Amazon UK s'associe à Morrisons pour le frais
L’accord permet à Amazon de proposer des produits frais à ses clients britanniques. Et à son concurrent, numéro quatre de la distribution alimentaire outre-Manche, en difficulté, d’élargir le spectre de ses opérations en ligne.
STÉPHANIE SALTI, À LONDRES
\ 00h00
STÉPHANIE SALTI, À LONDRES
Le géant américain du commerce en ligne Amazon s’apprête à pénétrer le marché ultraconcurrentiel des produits frais outre-Manche. Fin février, le numéro?quatre de la distribution britannique Morrisons a, en effet, annoncé un rapprochement avec Amazon, selon lequel les clients de ses services Amazon Prime Now et Amazon Pantry pourront accéder à des centaines de produits frais et surgelés du distributeur au cours des prochains mois. En novembre?2015, le géant de l’internet avait lancé au Royaume-Uni son offre d’épicerie Amazon Pantry destinée aux adhérents Amazon Prime, qui paient un abonnement annuel de 79 £ (un peu plus de 100 €). Cette offre, portant sur 4 000 articles, excluait les produits frais.
Moins ambitieux que prévu
Pour les analystes, l’offensive d’Amazon sur les marchés britanniques du frais et de l’épicerie n’est sans doute pas aussi ambitieuse qu’attendue, mais elle permet, au moins, à l’entreprise de se tailler une part du secteur de l’épicerie outre-Manche, à défaut de concurrencer les gros supermarchés.
Du côté du poids lourd britannique, on se frotte déjà les mains. « La combinaison de notre expertise en produits frais avec les capacités d’e-commerce et de logistique d’Amazon s’impose d’elle-même, souligne David Potts, le directeur général de Morrisons. C’est un arrangement à faible risque et peu consommateur en capitaux, qui nous donne l’opportunité de nous développer. » Le réseau de distribution d’Amazon est aussi complémentaire de celui de Morrisons : Amazon couvre tout le pays, y compris l’Irlande du Nord, d’où est absente la chaîne de supermarchés, ainsi que quelques grandes zones métropolitaines au travers de Prime. De son côté, Morrisons couvrirait un peu moins de 2 % du marché de la distribution alimentaire en ligne dans la capitale britannique, selon les études.
L’accord semble avoir convaincu les investisseurs : le cours de Morrisons prenait plus de 4% à la suite de l’annonce. Pour les analystes, cet accord est un pas dans la bonne direction pour le supermarché encore en convalescence. Morrisons a, en effet, souffert de la montée en puissance des discounters, de même que de son offensive ratée dans les magasins de proximité, sous la houlette de son ancien directeur général, Dalton Phillips, poussé vers la sortie en raison de ses échecs. Cette transaction n’a cependant pas d’influence directe sur les opérations en ligne de Morrisons, réalisées en collaboration avec le cybermarchand et logisticien Ocado depuis 2013, dans le cadre d’un accord d’une durée de vingt-cinq ans : « De la même manière que Waitrose fournit Ocado avec un certain nombre de produits, Morrisons jouera le rôle de fournisseur d’Amazon », explique Darren Shirley, analyste au sein de Shore Capital.
Un autre accord avec Ocado
Preuve de la dissociation des deux activités, Morrisons a annoncé le même jour un accord avec Ocado afin de partager la capacité du nouveau centre d’approvisionnement de ce dernier à Erith, dans le sud de Londres, dès son ouverture en 2017. D’après l’accord, Ocado fournira aussi au numéro quatre de la distribution alimentaire britannique une solution de picking des produits en magasins pour ses activités d’e-commerce. « L’accord avec Ocado permet à Morrisons d’optimiser l’utilisation de ses magasins, tandis que le deal avec Amazon lui offre une capacité beaucoup plus large avec un risque largement moins important que dans le cas d’Ocado », note, de son côté, George Scott, analyste senior au sein du cabinet Verdict Retail.
L’accord entre Amazon et Morrisons pourrait aussi avoir un impact plus large sur le secteur de la distribution alimentaire britannique. Des analystes spéculent déjà sur la possibilité pour certains distributeurs, et en particulier les discounters, de s’allier à Amazon plutôt qu’à Ocado. Sans parler des rumeurs récurrentes de rachat du pure player anglais par Amazon lui-même. Sans surprise, l’action d’Ocado perdait quelque 8% le jour de l’annonce du deal, après un repli de 30% au cours de l’année passée.
Les points forts de l’accord
- Amazon va distribuer des centaines de produits frais et surgelés de Morrisons au cours des prochains mois.
- Les deux alliés vont profiter d’une forte complémentarité géographique.
Les chiffres
Source : IGD
- 22 Mrds € : le poids de l’e-commerce alimentaire au Royaume-Uni prévu en 2020
Amazon UK
- 10 entrepôts
- 14 500 salariés prévus à fin 2016
Morrisons
Source : entreprises
- 498 magasins
- 117 000 salariés
- 21,7 Mrds € de CA 2014-2015
En Italie, Amazon compte sur sa propre logistique
Alors que Londres était pressenti comme premier pays européen pour accueillir Amazon Fresh, c’est d’abord en Italie, à Milan, que l’américain s’est lancé dans la fourniture de produits frais. L’e-commerçant y propose en effet, depuis novembre dernier, 20 000 produits alimentaires, dont des produits frais et surgelés, pour ses clients Prime. Amazon Italie met, en outre, à la disposition des Milanais, depuis trois semaines, une trentaine de fruits et légumes, et livrables dans l’heure, grâce au service Prime Now. Toutefois, aucune mention ni en Italie ni en Grande-Bretagne à Amazon Fresh. Ce qui tendrait à prouver qu’il s’agit de phases de tests ou de rodage. Et qui laissent grandes ouvertes les modalités de lancement du frais chez Amazon France.J. P.
LSA Databoard
Retrouvez les indicateurs de la consommation et du retail pour suivre les évolutions de vos secteurs.
Je découvre