SOFT-DRINKS : LES RELAIS DE CROISSANCE DE DEMAIN
« Malgré un été maussade, nous avons tout de même réussi à créer de la valeur », tempère Philippe Lambolay, directeur national du circuit alimentaire de Coca-Cola France. Tous les acteurs ne partagent pas cet optimisme. « Sans le light, beaucoup de marques auraient connu des résultats moins bons », analyse Gilles Galoux, chef de groupe soft-drinks chez Unilever.
En 2002, Orangina Light a progressé de 14,7 % en volume, alors que la version standard accusait une baisse de 6 %. Même tendance chez Coca-Cola où cela fait six ans que la version allégée en sucre enregistre chaque année entre 18 % et 20 % de croissance. Il se consomme cinq fois plus de Coca-Cola Light en Belgique qu'en France, trois à quatre fois plus en Angleterre ! C'est dire le potentiel.
Les industriels savent qu'une partie de leur avenir se jouera sur ce segment. Lors de la présentation de la nouvelle entité née du rachat d'Orangina-Pampryl par Cadbury Schweppes, Jacques Pfister, le président-directeur général d'Orangina Schweppes, l'a lui-même reconnu : « Le light sera, avec la tendance santé, l'un des principaux relais de croissance de demain. » Avant d'annoncer qu'Oasis Tropical et Gini auraient prochainement leur version allégée en sucre
Le light est devenu un filon en or. Selon une étude du cabinet de veille en innovation, XTC, 9 % des nouveautés alimentaires lancées en 2002 portaient sur des produits allégés. Les céréales pour le petit déjeuner lui doivent un bond de 8 % l'an dernier. Dans les plats cuisinés surgelés, la progression est cinq fois supérieure ! « 75 % des hommes et 80 % des femmes pensent qu'alimentation et santé sont étroitement liées », insiste-t-on chez le spécialiste du régime, Weight Watchers .
Les Français surveillent leur alimentation. Ils surveillent aussi ce qu'ils boivent. Partant du principe vérifié que ce qui se passait aux États-Unis finissait souvent par arriver en Europe, les fabricants de soft-drinks savent qu'ils marchent sur un fil. « Les sodas sont des mines de calories sans valeur nutritionnelle et donc des cibles idéales pour le nouveau consumérisme », note Marion Nestle, professeur et directeur du département Nutrition et Santé de l'Université de New York. Les nutritionnistes ont été les premiers à tirer le signal d'alarme, soulignant que la consommation de soft-drinks avait une influence directe sur le rapport à la nourriture, le sucre ayant tendance à favoriser les séances de grignotage.
Les ventes de sodas s'essoufflent un peu partout dans le monde. D'après un rapport du panéliste Canadean, de 39 % en 1995, leur part de marché serait ainsi passée à 36,2 % en 2001. L'heure est aux boissons plus saines. Plus naturelles aussi, à l'instar des jus de fruits ou du thé. Rien qu'avec une marque, Lipton Ice Tea, Unilever a réussi à s'octroyer le troisième rang du marché en France, à seulement une portée de verre d'Orangina (tableaux page 52). Mieux, en 2002, les thés glacés ont de nouveau été le premier moteur de croissance du rayon des soft-drinks, suivis de très loin par les boissons aux fruits gazeuses.
Coca-Cola et Pepsico multiplient les initiatives pour colmater les brèches. « En six mois, Coca-Cola Light Lemon est devenue la neuvième rotation en volume du rayon, avec 1,3 million de foyers acheteurs et 40 % de taux de réachat », souligne ainsi Philippe Lamboley. Coca-Cola n'est pas le seul à avoir lancé la riposte. Depuis le début de l'année, Pepsico l'a rejoint sur le terrain de l'aromatisation, avec Pepsi Twist. Les deux multinationales savent que si elles ne réagissent pas, d'autres en profiteront. « La bagarre n'a jamais été aussi forte », reconnaît Jacques Pfister, qui refuse de dévoiler ses cartes, préférant rappeler à qui veut l'entendre que « hors colas, Orangina Schweppes est le numéro un des soft-drinks avec 40 % de part de marché pour 600 millions de litres écoulés ». Face à la relative maturité du marché des colas, les équipes commerciales d'Orangina Schweppes sont convaincues d'avoir une carte à jouer. Leur argument : une présence sur tous les segments de marché, des boissons aux fruits gazeuses et plates aux jus de fruits ambiants et réfrigérés, sans oublier les boissons festives pour enfants (Champomy). L'analyse de Georges Lewi, directeur de HighCo Institute, cabinet spécialisé dans la stratégie des marques, abonde dans ce sens (lire l'interview page 58). « La concurrence est telle que les entreprises pourront de moins en moins être présentes partout avec un seul produit. Il faudra de plus en plus de concepts pour des cibles différentes et pour tous les moments de la journée. »
Sans doute vrai au niveau des entreprises, qui cherchent toutes à multiplier leurs relais de croissance, cela l'est sans doute moins pour les enseignes, les colas générant la moitié du chiffre d'affaires du rayon soft-drinks. Marché de marques par excellence, ce sont de formidables produits d'appel. Ce que défend Philippe Lamboley : « Coca-Cola Light Lemon a permis de recruter 36 % de nouveaux consommateurs, des personnes qui, jusqu'ici, ne consommaient pas ou peu de soft ! »
Les opérateurs de soft-drinks ont toujours eu recours aux déclinaisons de parfums. Et ils continueront sans doute à le faire longtemps comme l'explique Xavier Terlet. « Au début, il y a bien eu les yaourts nature, puis ceux aux fruits, puis les yaourts à la pêche. Et la segmentation s'est encore affinée, avec des yaourts à la pêche du Roussillon puis à la pêche de vigne, et ainsi de suite. » Pour autre preuve, l'arrivée en France de Coca-Cola à la vanille, prévue pour la mi-mars.
Au siège de l'entreprise, à Issy-les-Moulineaux, on jure que Coca-Cola vanille n'est pas le frère jumeau de Coke Vanilla (États-Unis) mais que la « recette a été retravaillée afin de répondre aux goûts français ». Plus que les secrets de cuisine, la question est surtout de savoir ce que fera Pepsico. Interrogé sur l'arrivée probable de Pepsi Blue (version à la cerise) en France, Charles Bouaziz, PDG de Pepsico France, botte en touche : « Pepsi Blue est plus un vecteur de croissance ponctuel que permanent. L'intérêt d'un tel produit est ainsi de créer l'événement durant 2 à 3 mois et de générer du traffic. » Le mécanisme a récemment été utilisé en Italie, pour les fêtes de fin d'année. Et il pourrait bien être utilisé en France donc.
En attendant, les opérateurs s'activent. La gamme Fanta s'est enrichie d'une sixième référence au melon et citron-vert (Fanta Green). Coca-Cola s'apprête également à lancer une version Sprite, à base d'extraits de menthe, de citron et de citron-vert, baptisée Sprite Ice Cube. Coca-Cola prépare aussi le terrain sur son produit vedette. Spécialement conçues pour les préadolescents, des boîtes de 15 cl de Coca-Cola vendues par bloc de 12 ont fait leur apparition. Avec une préconisation en totale rupture avec ce qui se faisait jusqu'à présent, Coca-Cola France recommandant de les placer dans les rayons à proximité des briquettes et des eaux aromatisées du type P'tit Vittel !
Pas facile, même pour Coca-Cola, de se diversifier. Le groupe en a encore fait l'amère expérience en arrêtant Aquarius, une marque de boisson pour le sport lancée il y a seulement un an. Philippe Lamboley admet que les rotations n'étaient pas suffisantes : « Tout part de la demande des consommateurs. À partir du moment où Aquarius n'y répondait pas, nous avons préféré l'arrêter afin de rester crédible face aux distributeurs. » Powerade, l'autre marque développée par Coca-Cola, continue d'être commercialisée. Mais curieusement, impossible de s'en faire préciser le positionnement.
Georges Lewi, chez HighCo, n'est guère étonné : « Les boissons fonctionnelles ont énormément de mal à percer chez nous. Les consommateurs français n'y sont pas très sensibles, d'autant qu'ils ont souvent du mal à les identifier. » Au siège d'Unilever, Gilles Galoux ne dit pas autre chose : « Dès que le discours technique l'emporte sur la notion de plaisir, alors on peut être sûr que le produit ne marchera pas. Question de culture sans doute. » Chez Pepsico France, Charles Bouaziz enchaîne : « Il faut que le positionnement des marques soit bien défini. Et surtout, que les produits apportent un réel bénéfice aux consommateurs. » Les expériences passées lui donnent en partie raison. Gatorade, la marque new-age de Cadbury-Schweppes, n'a jamais réussi à percer en France, alors qu'elle fait un malheur aux États-Unis. Idem pour des marques comme Snapple (lire LSA n° 1799) ou Colorado.
Les innovations de ruptures sont rares sur le marché des soft-drinks. Les déclinaisons de parfums ou de formats de marques existantes s'expliquent d'autant mieux, que comme le rappelle Geri Hemphill, vice-président du magazine spécialisé américain Beverage Marketing, le lancement d'un produit est souvent long et coûteux. « L'innovation ne tient pas forcément à grand chose, reprend Charles Bouaziz. Lorsqu'en 1993, les minéraliers ont adopté les lots de six développés dans les soft-drinks, leurs ventes ont immédiatement décollé. »
Restant sur le marché de l'eau en bouteille, il poursuit : « Pour moi, la vraie innovation de rupture, c'est Cristaline et son positionnement prix qui a démocratisé l'eau de source en France. » Un écho qui résonne curieusement aux propos de Georges Lewi (lire ci-contre)
LSA Databoard
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