Nathalie Balla (La Redoute) : "L'objectif reste 1 milliard d'euros de volume d'affaires d'ici à 2021"
Gestion du Covid-19, rachat par les Galeries Lafayette, prochaines ouvertures de point de vente et lancement d'une nouvelle offre de seconde main…Nathalie Balla, une des deux têtes pensantes du renouveau de La Redoute, revient pour LSA sur la riche actualité de l'enseigne.
Mickaël Deneux
\ 11h31
Mickaël Deneux
En juin 2014, le groupe Kering céde pour un euro symbolique la Redoute (et sa filiale Relais Colis) à Nathalie Balla et Eric Courteille deux de ses cadres dirigeants. A l'époque, l'emblématique entreprise de VPC, créée en 1837 à Roubaix, accuse des pertes de 50 millions d'euros par année et se trouve proche de la fermeture. Les deux dirigeants vont alors mener un ambitieux plan de transformation digitale. Dès 2017, l'enseigne retrouve des comptes à l'équilibre en réalisant 85% de son chiffre d'affaires via le digital, en procédant à un recentrage de l'offre sur le prêt à porter et la Maison. L'entreprise, investit notamment plusieurs dizaines de millions d'euros dans un entrepôt robotisé-Quai 30- permettant de traiter 3 500 commandes à l’heure et 300 000 références produits. Le 10 avril 2018, le groupe Galeries Lafayette, via sa holding Motier, prend une participation majoritaire à hauteur de 51 % dans La Redoute. Cette participation sera de 100% en 2021. Nathalie Balla fait le point sur les ambitions de son entreprise à l'approche de cette échéance.
LSA - Comment se porte la Redoute ?
Nathalie Balla – Nous sommes en ligne avec les objectifs fixés, même légèrement au-dessus. Avec d'excellentes performances dans la catégorie de la maison. Le segment représente 70% de l'activité globale. Mais aussi à l'international, avec un système de distribution très efficace durant la période du Covid. Les performances du prêt-à-porter sont aussi bonnes, compte tenu de la décroissance que le marché global connaît. L'objectif reste toujours d'atteindre un milliard d'euros de volume d'affaires d'ici 2021. Notre volume d'affaires était de 875 millions d'euros en 2019, et nous sommes toujours en croissance .C'est en ligne avec le business plan que nous avions vendu aux Galeries Lafayette. L'année n'est néanmoins pas terminée et je n'aime pas trop vite crier victoire, mais c'est de bon augure.
La crise sanitaire vous a donné des enseignements ?
NB - Elle a déjà permis de faire avancer un projet qui était dans les cartons. Nous allons lancer une une solution CtoC (de particuliers à particuliers). Elle sera disponible à la fin 2020 sur notre site. Il y a une vraie prise conscience des Français, mais aussi dans le monde. Un certain nombre d'achats s'effectuent désormais de manière plus raisonnée. Au-delà du sujet RSE, il y a aussi la question du pouvoir d'achat. La combinaison des deux contribue à la montée en puissance du CtoC.
Vous-vous orientez donc sur une offre de seconde main comparable à celle de Vinted, ou plus dernièrement Zalando ?
NB -Tout à fait, les clients pourront acheter et revendre des produits de seconde main, achetés sur le site de La Redoute, ou même une autre plateforme. Il faut répondre à une évolution de la consommation, mais aussi proposer à nos clients un ensemble de services. Ils vont les chercher ailleurs pour le moment. Sans pouvoir tout dévoiler, l'offre sera différente de celle lancée par Zalando. C'est un projet dans les tuyaux depuis longtemps, dont le déploiement est accéléré par la crise. Il fait sens avec les exigences et les changements d'usages de nos clients.
L'établissement de showrooms connectés entre-t-elle dans cette volonté ?
NB - Le point de vente le plus abouti est celui situé à la rue d'Uzès, inauguré à Paris en avril dernier. Il incarne les valeurs de la marque "Redoute Intérieur" et apporte une expérience de service. Un point relais a été installé, au sous-sol, pour que les clients puissent retirer leurs colis. Et une cabine où les clients peuvent essayer les produits commandés sur le site. Le point de vente comporte aussi tout un pan d'espaces conseils, avec des bibliothèques d'inspiration. Cela va plus loin que des conseils délivrés aux clients. Il y a une dimension servicielle et d'expérience, d'un canal à l'autre. Tout est perfectible, mais à mes yeux, l'espace de la rue d'Uzès se rapproche le plus de ce que l'on souhaite faire. Avec une capacité à passer sa commande pour emporter les produits, mais aussi sur des articles non disponibles sur site.
Envisagez-vous d'ouvrir de nouveaux points de vente à l'avenir ?
NB - Le plan de développement pour atteindre le milliard d'euros de volume d'affaires incluait quarante points de vente. Des magasins en propre, mais aussi des corners dans les grands magasins. Aujourd'hui, la Redoute compte 50 corners et 12 magasins. C'est bien au-delà des objectifs initiaux. Désormais, le cap est mis sur l'ouverture de magasins à l'étranger.
30% du chiffre d'affaires est réalisé à l'international. Essentiellement en Suisse, en Belgique, en Angleterre, en Espagne, au Portugal et en Russie. Ce pourquoi, il est prévu pour fin d’année 2021, début 2022 une ouverture de boutique en Suisse. Le développement du canal physique s'effectuera en dehors de la France, à partir de l'année prochaine. Le potentiel de développement est grand. Nous pouvons doubler nos chiffres d'affaires d'ici 5 ans à l'international. Nous venons de lancer avec succès les Pays-Bas et l’Allemagne. D'autres pays vont, par ailleurs, être testés. Ce sera annoncé l'année prochaine.
Ce sera votre première boutique pérenne à l'étranger ?
NB - Par le passé, il y a eu des pop-up stores. Deux en Suisse et un troisième à partir de début novembre à Zurich. Un autre pop-up verra le jour au Portugal. En revanche, il n'y avait pas de boutique comme il y en avait en France. Ce sera la première à l'international, oui.
Pour revenir à la crise, la transformation numérique amorcée depuis votre reprise de la Redoute vous a permis de mieux vous en prémunir ?
NB - Oui, tous les projets menés depuis 2014 furent utiles. De manière générale, l'ensemble des acteurs ayant travaillé à leur transformation digitale, s'en sortent mieux que les autres. Lors de la reprise, il a fallu transformer l'entreprise de fond en comble. Mais aussi faire preuve de résilience, ce qui a été utile, au même titre qu'un important travail de fond sur la mission de l'entreprise, à savoir « Embellir la vie des familles » en devenant la plateforme lifestyle préférée des familles.
Je pense notamment aux évolutions technologiques mises en place, au travers de Quai 30, notre entrepôt logistique automatisé. La distanciation sociale n'était plus un sujet, ou du moins il a été plus simple de gérer cette question. Enfin, l'ensemble du travail sur la Data a permis de comprendre comment la consommation de nos clients évoluait. L'offre de service s'est adaptée en fonction des besoins de consommation. Nous avons bien traversé cette crise en tant qu'organisation, mais aussi en termes de performances.
Quel bilan tirez-vous de Quai 30, près de 4 ans après son ouverture ?
NB - Il répond à un des enjeux fixés lors de la reprise. L'entreprise est devenue digitale, mais le but est de fournir une expérience similaire à celle vécue en magasin. La concurrence principale reste la distribution physique. Il fallait en ce sens accélérer les délais de livraison et cet outil l'a permis. Et ce quel que soit le jour de la semaine, avec un même niveau de service, y compris le dimanche. La promesse est tenue. Si c'était à refaire, on le referait. L'outil fonctionne de manière très satisfaisante, avec 10 millions de colis expédiés par an. L'entrepôt donne aussi une capacité à gérer la croissance. L'enjeu actuel porte sur l'amélioration du service et de l'expérience sur la partie encombrant, pour améliorer la rapidité de la livraison.
Pourtant le démarrage de l'entrepôt a été un peu compliqué en 2016, non ?
NB - Oui, il s'agissait d'un bêta-test de l'entrepôt logistique de demain. Ce qui a été mis en place n'existait pas. En utilisant 3 technologies qui étaient éprouvées, mais qui n'avaient jamais fonctionné ensemble. A savoir des systèmes de stockage, de picking et de tri complètement automatisés. L'objectif était de disposer d'un outil logistique qui fonctionne en temps réel. Pour finaliser un colis en deux heures, cela induit que tous les systèmes d'information, d'automatisation et de gestion des stocks le soient.
A l'époque, c'était une vraie révolution. Pour nous et nos équipementiers partenaires qui étaient inexpérimentés sur le sujet. Nous avons probablement sous-estimé le changement profond que ça représentait au niveau des équipes logistiques et informatiques. Il y a aussi eu une grosse turbulence au niveau de l'IT. Le système informatique devait fonctionner avec l'ancien entrepôt et le nouveau. Il a fallu six mois supplémentaires à nos prévisions pour atteindre une bonne montée en puissance de cet outil. Celle-ci est arrivée en fin 2017. Malgré ces quelques erreurs au démarrage, nous sommes ravis de disposer de Quai 30. Surtout sur des périodes à flux tendus, comme le Black Friday où le pic d'activité est monstrueux, avec un taux de service exceptionnel.
Deux ans après la finalisation du rachat, quels sont les synergies avec les galeries Lafayette ?
NB - Nous sommes très complémentaires sur les canaux de vente. Eux sont très forts sur le physique et la Redoute sur l'e-commerce. La complémentarité réside aussi dans l'offre car nous couvrons l'entrée et le milieu de gamme, quand les Galeries couvrent du milieu de gamme au luxe. Les synergies sont commerciales, avec l'ouverture de points de vente physiques, avec 50 corners dans les Galeries, avec du prêt-à-porter de la collection de La Redoute. Soit plus d'accessibilité, dans les grands magasins de province. Il s'agissait là d'une vraie opportunité et d'une accélération du plan de développement.
Ensuite le partenariat a permis la création d'une "data alliance", pour mutualiser nos données en commun et avoir une richesse d'analyse plus forte et pointue. Il y a aussi des synergies d'achats indirects sur la marchandise, où il y a eu une mise en commun sur des matières ou des produits, pour obtenir de meilleures conditions.
Quelles vont être les incidences de leur prise de participation à 100%, dès 2021 ?
NB - C'est une question qu'il faut plutôt poser aux Galeries Lafayette. De notre côté, et suivant les discussions, il n'y en aura aucune. La Redoute fonctionne de manière totalement autonome, avec un conseil de surveillance. Nous sommes alignés sur la vision du commerce. Le but du rapprochement étant de construire un acteur fort du commerce omnicanal de demain en France et à l'international. La feuille de route est partagée. Les orientations stratégiques sont claires et validées avec eux, à l'horizon de 2024. Pour moi, il n'y a aucune incidence. Nous travaillons main dans la main. C'est vraiment un actionnaire qui est venu pour chercher nos forces.
Ambitionnez-vous d'être leader dans les deux marchés où la Redoute est fortement présente ?
NB - Mener de front une transformation numérique dans un environnement concurrentiel induit de choisir ses combats. Il y a eu un recentrage de l'offre sur la Maison et le prêt à porter. L'ambition est d'atteindre l'excellence sur ces deux piliers, en termes de produits, avec un vrai axe de différenciation que sont nos collections propres. Enfin, l'axe du service peut constituer une alternative sérieuse au commerce physique, qui plus est avec les problématiques sanitaires actuelles. Nous visons à terme devenir leader sur ces deux segments.
Propos recueillis par Mickaël Deneux
875 millions d'euros de volumes d'affaires en 2019
2.000 collaborateurs
10 millions de clients dans le monde
12 millions de colis par an
7,3 millions de visiteurs uniques
12 magasins et 50 corners dans les galeries Lafayette et BHV
70% du CA en marques propres
30% du CA en marketplace
30% du CA à l'international (présence en Belgique, Royaume-Uni, Suisse, Espagne, Portugal, Russie, Pays-Bas, Allemagne)
50% du CA sur mobile
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