Quand les datas démultiplient la puissance du marketing
Des prospectus plus ciblés, des promotions taillées sur mesure et des campagnes e-mail davantage lues… Les distributeurs s’équipent pour optimiser l’utilisation de leurs datas, afin de personnaliser leurs services à destination des clients et les rendre ainsi plus performants.
Les exemples sont nombreux mais les langues se délient peu, tant le sujet est stratégique. Certes, de nombreux distributeurs se ruent sur le recrutement de datas scientists, mais personne n’ose révéler leur identité une fois la perle rare dénichée. Tous montent des projets pour analyser de façon plus approfondie leurs bases de données et les optimiser, mais motus et bouche cousue lorsqu’il s’agit d’expliquer les moyens mis en œuvre et les bénéfices qui en découlent. Plusieurs analystes et quelques distributeurs nous ont tout de même laissés entrevoir les prouesses possibles grâce à ces algorithmes superpuissants. « L’enjeu est triple, résume Raphael Hodin, CEO de HighCo Box. Il s’agit d’abord d’affiner le profilage des clients. Cela permet de mieux cibler les messages publicitaires qui leur sont adressés. Ces données sont ensuite monétisables et deviennent un vrai business. »
S’appuyer sur les comportements en ligne
Première étape de cette nouvelle approche, il convient de disposer d’une base de clients riche et pertinente. De nombreux distributeurs ont ainsi travaillé à la création d’une base unique pour rassembler l’ensemble de ces informations. Maisons du Monde vient par exemple de réunir les datas concernant ses quelque 10 millions de clients. Pour l’enseigne de décoration, cette avancée devrait permettre trois chantiers : « Mieux “travailler” le client, personnaliser les newsletters qui leur sont envoyées et travailler notre e-merchandising en fonction de leur comportement sur le web », égrène son patron, Gilles Petit, lors d’une conférence organisée par HighCo. Fini la segmentation des consommateurs en huit ou dix catégories, les algorithmes partent des données client récoltées et calculent l’intérêt d’un visiteur pour chaque offre parmi l’ensemble des scénarios établis, ce qu’on nomme le scoring. But a misé à fond sur cette carte depuis 2014 (lire ci-dessus) et a gonflé son équipe CRM, qui est passée de deux à six salariés. Grâce à cette stratégie initiée par Valérie Kaufmann, directrice CRM et e-commerce, le distributeur d’ameublement a gagné 0,7 point de croissance en part de marché depuis 2014. « Le retour sur investissement de ces campagnes ciblées, grâce à la filiale SDS MediaPost Communication, a été multiplié par dix. Désormais, sur trente campagnes mensuelles, seules deux en moyenne ne sont pas ciblées – pour le mois anniversaire et les autres temps forts de l’enseigne », précise la directrice.
Auchan a, pour sa part, unifié ses données depuis longtemps, au sein d’une même base. Le groupe est en train de monter une DMP (Data Management Platform), c’est-à-dire une plate-forme de gestion des données, avec Ysance, afin d’optimiser cette ressource. « Nous avons deux objectifs : générer davantage de trafic qualifié et offrir une meilleure expérience sur nos sites », synthétise Akim Demora, directeur marketing e-commerce chez Auchan Retail. Les tests ont débuté au premier trimestre 2016 et se montrent concluants. « Concrètement, nous réalisons plus de campagnes en temps réel et elles sont davantage personnalisées », étaye-t-il. En 2016, 27 % des campagnes digitales d’Auchan Drive ont été ciblées. Autre pilier de la galaxie Mulliez, Boulanger a vu la puissance de ses campagnes e-mail se démultiplier avec l’appui d’Ysance : le taux d’ouverture de ses courriers électroniques a grimpé de 40 %, son taux de désabonnement ayant, quant à lui, chuté de 60 %.
Le juteux business de la revente des données
Dernier pan de cette révolution, ces renseignements, qui n’associent pas de noms de clients et sont donc autorisés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), ouvrent la voie à leur monétisation. Un attrait certain pour les retailers, qui se tournent pour cela vers les marques, à l’affût de ces données sur leurs clients finaux. Chez Intermarché, un service de data sharing permet aux fournisseurs d’avoir une mine d’informations sur leurs rayons pour mieux cerner les comportements des clients, notamment. Les « clubs » fondés par les Mousquetaires (Vive les bébés, Familles nombreuses et J’aime les animaux) permettent en outre de recueillir des données précises, pour distribuer des offres personnalisées. Les anglo-saxons Asda et Walmart ont, eux, opté pour des chaînes télé en ligne, dédiées respectivement aux bébés et au petfood. La seconde initiative, financée par Nestlé, permet à l’industriel de récupérer des datas ciblées. Un certain Amazon a même fait de ce business sa principale source de rentabilité, loin devant l’achat de produits sur son site. Un levier générateur de cash, qui devrait encourager cette connaissance approfondie des consommateurs.
Des campagnes e-mail qui déclenchent plus d’ouvertures
Les campagnes e-mail restent une arme de communication et de fidélisation très utilisée par les retailers, qui en envoient souvent chaque semaine. But, avec l’aide de la filiale SDS de MediaPost Communication, a élaboré une base de données unifiée, alimentée par le système d’information de l’enseigne d’ameublement, qui permet d’obtenir une vision unique des comportements des consommateurs. But s’en est servi, notamment, pour pousser des e-mails plus ciblés. Résultat : le taux d’ouverture s’est accru de 30 %, et le retour sur investissement a été multiplié par 10 par rapport aux campagnes non ciblées.
Le pouvoir des prospectus renforcé grâce à leur version digitale
Casino, comme tous les distributeurs, ne peut se passer de la puissance des prospectus. Mais l’enseigne a noté un déficit de lecture important chez les jeunes urbains. Pour les toucher, elle s’est essayée à l’achat de publicité programmatique avec la régie médias de HighCo, achetant des cibles, en l’occurrence des jeunes, pour un certain montant, et non un nombre d’espaces publicitaires sur des sites définis à l’avance. Pour ces campagnes, le taux de clics a été bien supérieur aux standards. Ces internautes sont restés en moyenne 23 secondes sur le site dédié à l’opération, qui a permis de toucher une cible nouvelle grâce à ces offres.
Des sites marchands personnalisés qui génèrent plus de cash
Pour optimiser les ventes, Nature & découvertes s’est tourné vers Early Birds, qui a intégré sa solution dans le site du distributeur. Désormais, cinq produits sont affichés dès la home page, en fonction des historiques de parcours des clients. Ces algorithmes auto-apprenants s’enrichissent au fur et à mesure pour proposer des produits pertinents. Si le distributeur a constaté une hausse de ses paniers moyens, Early Birds assure, de son côté, qu’en un an, ses clients ont vu leur chiffre d’affaires augmenter de 4 à 5 % en moyenne, grâce à ces recommandations très fines.