Quand vos rayons deviennent interactifs : l’avenir du supermarché est en réalité augmentée [Tribune]
James Hughes est directeur des technologies (CTO) chez Verizon Business. Ils croient profondément en l’avenir de la réalité augmentée pour créer de nouvelles expériences dans les supermarchés.
La Rédaction
\ 06h30
La Rédaction
Alors que le marché mondial de la réalité augmentée dans le commerce de détail devrait atteindre 60 milliards d’euros (64,4 milliards de dollars) d'ici 2030, les supermarchés commencent à réaliser que la réalité augmentée n’est pas une simple curiosité technologique : c’est une stratégie essentielle pour survivre dans un paysage concurrentiel de plus en plus intense.
Depuis des années, les distributeurs s'efforcent de faire revenir les clients en magasin. Le e-commerce est certes pratique, mais le supermarché reste le cœur économique de la vente au détail. Même Amazon, malgré sa logistique d’exécution des commandes ultra-optimisées, affiche des marges de profit modestes (certes à très grande échelle). Une vérité économique s’impose : c’est l’achat en magasin qui génère le plus de rentabilité, notamment grâce aux achats d’impulsion. Mais pour cela, les supermarchés doivent offrir une raison de venir en magasin, en apportant les avantages du digital dans les rayons physiques.
Réconcilier le consommateur avec l’expérience en magasin
Actuellement, l'expérience d’achat alimentaire est encore inefficace. Plus de deux tiers des consommateurs quittent le magasin sans rien acheter, simplement parce qu'ils ne trouvent pas ce qu'ils cherchent. Le personnel passe une grande partie de son temps à orienter les clients, preuve que l’agencement classique des magasins n’est plus adapté.*
Le « système d'orientation » assisté par la réalité augmentée offre une solution qui va au-delà de la simple praticité. Elle peut transformer les courses en une expérience beaucoup fluide grâce aux supports numériques. Plus besoin de lire les panneaux ou d’interpeller un employé : les clients peuvent être guidés en temps réel vers ce qu’ils cherchent, recevoir des alertes sur les promotions ou des idées d’associations produits.
Les supermarchés européens ne se contentent plus d'expérimenter la réalité augmentée (AR), ils la déploient à grande échelle. Presque dix ans après la frénésie de Pokémon Go (plus de 500 millions de téléchargements de l'application), la promesse de la réalité augmentée se concrétise enfin. Ces dernières années, Marks & Spencer, Nisa, Carrefour et Coop, pour n'en citer que quelques-uns, ont tous lancé des initiatives qui intègrent l’AR dans les parcours en magasin, avec des bénéfices concrets à la clé.
Par exemple, l’enseigne Cora a lancé dans son hypermarché de Houdemont une chasse aux œufs en réalité augmentée, mêlant ludique et digital pour capter l’attention des familles pour Pâques. En scannant le catalogue ou en se promenant dans les rayons du magasin, les clients accèdent à une série de scènes interactives en 3D via leur smartphone, transformant l’acte d’achat en une véritable aventure immersive. Au-delà de l’animation festive, l’initiative s’inscrit dans une stratégie plus large de fidélisation et de collecte de données, dans le respect du RGPD. Ceci illustre à quel point le retail peut réinventer sa relation avec les consommateurs par le biais des technologies immersives.
Transformer les rayons en expérience
Des marques plus audacieuses utilisent la réalité augmentée au-delà de la simple navigation dans les magasins pour créer un engagement plus profond avec les clients. L'activation Britvic Mirror de Robinsons, installée dans une grande chaîne de magasins d'alimentation du Royaume-Uni, illustre cette tendance. Bien plus qu’un gadget, c’est une véritable leçon de storytelling en magasin : des "miroirs magiques" en AR transforment les clients en Elphaba ou Glinda (clin dœil malin à la sortie du film Wicked), tout en promouvant une boisson scintillante Robinsons. Cette expérience, qui s'appuie sur l'infrastructure réseau de Verizon, démontre que ces innovations reposent sur une connectivité sans faille. En permettant aux clients de vivre des expériences uniques dans les rayons, la réalité augmentée prouve qu’elle peut offrir des émotions que le commerce en ligne est incapable de reproduire.
Ce type d’activation répond à la demande croissante d'expériences en magasin que le e-commerce ne peut pas égaler. Il s’agit de créer un lien émotionnel, de prolonger le temps passé en magasin et de favoriser l’achat d’impulsion. Pour les marques confrontées à des marges serrées, ce n’est pas un gadget, c’est une stratégie efficace pour séduire et convertir.
Le défi de l’infrastructure technologique
Tout cela est déjà possible… à condition de disposer d’une infrastructure réseau adaptée : haut débit, faible latence, bande passante suffisante. Or, les supermarchés européens sont encore mal préparés à la consommation de données qu’exige l’AR. On estime que les efforts de modernisation des technologies de l'information coûteront aux distributeurs européens jusqu'à 19 milliards d'euros cumulés d'ici à 2030. Un seul utilisateur de réalité augmentée consomme environ 1 Go par heure, mais près de 85 % des supermarchés européens admettent qu'ils n’ont pas encore mis en œuvre leur plan d’edge computing, pourtant essentiel pour afficher du contenu holographique et interactif en haute qualité. Un livre blanc de Verizon révèle également que seules 15 % des enseignes alimentaires et généralistes disposent d'un accès Wi-Fi client en magasin, même si 42 % prévoient de le déployer.
De nombreux supermarchés dépendent encore de systèmes anciens, fragmentés, qui empêchent toute synchronisation efficace entre les données de stock, les prix et les promotions. Pour que ces nouvelles expériences soient convaincantes, elles doivent être parfaitement fluides. Cela implique d’investir dans des solutions sans fil, le multi-access edge computing, des capteurs IoT, etc. Avec une infrastructure adaptée, un nouvel univers d’opportunités s’ouvre pour le retail.
Un investissement, pas une dépense
La réalité augmentée est un investissement stratégique pour l'avenir. Il ne s’agit pas de suivre une mode, mais de réinventer le retail dans un monde numérique. Les distributeurs doivent voir cela comme une opportunité, pas comme un centre de coûts.
L’essor du commerce alimentaire en ligne a certes entamé les marges des supermarchés, mais il a aussi jeté les bases d’un nouveau paradigme : un retail hybride, mêlant numérique et physique, pour offrir des expériences immersives, personnalisées, à la fois utiles pour le consommateur et rentables pour l’enseigne. L’avenir appartient aux acteurs qui oseront cette transformation numérique et imagineront ce que peut devenir l’expérience d’achat alimentaire.
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