Chute du petit électroménager en hypers et supermarchés, une fatalité ?

Alors que le chiffre d'affaires du petit électroménager est resté stable l'an dernier, les ventes de ces produits en grandes surfaces alimentaires ont de nouveau reculé.Une baisse devenue structurelle, que les acteurs du secteur cherchent à inverser.

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Chute du petit électroménager en hypers et supermarchés, une fatalité ?
4,4 milliards d'euros, c'est le chiffre d'affaires, tous circuits confondus, du petit électroménager en 2023.

Les enjeux 

  • Leader du PEM en 2014 avec 40 % de parts de marché, la GSA ne cesse de reculer sur ce marché, au profit, notamment, du online.
  • Les hypers et supers conservent des atouts, tels que leur fort trafic et leur fréquentation régulière.
  • Les enseignes doivent rendre le PEM davantage visible à travers des théâtralisations et des animations, et réussir à faciliter la montée en gamme, point faible des GSA.

Près de 12 points perdus en une décennie ! La part des grandes surfaces alimentaires dans le chiffre d'affaires total du petit électroménager (PEM) ne cesse de s'effriter…Et la chute, après un léger rebond en 2020 dû à la fermeture des spécialistes en raison du Covid, s'est encore accélérée l'an passé : alors que, selon GfK, le marché a fini stable en valeur à 4,4 milliards d'euros, les hypermarchés et supermarchés ont reculé de 5 %. Même écart pour les volumes, qui dévissent de 13 %, contre - 8 % pour l'ensemble du marché. « À part en petit déjeuner, où elle est en ligne avec le marché, la GSA sous-performe sur tous les segments », constate Esin Konuk Yigit, consultante senior chez GfK.

Un comble pour un circuit qui pesait, il y a dix ans, 40 % du chiffre d'affaires du secteur… Comment expliquer cette dégringolade ? Bien sûr, on peut regarder, à l'instar du Groupement interprofessionnel des fabricants d'appareils et d'équipement ménager (Gifam), le profil des acheteurs de PEM en GSA. « Leur clientèle est davantage constituée de familles avec enfants, plutôt CSP-, locataires et vivant dans la ruralité. Des foyers aux revenus contraints, qui ont probablement plus souffert du contexte inflationniste que d'autres profils », avance Laurent Cours, directeur statistiques et études du Gifam.

Les chiffres 

  • 4,4 milliards d'euros : le chiffre d'affaires, tous circuits confondus, du petit électroménager en 2023 ( stable en valeur vs 2022 et -8% en volume)
  • 5 % : l'évolution des ventes en valeur du PEM en GSA en 2023 versus 2022 ( -13% en volume)

Source : GfK

Appareils traditionnels

Un argument qui explicite le mauvais score de la GSA l'an dernier… mais pas les baisses des années précédentes. « Le recul des hypers et supers est structurel. Et ce repli profite surtout au online, la part des spécialistes restant stable », analyse Esin Konuk Yigit. Émilie Pin, responsable des études et statistiques du Gifam, s'est aussi penchée sur la structure de l'offre : « En hypers et supers, elle est davantage constituée d'appareils “traditionnels”, comme les cafetières à filtre et à dosettes, le “fun cooking” (gaufriers, crêpières, etc., NDLR) ,le dentaire ou les pèse-personnes. Les pure players viennent jouer sur leurs plates-bandes avec des produits plus innovants et valorisés. »

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Un assortiment plus restreint

Si GfK note que la GSA a plus réduit ses rayons que les spécialistes, la tendance à la baisse est générale. « L'appauvrissement des rayons est-il une cause ou une conséquence de la baisse des ventes ? Sûrement un peu des deux. Mais encore faudrait-il croire dans le potentiel du PEM : on ne peut pas gagner une bataille si on ne la livre pas !», déplore Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce. Et du potentiel, ce marché en a. « C'est un secteur résilient qui, traditionnellement, croît en moyenne de 3 % par an. Il connaît parfois des accélérations générées par l'émergence de segments porteurs, comme actuellement les friteuses sans huile ou les machines à café avec broyeur », note Vincent Berry, directeur marketing du groupe Seb. Le PEM est aussi favorisé par l'évolution de la société, comme le rappelle Philippe Goetzmann, consultant en consommation et distribution : «Depuis une vingtaine d'années, la croissance du nombre de ménages en France est deux fois plus rapide que celle du nombre d'habitants. Certes, ce sont des foyers plus petits, mais ils doivent aussi être équipés. En clair, le besoin en fours à micro-ondes croît deux fois plus vite que celui de plats cuisinés », illustre l'ancien directeur de l'offre d'Auchan. De quoi motiver les enseignes à se battre sur l'électroménager…

Frapper fort en merchandising
Théâtralisation PEM Seb
Venus pour l'alimentaire, les visiteurs n'hésiteraient pas à craquer pour un appareil bien mis en avant, avec un prix alléchant. Si certains fabricants ont réduit leurs opérations cette année, d'autres, comme Seb, jouent la carte de la théâtralisation spectaculaire et de la dégustation avec des partenaires de l'alimentaire. Idéal pour remettre à l'esprit des clients que le magasin vend aussi du PEM… Et à condition, aussi, de soigner son rayon permanent avec des produits sortis des boîtes et un merchandising clair expliquant les bénéfices concrets des différents modèles pour favoriser la montée en gamme.
 

D'autant que la GSA conserve des atouts. En premier lieu, son fort trafic et la récurrence de sa fréquentation. Des visiteurs venus pour l'alimentaire, mais qui, «si les produits sont visibles et bien mis en avant, peuvent se laisser tenter par la bonne affaire », plaide Vincent Berry, rappelant aussi la bonne image dont profite la GSA en termes de prix et de promotions. Idem, abonde Émilie Pin, « pour les premières acquisitions d'appareils ou le remplacement d'un produit après une panne ». Des « achats de détresse » dont bénéficie aussi la GSA grâce à son stock et ses rayons alimentaires. «Il faut profiter du “tout sous le même toit” pour renforcer cette dimension de prêt à l'usage, vecteur de différenciation pour les hypers et supers », estime Frank Rosenthal. Un concept compris par Carrefour.

« Dans notre rayon cafetières, nous présentons certains écosystèmes dans leur globalité, avec, par exemple, une offre de dosettes pour proposer aux clients un “starter-pack” », explique Florence Dehe, directrice de marché électroménager, électronique grand public et mobilité urbaine de l'enseigne. Dernier atout des GSA, que rappelle Xavier Caro, directeur du marketing et de la communication de De'Longhi : « Elles sont des superstars de la fidélisation : leur programme de CRM leur permet de connaître les habitudes et besoins de leurs clients encartés. »

Développer la collaboration entre marques

Alors, pourquoi ce circuit perd-il encore du terrain ? « D'abord, il faut y croire. La clé en PEM, c'est le stock, le stock… et des offres promotionnelles ! Bien sûr, c'est une prise de risque. Mais c'est la masse qui fait vendre », expose Cornélia Clairon, manager de l'espace U Techno de l'Hyper U de Savenay (44). Modèle du non alimentaire au sein du réseau, ce magasin consacre 150 m² au PEM et dispose d'un corner du spécialiste Ubaldi, lui permettant de vendre des marques premium telles que Smeg, Magimix ou KitchenAid. « S'il ne représente qu'environ 2% du CA en PEM, il nous permet de gagner en légitimité et d'être référents dans l'esprit des consommateurs », poursuit celle qui anime son espace U Techno avec sept vendeurs experts. Une aide précieuse pour favoriser la montée en gamme, l'un des points faibles de la GSA. « Pourtant, selon une étude du Gifam, un quart des consommateurs venus pour remplacer un appareil s'orientent vers un produit plus qualitatif », relève Vincent Berry. Restent les conseils avisés d'un vendeur ou, à défaut, un merchandising limpide pour expliquer la montée en gamme et les bénéfices de chaque produit afin de transformer les intentions en vente.

Jouer les spécialistes

UBALDI

Dans l’Hyper U de Savenay (44), le corner Ubaldi propose les marques Smeg, KitchenAid, Magimix…

Si l'implantation de corners de marques ou de shops-in-the-shop de spécialistes en hypers fait débat, la formule a été abandonnée par Carrefour, un temps associé à Darty, et par Auchan avec Boulanger, mais reste d'actualité chez Système U avec Ubaldi -, les enseignes généralistes gagneraient à imiter les spécialistes avec un assortiment mieux calibré. Objectif : offrir une montée en gamme et s'appuyer sur des vendeurs experts mettant en avant le « prêt à l'usage » et des services (facilités de paiement, abonnements, locations…). Si réparation et seconde main semblent plus compliquées à instaurer, « à un moment, il faudra aussi aller sur ces sujets », prévient Cornélia Clairon, responsable U Techno à l'Hyper Ude Savenay (Loire-Atlantique).

Une transformation qui peut aussi s'opérer en sortant les produits du rayon. Si l'implantation de PEM dans les rayons alimentaires ou d'hygiène fait débat, risquant d'exploser l'offre et de la rendre illisible, la théâtralisation et les animations sont plébiscitées. « Travailler la collaboration avec des marques alimentaires est une piste intéressante, par exemple en réalisant des dégustations avec un appareil de cuisson “air fryer” (à air chaud, NDLR) dans le rayon surgelés, expose Riad Sassi, directeur commercial de Philips-Versuni. Les hypers et supers sont des points de passage hebdomadaires. Pourquoi ne pas en faire des points d'échanges sur la maison, avec des forums autour de recettes ou de conseils d'entretien en associant des partenaires locaux? » Une manière de remettre l'hyper au milieu du village… Avant de s'attaquer au « village global »et d'aller chercher les pure-players sur leur « pré carré ».

Là aussi, la GSA dispose, en drive, d'un fort trafic et d'une fréquentation régulière. Si nombre d'enseignes proposent une offre basique de PEM en ligne, relayant les opérations catalogues, elles gagneraient à privilégier le cross-merchandising en ligne et la complémentarité entre alimentaire et PEM. Par exemple, en suggérant l'achat d'une crêpière à l'internaute ayant sélectionné, dans son panier, du lait, des œufs, de la farine, du sucre et des confitures. « L'une des forces d'Amazon est la pertinence de ses suggestions d'achat. Il faut s'en inspirer pour proposer des offres plus localisées et personnalisées », argue Philippe Goetzmann. Un changement de paradigme qui nécessite aussi d'y croire et de se battre.

Se renforcer en e-commerce

Capture écran dossier PEM

Livraisons, click&collect, promotions, le PEM se met en avant sur le site d’Auchan

Le constat est simple : ces dernières années, le repli des hypers et supermarchés en PEM semble surtout profiter au online, les magasins spécialistes restant globalement stables en parts de marché. Pourquoi ne pas tenter de renforcer aussi cette offre en drive ou en click&collect ? Certes, avec des rotations plus longues, ces produits sont moins faciles à travailler que l'alimentaire. « Mais essayer ne coûte rien, car il est facile de créer une catégorie en drive avec les appareils basiques qu'un client peut vouloir remplacer sans passer en magasin », expose Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce. Sans oublier de mettre aussi en avant, sur son site, les produits relayés dans les prospectus : pour le client, une bonne affaire se fait aussi bien en magasin que derrière un écran.

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