Transferts d'enseignes : Intermarché, Auchan et Carrefour remplacent Casino

Les chiffres

• 31 magasins Casino passent Auchan le 14 mai, 96 (+ 2 drives) en tout d’ici au 15 juillet
• 233 magasins Casino deviennent Intermarché en trois vagues
• 18 magasins Casino adoptent l’enseigne Carrefour

Sources : LSA/enseignes

Le 13 mai, Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, a donné le coup d’envoi des changements d’enseignes en se rendant dans un nouveau Carrefour, ex-Casino, au Blanc-Mesnil (93). Le lendemain, c’était au tour de Guillaume Darrasse, président d’Auchan France depuis le 2 avril, d’inaugurer un chantier qui va durer plusieurs semaines, voire des mois, dans les 96 magasins rachetés à Casino.

Le même jour, Thierry Cotillard, président de la SLM (Société Les Mousquetaires), a donné le top départ de « la plus grosse opération d’intégration de la distribution française depuis Carrefour Promodès en 1999 » via une conférence de presse. Après deux semaines de fermeture, 35 supers rouvrent sous la bannière Intermarché, suivis de 31 hypers et grands supers le 23 mai. Au total, 233 magasins Casino deviendront Intermarché ou Netto d’ici à l’été, avec une prise de position claire dans le Sud-Est où l’enseigne a racheté 65 supers et 10 hypers à Casino, suivi de Rhône-Alpes (56 supers et 4 hypers). Fort de premières progressions de CA sur les 61 qui ont basculé en octobre (+ 25 à + 27 % pour les supers et + 4 % pour les hypers), Thierry Cotillard espère 40 % de croissance dans les cinq années à venir et atteindre 20 % de part de marché, contre 16,7 % en 2023. Pour les 37 hypers repris par Intermarché, ce sera plus long. « Leur attractivité a baissé et il faut relancer les rayons traditionnels notamment », estime-t-il.

Dès la fermeture le 30 avril, les équipes des trois repreneurs se sont mises en ordre de bataille. Préparées depuis trois mois, il leur a fallu vider, nettoyer, débrancher avant de rebrancher et de réapprovisionner des magasins sous-investis depuis des mois par Casino. Les intégrés Carrefour et Auchan ont mis en place une méthode de bascule rigoureuse pour accompagner les troupes sur le terrain. Des troupes rassurées par ce statut, alors que ceux qui arrivent chez l’indépendant Intermarché le sont moins.

Solidarité entre les équipes

À Bagneux, Saint-Maur-des-Fossés, Le Blanc-­Mesnil, Pantin, en région parisienne, et à Saint-André- de-Cubzac (33), magasins que nous avons visités les jours d’ouverture, mais aussi à Annecy, Saint-Étienne, Valence, Hyères ou Clermont-Ferrand, des milliers de salariés ont travaillé d’arrache-pied ces quinze premiers jours de mai. La transmission s’est faite grâce à une solidarité entre les équipes : des renforts – 15 personnes par hyper et 10 par super chez Auchan – sont venus de toute la France pour former et accompagner les nouveaux venus ; idem chez Intermarché où 1 400 salariés du siège ont ­quitté Tréville (11) pour la France entière.

En magasins, les trois enseignes ont mis en place des zones de déstockage pour écouler les derniers produits Casino encore présents, à prix coûtants ou à - 50 % selon les cas. Elles ont aussi déployé leurs produits à marque propre et réinvesti, là où elles le pouvaient, les rayons frais traditionnels, laissés pour compte de l’ancien Casino. Sans oublier le retour fréquent des caisses traditionnelles. Les clients restés fidèles ces derniers mois découvriront une nouvelle enseigne, de nouveaux produits et une nouvelle politique de fidélité ; ceux qui sont partis reviendront-ils ? C’est la grande question à laquelle les états-majors ont hâte de pouvoir répondre.

Auchan débarque en force en région bordelaise

Les chiffres

Saint-André-de-Cubzac 

• 7 500 m²
• 28,3 M € de CA TTC en 2023 contre 44 M € en 2021
• 110 salariés
• - 4,5 M €, le résultat pour 2023, contre - 642 000 € en 2021
• 576 000 clients par an (673 000 en 2021)

Sources : LSA/Casino/Auchan

Ce 14 mai à 8 heures, les habitués du Géant Casino de Saint-André-de-Cubzac, bourgade de 13 000 habitants au nord de Bordeaux, ont eu la surprise de découvrir une nouvelle enseigne et d’être accueillis par des roses rouges. Un rituel d’ouverture que les équipes ont tenu à respecter. Déjà présent dans la région bordelaise avec notamment un hyper de 19 000 m² à Auchan Lac, le distributeur nordiste se renforce grâce au rachat des 96 hypers et supermarchés de Casino. Saint-André-de-Cubzac donc, mais aussi Villenave-d'Ornon et Pessac pour les très grandes surfaces, Mérignac, Talence et Cap Ferret pour les plus petites. Une fois les clés récupérées le 30 avril, Éric Moinet a fermé le 2 mai le magasin Casino qu’il dirige à Saint-André depuis 2020, et ce, pour deux semaines. Présent dans le groupe Casino depuis trente ans, il se dit ravi de l’arrivée d’Auchan. « Ces dernières années, nous avons payé une stratégie commerciale défaillante. » De fait, ce petit hypermarché a vu en deux ans son chiffre d’affaires baisser de 36 %. Le résultat s’est creusé : 4,5 millions d’euros de pertes en 2023, après - 2,2 millions d’euros en 2022, et une fréquentation en berne. Entre 2020 et 2023, le Géant a perdu 100 000 clients. Avec le changement d’enseigne, Éric Moinet espère voir son chiffre d’affaires grimper de 30 %.

En attendant, les 110 salariés, vingt-deux ans d’ancienneté en moyenne, ont troqué leur gilet vert pour un gilet rouge avec « Auchanté » sur le revers. Pendant quinze jours, ils ont travaillé d’arrache-pied. Il a fallu vider le magasin (30 % du stock Casino était encore là), tout nettoyer, débrancher puis rebrancher un nouveau système informatique, avant de pouvoir réapprovisionner le point de vente d’après le plan élaboré sur le modèle du Auchan de… Cognac.

Entouré par un « parrain »

C’est une originalité de la bascule chez Auchan : chaque hyper est encadré par un magasin « parrain ». Le choix de Cognac, en Charente, à 100 km de Saint-André, ne relève pas du hasard. « Le magasin fait la même superficie. Les équipes de Cognac ont travaillé sur le projet commercial, la configuration, le positionnement des produits, la mise en place des produits frais… », explique Xavier Billaud, directeur adjoint du Auchan de Chambray-lès-Tours. Depuis le 2 mai, il s’est installé à Saint-André-de-Cubzac pour aider Éric Moinet et ses équipes, entourés d’une task force constituée d’une vingtaine de personnes venues de toute la France et de tous les postes. Accompagner les salariés, mais aussi les clients. Le balisage surchargé de Casino enlevé, place aux annonces d’Auchan : une baisse des prix de 15,69 % précisément, un bon d’achat de 30 € en échange de 30 € d’articles passés en caisse, des marques propres un peu partout, du non-alimentaire en force ainsi qu’une zone saisonnière qui double de taille. Un catalogue promotionnel est sorti le 21 mai. Les concurrents alentour, Lidl, Aldi, et Super U, un peu plus loin, l’attendaient de pied ferme.

Intermarché à l’assaut de la petite couronne

Les chiffres

Bagneux

• 2 957 m²
• 45 salariés
• 12 M € de CA 2023
• 24 M € dans trois ans

Saint-Maur-des-Fossés

• 3 200 m²
• 77 salariés
• 14 M € de CA 2023
• 25 M € dans trois ans

Sources : LSA/Casino/Intermarché

Les communes de Bagneux (92) et de Saint-Maur-des-Fossés (94) accueillent depuis le 16 mai deux nouveaux Intermarché, à la place de supermarchés Casino. Des points de vente à fort potentiel, implantés dans des zones très différentes mais avec l’objectif commun de doubler, voire tripler le CA à l’horizon des trois ans. À Bagneux, c’est sous les applaudissements de toute l’équipe que les premiers clients entrent dans un magasin flambant neuf, à 8 h 30. Les habitués de cet ex-Casino sont bluffés à la vue de ce FabMag (le nom du concept d’Intermarché), implanté en à peine deux semaines. « Les équipes ont fait du 6 -22 heures tous les jours sans exception pour être prêtes à temps », raconte Mickael Dancerne, adhérent Intermarché, qui a repris ce magasin avec sa femme, Marion, et les frères Régis et Jérôme Quentin, adhérents à Vincennes (94). Du temps de Casino, les caisses automatiques avaient le monopole, mais le quatuor leur préfère celles traditionnelles, aujourd’hui au nombre de dix. Dès l’entrée, difficile de passer à côté du rayon marée, « qui avait disparu depuis un an pour laisser place au libre-service », note son manager, Wassim Ben M Barek. Ce passionné des produits de la mer, arrivé en 2021, ne peut cacher sa joie devant son banc bien rempli.

En rupture de saucisson depuis des mois

Une joie partagée par les 77 collaborateurs de l’Intermarché de Saint-Maur-des-Fossés. « Toute l’équipe est restée à la reprise du magasin. Tous ont hâte, en particulier ceux des rayons traditionnels, laissés à l’abandon ces dernières années », souligne Arnaud Izambard, adhérent Intermarché qui a repris ce magasin. Le rayon fromage à la coupe au fond a retrouvé des couleurs, tout comme l’offre en libre-service. « Il n’y avait plus de saucisson sec dans le magasin depuis des mois, vous imaginez ! », s’exclame l’adhérent. Implanté dans une galerie marchande à la sortie du RER A, cet Intermarché compte bien profiter de son emplacement stratégique et d’une clientèle plutôt aisée de cette banlieue cossue du Val-de-Marne pour booster son chiffre d’affaires dès la première année d’ouverture. Objectif?pour 2025 : lancer des travaux et passer au concept FabMag. « Je préfère jouer la carte de la prudence. Je veux d’abord que les clients viennent et reviennent ici, qu’ils s’habituent aux produits Intermarché et aux offres que l’on propose », explique Arnaud Izambard.

Pour cette semaine d’ouverture, l’enjeu est de fidéliser la clientèle et cela passe par des bons de réduction et promotions immédiates sur les produits à marque Casino qu’il faut écouler au plus vite dès la création d’une carte de fidélité estampillée Intermarché. Ceux-ci sont bien visibles, en tête de gondole pour Bagneux ou dans une zone dédiée à Saint-Maur. Arnaud Izambard joue la carte Producteurs d’ici, chère à Intermarché, pour mettre en avant des produits locaux. En espérant que les recettes du groupement d’indépendants répondent aux aspirations des anciens clients Casino et des nouveaux venus. 

Du potentiel en Seine-Saint-Denis pour Carrefour

Les chiffres

Le Blanc-Mesnil

• 1 041 m²
• 21 salariés
• 6 M € de CA en 2023, fort potentiel de croissance

Pantin

• 1 420 m²
• 20 salariés
• 5,5 M € de CA en 2023, bon potentiel de croissance

Source : LSA d’après données Casino

Rassurés, soulagés et satisfaits. Dans les deux ex-magasins Casino de Seine-Saint-Denis transformés en Carrefour Market, les supermarchés du Blanc-Mesnil et de Pantin, les directeurs ont le sourire. « Depuis lundi et la réouverture, je n’ai jamais eu autant de clients », raconte Dona Padonou, le directeur du Blanc-Mesnil, alors qu’une vingtaine de personnes patientent devant les caisses, ce 15 mai à midi. La visite d’Alexandre Bompard, PDG du groupe Carrefour, le matin de l’inauguration, l’a marqué lui et ses 20 salariés.

Plus largement, le parcours d’intégration mis en place depuis le début du mois, qui prévoit pour chaque point de vente l’appui d’un magasin parrain, deux managers détachés le temps de la transformation, des visites des RH, des formations aux process, comme « Caroline », l’outil de commande et de réapprovisionnement des magasins, ainsi que les points quotidiens ont achevé de convaincre Dona Padonou. Les travaux de peinture, refaite de fond en comble, et les réaménagements opérés aussi. Citons une offre de bio et une de petfood plus que doublées, une vraie zone promo, un assortiment dopé d’environ 10 %, un nouveau corner pâtisserie et des prix de fond de rayon annoncés à -18 %.

Même chose pour son collègue de Pantin, Aboubakar Kanté, qui le matin de sa réouverture, le 15 mai, recevait la visite de Franck Kenner, directeur du pôle intégré de Carrefour France. « On était un peu dans l’incertitude », nous confie le manager, rassuré par l’appel dès le premier jour de Julien Munch, directeur opérationnel du groupe, qui suit le chantier d’intégration de la trentaine d’ex-Casino. D’autant que Carrefour a vite résolu l’un des points noirs du site : son parking de 90 places devenu impraticable, car squatté par des bandes du quartier. Réfection des places, nouvelles barrières, sécurité omniprésente avec deux maîtres-chiens, le problème semble réglé. En rayon aussi le changement est notable, avec une offre de boulangerie-pâtisserie digne de ce nom au lieu du présentoir à baguettes préexistant, des fruits et légumes renforcés, comme les zones promos…

Un siège qui était aux abonnés absents

Cette mobilisation du nouveau propriétaire est d’autant plus appréciée que les deux magasins avaient le sentiment d’avoir été abandonnés par Casino. Les sites ne recevaient plus de viande ou de volaille depuis plusieurs semaines, et le siège était aux abonnés absents. « Je ne voyais plus mon DR depuis trois mois », glisse l’un des directeurs. Côté Carrefour, on se félicite de ce « transfert optimal, sans aucun couac ». « La priorité désormais va être la gestion des flux pour accompagner des volumes et un CA qui vont se développer maintenant que les magasins sont au carré, l’offre optimisée et les prix nettement repositionnés », assure Antony Duc, directeur du territoire de Paris Est de Carrefour, venu soutenir les équipes à Pantin, lors de la journée d’ouverture.