E-commerce: le PDG de la pépite Rohlik détaille ses plans pour l'Europe

Discret dans les médias français, Tomáš Cupr, PDG de la pépite Rohlik détaille à LSA le modèle de l'e-commerçant ayant levé 190 millions d'euros en mars dernier, avec un chiffre d'affaires de 300 millions d'euros en 2020. L'ambitieux dirigeant ne nie pas l'intérêt du marché français et admet des discussions avec des enseignes hexagonales.

 

Partager
E-commerce: le PDG de la pépite Rohlik détaille ses plans pour l'Europe
Très discret dans les médias français Tomáš Cupr, PDG de Rohlik, délivre à LSA les clés du succès d'une entreprise fondée en 2014, qui a bouclé l'année 2020 avec un chiffre d'affaires de 300 millions d'euros (croissance de 101% en comparable).

Le deux mars dernier l'e-commerçant tchèque Rohlik - comme le nom d'un pain traditionnel du pays slave - annonce une levée de fonds de 190 millions d'euros auprès du fonds Partech. Une confirmation de la frénésie des investisseurs pour les pépites européennes de la vente en ligne alimentaire, comme le berlinois Gorillas (243 millions levé en fin mars) ou plus récemment le Norvégien Kolonial -désormais Oda (223 millions en début avril). Soit trois tours de table à plus de 150 millions d'euros, en deux mois d'intervalle pour trois modèles e-commerce alimentaire intégrant un procédé de livraison très rapide. Cette accélération de l'engouement du monde de la finance n'est pas le fruit du hasard. Un an après le déclenchement de la crise, la pandémie a bouleversé les habitudes d'un consommateur en télétravail ou confiné, en demande de délais de livraison toujours plus brefs. D'où la multiplication des paris mais il reste désormais à prouver la rentabilité de ces modèles à longue échéance.

Très discret dans les médias français Tomáš Cupr, PDG de Rohlik, délivre à LSA les clés du succès d'une entreprise fondée en 2014, qui a bouclé l'année 2020 avec un chiffre d'affaires de 300 millions d'euros (croissance de 101% en comparable). Un modèle intégré et technologique reposant sur un assortiment large et un approvisionnement quasi-exclusif auprès de grossistes, marques et petits commerçants. Le tout avec une promesse de livraison de moins de deux heures. Les grands distributeurs et centrales étant quasiment exclus de la danse. Leader de la vente en ligne de PGC, avec 2% de part de marché sur le marché de l'alimentaire dans son pays, Rohlik s'est exporté à Budapest et à Vienne, depuis décembre dernier. Le Tchèque lance désormais son offre en Allemagne, avec l'ouverture d'un entrepôt à Munich programmé pour juin : "Leur véritable axe de différenciation demeure encore difficile à mesurer sur des marchés plus matures. Par exemple en Allemagne où le trio de tête Rewe, Amazon Fresh et Bringmeister est déjà bien implanté" tempère Grégoire Kaufman, du cabinet de conseil Kearney. Tomáš Cupr se veut pour sa part ambitieux : "Nous sommes rentables en Hongrie et en République tchèque. Nous voyons l'Allemagne comme un challenge." Ce dernier n'exclut pas une éventuelle arrivée en France où il constate un potentiel certain pour son modèle et admet des discussions avec des distributeurs français. Une hypothèse qui allongerait une liste, déjà pléthorique et appelée à s'élargir, de nouveaux acteurs dans l'Hexagone, comme PicNic, Cajoo, Gorillas, Dija ou encore Everli.

LSA - Quelles sont les spécificités du modèle de Rohlik ?

Tomáš Cupr - Nous sommes un e-commerçant intégrant l'ensemble de la chaîne de valeur. Notre assortiment est aussi large qu'un supermarché avec 17 000 références. Notre axe de différenciation repose sur la rapidité des livraisons pour une aussi large gamme. Sur des créneaux de 50 minutes et une amplitude de deux heures entre la commande et la livraison. Nous avons construit un modèle pour opérer rapidement, avec une part non négligeable liée à la technologie. Nous sommes présents en République Tchèque sous le nom de Rohlik, en Hongrie (sous le nom de Kifli) et Autriche (sous le nom de Gukerl) depuis décembre 2020. Nous allons ouvrir un nouveau centre de distribution à Munich (sous le nom de Knupsr) à partir de juin. Ce sera notre sixième centre logistique en Europe. Nous avons trois entrepôts en république Tchèque, un à Vienne et un à Budapest. Nous nous approvisionnons en direct auprès des fournisseurs. Ceux-ci sont en grande partie des grossistes et des industriels, au nombre de 700 pour le moment. Nous travaillons aussi essentiellement avec des petits commerçants et des petites franchises dans la ville d'implantation que soit Prague, Brno, Budapest, Munich ou Vienne. Nous étendons leurs réseaux de distribution et nous les aidons à se digitaliser. Nous comptons 750 000 clients. Nous allons enfin lancer notre offre à Francfort.

Vous avez levé 190 millions d'euros en mars dernier. Dans quelle optique ?

TC - Cette levée de fonds servira notre expansion en Europe. Nous avons réalisé 300 millions d'euros de chiffres d'affaires, avec plus de 100% de croissance en 2020. Nous sommes rentables en Hongrie et en République Tchèque. Nous voyons l'Allemagne comme un challenge. Il n'y a pas encore d'acteurs dominants dans l'e-commerce alimentaire. Rewe est efficace sur le segment de la livraison au lendemain, mais pas le jour même par exemple. Il y a une opportunité à saisir. Ce constat est d'ailleurs vrai en France où le segment de la livraison à domicile représente que 2 à 3% des ventes alimentaires, contre 6 à 7% sur le marché anglais.

À ce titre, avez-vous des discussions avec des acteurs français de la distribution ?

TC - Nos discussions actuelles avec les enseignes françaises portent plus sur les MDD. Nous ne sommes pas encore à un stade où nous pouvons pénétrer le marché, mais la France demeure très intéressante avec des préoccupations très similaires aux nôtres. Nous avons des contacts avec des investisseurs. Le marché français pourrait constituer une opportunité que nous pourrions saisir à l'avenir.

Quel regard portez-vous sur les modèles de PicNic ou Everli qui lancent leur offre dans l'Hexagone ?

TC - PicNic propose un modèle similaire au notre. Orienté sur le dernier kilomètre, avec une géolocalisation poussée. Le client peut savoir précisément où se trouve sa commande. La proposition repose aussi une maîtrise des coûts de livraison, ce qui n'est pas négligeable en ces temps de pandémie. En ce qui nous concerne nous facturons des frais de livraison sur les commandes en deçà de 40 euros. Notre panier moyen est de 60 euros. En revanche, pour être honnête je suis plus sceptique quant au modèle d'Everli plus orienté sur la marketplace. Leur différenciation repose sur le service et non l'assortiment. Ils signent des partenariats avec des distributeurs. Mais les enseignes développent en parallèle leurs propres initiatives pour livrer à domicile. Même si la livraison urbaine reste un point d'engorgement dans les grandes villes européennes. Si je suis Casino ou Carrefour, je ne m'allie pas à ce type d'acteur. Notamment pour ne pas faire rentrer des préparateurs externes dans mon point de vente. Même si la promesse d'une livraison rapide, en une heure, peut séduire, elle ne remplace pas l'expérience en magasin, sans compter les ruptures. De même, il y a aussi la question du remplacement des manquants qui est très présente sur ce type de business model. Reste enfin à résoudre la question de la marge. Les alliances avec de grandes enseignes ne permettent pas de dégager une marge significative. Ce qui se traduit par une hausse du prix pour le consommateur final. Avec un tarif parfois plus élevé que celui des supermarchés.

Quelle est la vertu de votre modèle ?

TC - Les modèles intégrés, comme PicNic, le nôtre ou celui de Kolonial en Norvège, (NDLR : qui a levé 220 millions d'euros), permettent de générer des marges plus conséquentes. Celles-ci permettent de rémunérer les préparateurs, les livreurs, les fonctions supports. Pour notre part, nous parvenons à dégager 5% de marges. De même, la différenciation de nos modèles se fait aussi dans l'assortiment, avec une gamme supérieure en qualité de celle que l'on peut trouver en supermarché. Dans cette perspective, le non contrôle de l'assortiment peut altérer le modèle. Un acteur comme Everli peut éventuellement vendre à terme sa technologie au distributeur, mais la pérennité du modèle pose question. Ils ont plus besoin des enseignes que l'inverse.

Votre positionnement est donc premium ?

TC - Notre gamme est de haute qualité. Celle-ci est suffisante nous n'avons pas besoin de l'étendre. Je n'aime pas parler d'acheteurs "premium". Nous essayons de nous différencier par la qualité de l'offre. En République Tchèque, par exemple a fortiori en Allemagne, l'offre des distributeurs se focalise plus sur le milieu de gamme. Notre proposition est d'élargir cette proposition avec des articles de qualité supérieure. La moitié nos consommateurs nourrissent une forte appétence pour les produits frais que ce soit au niveau de la viande ou du poisson, mais aussi sur les produits exotiques, des pâtes fraîches… Le frais constitue 60% de notre assortiment, les 40% restant se concentre sur les soins à domicile, c'est ce qui a fait la clé de notre succès en République Tchèque et en Hongrie. En Autriche, il y a beaucoup de fournisseurs, mais peu de distributeurs. Nous leur fournissons un canal de distribution. Ce pays est notre "preuve de concept" pour le marché de l'Europe de l'Ouest.

De quel œil voyez-vous l'apparition d'acteurs de la livraison ultra-rapide comme Gorillas, Dija ou Cajoo?

TC - Ces évolutions vont être intéressantes à observer, propice à une réflexion sur le temps long. Nous allons voir si le consommateur est prêt à attendre une heure de plus pour un assortiment plus large que celui offert par un acteur comme Gorillas, par exemple. Celui ne propose que des références uniques. Cette offre de livraison ultra-rapide ne semble pas adaptée à une typologie de clients, comme les familles.

Vous n'allez donc pas nouer davantage de partenariats avec des enseignes, à l'instar de celui noué avec Mark and Spencer?

TC - Nous travaillons avec eux en tant que marque et non en tant que distributeurs. Ils disposent de peu de points de vente en République Tchèque par exemple. Est-ce que nous travaillerons à l'avenir avec un distributeur comme Tesco ? Probablement pas. Car ils voudront certainement notre aide pour continuer à grandir et cannibaliser notre offre. Nous aimons travailler avec des distributeurs qui nous apportent une valeur ajoutée. Mark and Spencer dispose de ce positionnement sur des produits de haute qualité. Néanmoins, la part de distributeurs avec qui nous pourrions travailler demeure congrue. Des discussions sont en cours avec les grandes enseignes françaises, car leurs MDD sont de très grandes qualités et nous pouvons les étendre à nos marchés. Nous partageons également avec eux des informations sur nos activités.

En quoi consiste votre technologie ?

C'est une question que l'on me pose beaucoup depuis la levée de fonds ! A l'opposé d'Ocado, notre technologie demeure plus adaptée aux petits entrepôts logistiques avec une cinquantaine de préparateurs. Il n'y a pas de secret, nous avons travaillé sur cette technologie pendant six ans, pour la programmer et l'optimiser. Une grande partie de nos investissements est liée à son développement. Elle permet d'honorer les opérations de préparation dans un délai moyen de 11 minutes. Ce qui permet de livrer de manière rapide et de faire gagner du temps en dehors des entrepôts. Nous sommes inscrits sur des cycles de préparation très rapides. Sans tout dévoiler, cette technologie optimise aussi la gestion des stocks et permet de réduire le taux de rupture à 0,4 %. Dans ces conditions il n'est pas difficile d'honorer une commande en 1 heure et 45 minutes. Bien sûr dans le cas extrême d'une commande passée la nuit, celle-ci est livrée en six ou sept heures. Mais dans 50% des cas, les commandes sortent des entrepôts en cinq minutes. Pour l'heure, nos entrepôts sont peu automatisés, mais cela sera le cas à partir de l'année prochaine, ce qui permettra d'améliorer encore plus nos délais de livraison.

ROHLIK EN CHIFFRES :
Création en 2014
190 millions d'euros levés en mars 2021
300 millions d'euros de Chiffres d'affaires en 2020 (croissance de 101% en comparable)
Présent dans 4 pays : République Tchèque, Hongrie, Autriche et Allemagne
750 000 clients
638 763 commandes en janvier 2021
6 centres de distribution : 3 en République Tchèque, un à Vienne, un à Budapest et un à Munich.
Flotte de 600 véhicules au GNC

SUR LE MÊME SUJET

Abonnés

LSA Databoard

Retrouvez les indicateurs de la consommation et du retail pour suivre les évolutions de vos secteurs.

Je découvre

Sujets associés

NEWSLETTER Quotidienne

Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.

Votre demande d’inscription a bien été prise en compte.

Votre email est traité par notre titre de presse qui selon le titre appartient, à une des sociétés suivantes...

Votre email est traité par notre titre de presse qui selon le titre appartient, à une des sociétés suivantes du : Groupe Moniteur Nanterre B 403 080 823, IPD Nanterre 490 727 633, Groupe Industrie Service Info (GISI) Nanterre 442 233 417. Cette société ou toutes sociétés du Groupe Infopro Digital pourront l'utiliser afin de vous proposer pour leur compte ou celui de leurs clients, des produits et/ou services utiles à vos activités professionnelles. Pour exercer vos droits, vous y opposer ou pour en savoir plus : Charte des données personnelles.

LES ÉVÉNEMENTS

Tous les événements

Les formations LSA CONSO

Toutes les formations

LES SERVICES DE LSA CONSO

Trouvez les entreprises de la conso qui recrutent des talents

U PROXIMITE FRANCE

Merchandiseur H/F

U PROXIMITE FRANCE - 28/08/2025 - CDI - ENTRAIGUES SUR LA SORGUE

+ 550 offres d’emploi

Tout voir
Proposé par
LSA

Les réseaux de Franchises à suivre

TOUTATEAM

TOUTATEAM

Rejoignez la 1ʳᵉ franchise dédiée à la digitalisation des CSE.

+ 2600 franchises référencées

Tout voir
Proposé par
Toute la Franchise

SOUTENEZ UN JOURNALISME D'EXPERTISE, ABONNEZ-VOUS DÈS MAINTENANT À LSA

Rejoignez la communauté des professionnels du commerce et de la consommation et profitez d'informations et de données clés sur votre secteur.

Découvrez nos offres