l’opérationnel. Carrefour noue des partenariats avec Google et Facebook pour former ses équipes et leur offrir de nouveaux outils digitaux.
- Digitaliser des services financiers. Les équipes brésiliennes vont proposer de nouveaux produits financiers, avec notamment du paiement différé. Ils s’intégreront dans une « superapplication mobile » en cours de réalisation.
LSA Databoard
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