Lidl France : John-Paul Scally et Michel Biero, un tandem face au défi de la relance
John-Paul Scally, nouveau président de Lidl France, inaugure, aux côtés de Michel Biero, ce 25 septembre, le tout neuf siège français de l’enseigne. Si la baisse des prix commence à se lire dans les parts de marché, le binôme devra se saisir de nombreux chantiers.
Magali Picard
\ 07h00
Mis à jour 25 Sept. 2024
Magali Picard
Mis à jour
25 septembre 2024
De nombreux défis
- Restaurer l’image prix auprès des consommateurs, qui s’est fortement dégradée depuis deux ans.
- Faire revenir les clients fidèles qui fréquentent plusieurs enseignes et se sont détournés de Lidl pour aller chez E. Leclerc ou Intermarché.
- Relancer les ouvertures de magasins (60 en 2024 dont 10 créations) et participer à la suite du mercato entre les enseignes.
- Améliorer l’excellence opérationnelle en magasins et dans la logistique.
Prévu pour le premier trimestre 2024, le nouveau siège de Lidl France a été livré presque en temps et en heure. Installés depuis le 20 juin dans ces 36 500 m² flambant neufs, les quelque 1 000 salariés ont quitté Rungis (94) pour Châtenay-Malabry (92). Là se côtoient bureaux, espaces verts, salles de formation et même un hôtel de 50 chambres, mais aussi des particularités propres à un groupe de distribution : une cuisine (600 m² ) où sont testés chaque jour des produits et un magasin, Lidl, bien sûr, au pied de l’immeuble.
Les investissements sont à la hauteur, « plusieurs dizaines de millions d’euros », selon Michel Biero. Ce 25 septembre, jour de l’inauguration officielle, le désormais vice-président de Lidl France, qui sera resté président huit mois, devait accueillir les élus et la presse, aux côtés de John-Paul Scally, nommé président cet été et arrivé à Châtenay-Malabry le 19 août.
7,9 %
La part de marché à P9, à + 0,1 %
- 16 Mrds € : le chiffre d’affaires en 2023
- 46 000 salariés en France
- 1 611 magasins
- 25 plates-formes d’approvisionnement
Source : LSA, Kantar Worldpanel
Faire revenir les clients
La constitution de ce binôme a créé la surprise, pourtant, c’est plutôt un « retour à la normale », aux yeux de Nicolas Champ, analyste chargé du commerce pour Barclays. « Le management de Lidl en France a toujours fonctionné en binôme jusque-là. Les deux profils semblent complémentaires. » Ce que confirme Michel Biero à LSA : « John-Paul Scally va se consacrer à l’opérationnel (les magasins, la logistique…) et moi à ce que j’ai toujours fait, les achats, le marketing et la communication. »
Une répartition des rôles qui rappelle celle du précédent tandem que Michel Biero formait avec Frédéric Fuchs, reparti en Allemagne. « 70 à 80 % des défis actuels de Lidl concernent la vente et l’expérience d’achat en magasin », ajoute Michel Biero, sujet que John-Paul Scally maîtrise parfaitement pour avoir mené Lidl en Irlande à 15 % de part de marché. « L’excellence opérationnelle, c’est offrir un meilleur accueil en magasin, moins de ruptures dans les rayons, améliorer la logistique en amont », détaille à LSA le vice-président de Lidl France. Retour aux basiques donc. Une 26e plate-forme logistique de 90 000 m² est attendue à Ablis, dans les Yvelines, pour mars 2025.
John-Paul Scally, un Irlandais président de Lidl France
Sur une île où Lidl détient 15 % du marché alimentaire, John-Paul Scally y est sans doute pour quelque chose. Cet homme de 44 ans a en effet mené le développement tambour battant de l’enseigne allemande en Irlande, du Sud et du Nord, de septembre 2015 à juillet 2024. Originaire de l’ouest de l’île et diplômé de l’Université nationale d’Irlande, à Galway, le nouveau président de Lidl France a dirigé pendant neuf ans les 220 magasins irlandais qui accueillent 2 millions de clients chaque semaine. Auparavant, il a gravi les échelons, de la construction à la logistique, jusqu’à devenir directeur de région en 2008. En 2012, il fait un petit tour en France comme directeur exécutif opérationnel et croise le chemin d’un certain Michel Biero.
Aujourd’hui, les deux hommes se retrouvent en tandem, John-Paul Scally comme président, poste occupé par Michel Biero depuis le début de cette année, vice-président depuis le 1er août. Au premier revient l’exécution opérationnelle et la gestion d’un groupe de 46 000 salariés en France, au second le marketing, les achats et les prises de parole et la représentation de l’enseigne.
Cette quête de l’« excellence opérationnelle » vise aussi à faire revenir les clients partis à la concurrence depuis le début de l’inflation. Et ils sont nombreux. Entre mai 2023 et février 2024, Lidl a essuyé une baisse de part de marché continue, du jamais-vu pour le discounter présent depuis 1989 dans l’Hexagone. Gaëlle Le Floch, directrice marketing de Kantar Worldpanel, l’explique par le profil des clients de Lidl. « Contraints par leur budget, ils veulent du prix et encore du prix. D’ailleurs, pendant cette période, l’image prix de Lidl s’était fortement dégradée. »
L’assortiment resserré autour de 2 500 références alimentaires en moyenne, dont 80 % de marques maison, explique aussi la décroissance de Lidl. « Les marques de distributeur n’ont pas d’amortisseurs comme les coûts marketing et prennent de plein fouet la hausse des prix des matières premières et de l’énergie. Résultat : les répercussions sur les étiquettes sont plus importantes et la clientèle qui doit faire très attention à son budget est retournée chez E. Leclerc ou dans les solderies », explique Philippe Goetzmann, expert en retail.
Une part de marché qui frémit à la hausse ces derniers mois
Évolution de la part de marché en valeur de Lidl depuis un an, en pt
Source : Kantar Worldpanel
Pour la deuxième fois consécutive, Lidl voit sa PDM augmenter légèrement. Cela préfigure-t-il un retournement de tendance pour l’enseigne discount qui patinait depuis un an ?
Reprise des ouvertures de magasins
Pour inverser la tendance, Lidl a investi massivement dans la baisse de prix. Une gamme de 70 produits premiers prix a été créée et une baisse moyenne de 10 à 15 % appliquée sur 230 articles. Résultat : depuis le mois de mars, Lidl regagne des parts de marché, entre 0 et 0,4 point selon les mois. Un redémarrage timide, mais la machine repart, même s’il est toujours compliqué de faire revenir des clients partis à la concurrence.
Le nouveau duo doit s’armer de patience. « Nous gagnons des clients et des unités vendues, mais notre prix moyen à l’article ayant beaucoup baissé, le chiffre d’affaires n’est pas encore à la hauteur », soupire Michel Biero. La déflation qui pointe sur certaines matières premières agricoles devrait aider l’enseigne, elle qui négocie tout au long de l’année, contrairement à ses concurrents. Ces baisses de marges sont maîtrisées, selon Michel Biero : « Nous faisons des arbitrages. » Le budget communication, lui, reste élevé sur les promos. En 2023, il s’élevait à 594,3 millions d’euros brut, en hausse de 6,6 %, selon Kantar Media. Soit beaucoup moins que E. Leclerc (+ 16,6 %, à 623 millions d’euros).
« Lidl n’est pas taillé pour l’inflation. Mais, depuis plusieurs mois, nous avons investi massivement dans les prix en prenant sur nos marges et en faisant attention aux autres dépenses. »
Michel Biero, vice-président de Lidl France
En attendant que la baisse des prix se traduise concrètement dans les parts de marché, Lidl repart à l’offensive sur les ouvertures de magasins (seulement 6 en 2023). En 2024, dix nouveaux auront vu le jour et 50 fait l’objet de transferts ou d’agrandissements. D’ici au 2 octobre, Bessières (31) et Langueux (22) ouvriront. Cela traduit clairement une volonté de repartir de l’avant. Sans compter, peut-être, une participation de Lidl au deuxième tour dans le mouvement de concentration qui agite la distribution française depuis avril 2023.
Cet article est issu de notre édition du 26 septembre 2024
SUR LE MÊME SUJET
Top 100 des enseignes du commerce
AbonnésRetrouvez le classement annuel des 100 premières enseignes du commerce en France
Je découvre le classement