Les idées des acteurs du gros électroménager pour sortir du mauvais cycle

Confrontés à des baisses inédites des ventes en volume, les acteurs du gros électroménager poursuivent leurs efforts pour allier écoresponsabilité, économies d'énergie et bénéfices consommateurs, notamment en termes d'antigaspillage, de santé et de facilité d'usage.

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Les idées des acteurs du gros électroménager pour sortir du mauvais cycle
L'abonnement au service de réparation Darty Max vient de franchir le million d'abonnés.

Le contexte 

  • Les ventes enregistrent des baisses records, notamment en volume.
  • Le marché reste poussé par le besoin de remplacement des appareils et les évolutions du cadre réglementaire.
  • L'écoresponsabilité se combine avec la recherche d'économie des consommateurs.
  • L'innovation demeure un fort moteur de développement.

Les chiffres 

  • -2,9 % : l'évolution du chiffre d'affaires du gros électroménager en CAM à fin juin 2023, à 5,9 Mrds €

Source : GfK-Gifam

De mémoire de professionnels, on n’avait jamais vu ça ! Habitué aux sages évolutions, entre -2 % et +2 %, le marché du gros électroménager en France enregistre des baisses inédites de ses volumes depuis le début de l’année, oscillant autour de 10 %. Si ses scores sont un peu meilleurs en valeur, eux aussi sont dans le rouge. Seule courbe qui progresse : celle des prix moyens, dopés à la fois par la tendance structurelle à la valorisation de l’offre et par l’inflation. Une bien mauvaise passe pour ce marché, pourtant mature et de renouvellement.

« Après deux très belles années, en 2020 et 2021, le marché était entré en phase de rééquilibrage l’an passé, finissant à - 0,4 % en valeur. Au cours du premier semestre 2023, le recul des ventes est plus marqué, atteignant 4,6 % en valeur et 10,4 % en volume. Le nombre d’unités vendues devrait s’établir autour de 7 millions d’appareils cette année contre 7,5 millions l’an dernier. Nous sommes tout de même loin d’un effondrement », avance Émilie Pin, responsable des études et statistiques du Groupement des marques d'appareils ménagers (Gifam). Plusieurs facteurs contribuent à cette baisse. En premier lieu, le contrecoup de la crise sanitaire durant laquelle de nombreux ménages ont réinvesti sur leur foyer, s'équipant davantage. Le temps doit donc faire son usage pour que ces appareils soient renouvelés… à moins de déménager. « Mais le marché de l'immobilier tourne au ralenti, ce qui explique aussi cette baisse temporaire du gros électroménager », estime Ronald Wassenaar, CEO de BSH (marques Bosch, Siemens, Gaggenau, Neff).

Des ventes en berne

Évolution, vs A-1 en %, des ventes en unités, des prix et du chiffre d'affaires du gros électroménager en France entre juin 2022 et juin 2023

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Source : GfK, périmètre MDA 8, origine fabricants

Après l'emballement des ventes durant la crise du Covid, le marché du gros électroménager est à la peine. Un recul qui s'est accéléré depuis début 2023, malgré un ralentissement de l'inflation.

La concurrence de la réparation

La météo a aussi eu des conséquences néfastes.« Alors qu'en 2022, la France avait connu des périodes de canicule précoces et longues, la météo maussade du début de l'été a pénalisé le froid, catégorie qui a le plus reculé en volume, en chute de 16 % depuis janvier », pointe Régis Koenig, directeur réparation et durabilité du groupe Fnac Darty. Un recul des ventes que ce dernier attribue aussi à un probable transfert vers la réparation : « Entre 2000 et 2019, le nombre de réparations a perdu de 1 à 2 % chaque année. Depuis, nous enregistrons des croissances à deux chiffres. Aujourd'hui, notre abonnement à la réparation Darty Max vient de dépasser le million d'abonnés, couvrant quelque 12 millions d'appareils. Réparer devient un réflexe et comme, dans 95 % des cas, les pannes sont réparables, cela a forcément un impact sur les ventes de produits neufs », détaille-t-il. Sur ce marché, en revanche, la seconde main reste encore marginale. « Elle commence à entrer dans les considérations des consommateurs : 40 % disent regarder aussi les offres d'appareils reconditionnés pour équiper leur maison. Mais il faut trouver le gisement, or la durée de détention de ces produits dans un foyer est beaucoup plus longue que celle des smartphones », précise Émilie Pin. D'autant que se pose aussi la question de la consommation d'énergie des vieux appareils, parfois trop gourmands. « Nous avons ainsi calculé qu'un foyer disposant de cinq appareils économisait 392 € par an en 2021 par rapport à la consommation d'énergie de ces mêmes produits vingt ans plus tôt », relève l'experte. Avant de conclure : « Les consommateurs sont rationnels, ils considèrent le coût global du produit, c' est-à-dire son prix d'achat, sa consommation d'énergie à l'usage et sa durée de vie. » Un savant calcul à opérer en ces temps d'inflation et de hausse du prix de l'électricité…

Des appareils plus sobres…

Pour Ragip Balcioglu, directeur commercial de Beko (groupe Arçelik) pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Amérique du Nord, la recherche de produits plus économes se mêle à celle d'appareils plus écoresponsables. « Les consommateurs veulent des produits préservant à la fois la planète et leur porte-monnaie. Ce ne sont pas des produits low cost qu'ils souhaitent, mais des appareils qui offrent plus de valeur : ils veulent en avoir plus pour leur argent. » Une tendance confirmée par une étude menée par le groupe turc auprès d'une quarantaine d'enseignes d'électroménager en Europe. Si les trois quarts d'entre elles ont constaté un ralentissement des dépenses entre janvier et août 2023, 62,5 % ont observé une préférence croissante de leurs clients pour les appareils écologiques et 40 % pour des produits de meilleure qualité et plus fiables. Et pour 2024, 60 % estiment que le passage à des produits plus respectueux de l'environnement et plus économes en énergie pour réduire les coûts de consommation va s'accélérer. Elles sont, en revanche, plus mitigées concernant la santé économique du secteur : si 40 % se disent incertaines pour 2024, 25 % pensent que ce millésime sera pire que 2023… et 35 % qu'il sera meilleur. La fin d'un mauvais cycle ?

Vincent Rotger, président de Haier France, fait partie de ces optimistes : « On nous le répète souvent, c'est la fin de l'abondance : l'énergie devient plus limitée et plus chère. Et cette dimension sera croissante à l'avenir. Mais, nos appareils sont aussi de plus en plus économes, écoresponsables et connectés. Sachant que le gros électroménager est un marché de renouvellement, l'avenir est radieux pour notre industrie, à condition d'accélérer sur ces tendances et d'être à l'écoute des consommateurs. » Le groupe chinois, qui revendique la place de constructeur numéro un d'électroménager dans le monde, investit fortement pour développer et optimiser son outil industriel, notamment en Europe.

… et des usines plus vertes

« Au cours des trois dernières années, nous avons investi 350 millions d'euros pour construire deux usines en Turquie et en Roumanie, ainsi que 2 millions d'euros en France pour renforcer notre plate-forme logistique afin de gagner en efficacité opérationnelle et être toujours plus proches de nos clients », illustre Vincent Rotger. Même tendance chez son concurrent chinois Hisense, arrivé en France en 2015, qui a ouvert cette année une usine en Serbie. « Ce site nous permettra de fabriquer des réfrigérateurs side by side. Nous serons les seuls, avec Samsung, à être capables de les produire en Europe. En matière de logistique, nous accroissons également le transport en train, plus écoresponsable que le fret routier », expose Damien Neymarc, directeur marketing de Hisense.

Les fabricants historiques ne sont pas en reste dans cette course à l'efficacité et à la sobriété énergétique, levier également important pour réduire leurs frais fixes. Comme Whirlpool qui, à l'occasion du lancement de son lave-vaisselle MaxiSpace, a ouvert son usine de Radomsko, en Pologne, à la presse française. Un site sur lequel le groupe a fortement investi au cours des dernières années, avec succès : « C'est aujourd'hui le plus grand (350 000 m²) et le plus moderne de Whirlpool. Depuis 2016, nous avons réduit nos émissions de CO2 de 22 % et recyclons 100 % de nos déchets. L'an passé, nous avons aussi éliminé 286 tonnes d'emballage », énumère Francesco Menchetti, directeur de l'usine qui produit chaque année 3,5 millions de lave-linge et de lave-vaisselle. Cette dernière devrait bientôt passer dans le gironde la coentreprise annoncée en janvier dernier entre le géant américain et Arçelik pour regrouper leurs activités européennes. « La fusion entre Whirlpool et Beko en Europe se poursuit comme prévu. Nous attendons encore l'avis des régulateurs au niveau de l'Union européenne et du Royaume-Uni, mais ce processus devrait aboutir d'ici à la fin de cette année », nous a confirmé début septembre, lors du salon Ifa de Berlin, Hakan Bulgurlu, CEO d'Arçelik. Le groupe turc détiendra 75 % des parts de cette entité qui deviendra, de facto, le leader incontesté des ventes d'électroménager en France, en valeur comme en volume.

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Changement aussi, à plus petite échelle, chez Liebherr. Dès 2024, le spécialiste du froid et des caves à vin reprendra en direct la distribution de ses produits en France, confiée depuis soixante-dix ans au groupe Eberhardt. « Le marché du gros électroménager est en pleine mutation avec, notamment, l'essor de la connectivité, la complexification et la concentration de la distribution : en reprenant notre distribution, nous pourrons consacrer davantage de ressources pour investir », explique Yann Martial, directeur de Liebherr pour l'Hexagone.

Investir reste un maître mot dans cette industrie où l'innovation est, plus que jamais en ces temps de contraction du marché, un moteur de ventes. Axe central depuis plusieurs années, la sobriété des appareils en énergie et en ressources s'accélère, poussée par les attentes des consommateurs mais aussi par la réglementation. « Après une remise à plat de la classification de l'étiquette énergie en 2021, les appareils de lavage et de froid notés F et G seront sortis du marché au 1er mars prochain », rappelle Alexandrine Fadin, directrice du développement durable au Gifam.

Toujours plus de technologies

Récupération de l'eau du dernier rinçage pour le premier lavage du cycle suivant en lave-linge et lave-vaisselle, moteurs moins gourmands en électricité, pompes à chaleur pour chauffer l'eau, capteurs permettant de choisir automatiquement programme et température les plus adaptés selon le degré de salissure et la nature des textiles, autodosage de détergent… Ces technologies s'additionnent dans les appareils pour proposer des appareils affichant des notes jusqu'à A-40 % (Haier) et même A-50% (Beko). Le groupe turc mise aussi sur les matériaux recyclés et biosourcés : bouteilles plastiques pour fabriquer les tambours de ses lave-linge, vieux filets de pêche pour les plastiques intérieurs des fours, coquilles d'œufs, de moules et d'huîtres pour les supports, paniers et poignées de ses réfrigérateurs, fours et lave-vaisselle… Rien ne se perd !

Le lavage résiste mieux

Poids en valeur des catégories du gros électroménager au 1 er semestre 2023 et évolution de leur CA vs A-1, en %

Source : GfK-Gifam

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L'antigaspillage se retrouve aussi en froid et en cuisson, couplé à la recherche de bénéfices accrus pour la santé. Froid optimisé et bacs à 0 °C, réduisant l'oxygène ou recréant le cycle du soleil pour une meilleure conservation des aliments frais se généralisent dans les réfrigérateurs. Du côté des fours, l'heure est à la cuisson vapeur ou aux dispositifs qui reproduisent la cuisson des friteuses sans huile. « Outre ses avantages en matière de diététique, la vapeur permet de conserver le croustillant des aliments et de réduire de 20 % la consommation d'énergie du four », relève Anne Martel, directrice générale d'Electrolux France. Le groupe a aussi investi dans la réparation en rachetant, en 2020, la Compagnie du SAV.

« Il est important pour nous de travailler sur la réparation et l'allongement de la vie des produits », expose celle qui prévoit de nouer des partenariats avec les écoles afin d'encourager les vocations de réparateurs. Sans aller aussi loin, tous les fabricants œuvrent pour accroître la réparabilité de leurs appareils, poussés aussi en cela parle législateur qui prévoit de substituer au 1er janvier prochain l'indice de réparabilité par un indice de durabilité pour les lave-linge. Autre chantier, celui de la connectivité des appareils afin de faciliter le diagnostic des pannes.

Un enjeu pratique qui se conjugue avec la facilité d'usage des produits - capables, par exemple pour certains fours, de reconnaître les aliments et guider le consommateur dans leur cuisson -, mais aussi en matière de consommation d'énergie. Ainsi, Haier, qui produit également des panneaux solaires, planche sur un vaste programme de maison connectée : « Imaginez, vous lancez votre machine à laver, mais elle ne se déclenche que lorsque la disponibilité des panneaux solaires est au maximum ou lorsque l'énergie du réseau est à son meilleur niveau », se projette Vincent Rotger. De quoi allier économie et écologie…

Comment sortir de la crise ? 

1. En investissant dans l'outil industriel

Malgré la crise, les fabricants continuent à renforcer leurs sites de production. Si Haier a investi 350 millions d'euros en deux ans pour construire deux usines en Turquie et en Roumanie, Hisense a ouvert début 2023 un nouveau site dédié au froid en Serbie tandis que Whirlpool a récemment réorganisé et ouvert de nouvelles lignes sur son site de Radomsko en Pologne. Des investissements qui visent à toujours mieux desservir les marchés locaux, mais aussi à améliorer l'impact environnemental de la production. À l'image de l'usine de Whirlpool, sa plus grande en Europe, qui a réduit ses émissions carbone de 22 % en sept ans et recycle 100 % de ses déchets.

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2. En préservant l'humain et la planète

La santé, de l'homme et de l'environnement, reste un axe porteur : fours à cuisson vapeur ou reproduisant le système des friteuses sans huile, réfrigérateurs permettant de conserver les vitamines et les aliments plus longtemps, comme avec la technologie HarvestFresh de Beko qui reproduit le cycle du soleil pour mieux conserver fruits et légumes … La chasse au gaspillage alimentaire est ouverte, mais pas seulement : sur les lave-linge, les filtres à microplastiques et l'autodosage se généralisent tandis que les plaques de cuisson se parent de revêtements nettoyables sans détergent. 

3. En économisant davantage à l'usage

A- 10,- 20,- 30 et même- 50 ! Les produits surclassant la meilleure note de l'étiquette énergie ne manquaient pas au dernier salon Ifa de Berlin. Une tendance qui se retrouve dans toutes les catégories, en particulier les lave-linge et lave-vaisselle comme l'I-Pro Shine Series 7 d'Haier affichant A- 30 % .Économes en eau et en électricité, les appareils embarquent toujours plus de technologies pour adapter les cycles, le dosage de détergent ou la cuisson des aliments. L'intelligence artificielle se développe en vue de faciliter les usages pour le consommateur, mais aussi pour mieux entretenir ses machines et piloter au plus fin la consommation d'énergie.

4. En augmentant la durée de vie du produit

Porté par l'ensemble de la filière ainsi que par l'évolution de la législation, l'allongement de la durée de vie des appareils est devenu un axe majeur sur le marché : instauration du bonus réparation, transformation au 1er janvier prochain de l'indice de réparabilité en indice de durabilité… Outre les acteurs historiques de la réparation, tel Darty dont l'abonnement au service de réparation Darty Max vient de franchir le million d'abonnés, les industriels sont de plus en plus engagés pour favoriser l'entretien et la maintenance, la disponibilité des pièces détachées et la facilité de réparation.

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