E-commerce : les drives multi-enseignes en voie de disparition trois ans après leur arrivée

Passerelle entre e-commerce et point de vente, le drive multi-enseigne promet de centraliser les retraits de commandes passées auprès de divers distributeurs. Trois ans après ses débuts, la majorité des acteurs ont plié bagage. Enquête.

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E-commerce : les drives multi-enseignes en voie de disparition trois ans après leur arrivée
Sans nouveaux investissements, Delipop ne pourra pas conserver ses 12 points de retrait de la région parisienne.

L’âge d’or de l’e-commerce alimentaire durant les années Covid a vu naître un nouveau concept : le drive multi-enseigne. Celui-ci promettait au client de récupérer au même endroit son colis Amazon, Decathlon ou ses courses Carrefour. Unibail-­Rodamco-Westfield, Delipop, ­Pickup, Qomod… Tous s’y sont essayés entre 2021 et 2023. Aujourd’hui, les derniers points de retrait encore ouverts sont sur la sellette.

Delipop, principal acteur avec 12 points de retrait, nous a confié le 3 juillet être à la recherche de nouveaux investissements. À défaut, il sera contraint de déposer le bilan. De son côté, Qomod a fermé ses deux points de retrait à Lille fin juin, pour se « laisser le temps de repenser le modèle, quitte à rouvrir sous une autre forme dans un ou deux ans », selon les termes de Grégory Martinet, son directeur marketing.

Un modèle prometteur…

  • Un point de retrait unique, accessible à toute heure, afin de centraliser les commandes de plusieurs enseignes.
  • Une mutualisation des coûts du dernier kilomètre pour un service plus économique en ville.
  • Un maillage stratégique de micro-hubs pour les distributeurs.

… confronté à la réalité

  • Une logistique onéreuse quand les volumes et le parc ne sont pas suffisants.
  • Des revenus fixes faibles.
  • Concurrence forte de Uber Eats et Deliveroo qui investissent le segment des courses.

Un « outil de conquête »

Les modèles diffèrent, mais tous proposent un drive piéton en ville pour mutualiser les commandes alimentaires et non alimentaires. Qomod, Delipop et Unibail ont lancé des drives de 50 à 120 m², automatisés, accessibles en continu grâce à des solutions robotiques. « Si des opérateurs doivent remettre les commandes 24 h/24, 7 j/7, le modèle devient non viable », précise Stéphane ­Legatelois, le CEO de Delipop. Contrairement à URW, propriétaire du foncier, les deux start-up ont loué des locaux, sous-loués à ensuite des opérateurs comme ­Delipop pour l’alimentaire, Amazon Lockers, Vinted Go, Mondial Relay ou Pickup.

Pour les enseignes alimentaires et les commerçants, « il faut imaginer ces boutiques comme de la conquête de part de marché efficiente : vous ne payez pas de loyer, seul votre chiffre d’affaires est facturé », explique Grégory Martinet. Certes, ces opérateurs ne jouissent pas d’une marque connue, mais ils offrent, en contrepartie d’une commission, un point de retrait dans des zones tendues. Delipop, par exemple, prélève 10 % par opération pour récupérer la commande en entrepôt et réserver un casier six heures.

Sur le papier, le modèle tient la route. « Les paniers alimentaires sont de 50 à 60 €, trois fois inférieurs au panier moyen en livraison à domicile, mais avec plus de produits frais, où les marges sont plus fortes et la fréquence d’achat plus élevée », observe le CEO de Delipop. Thomas Pocher, adhérent E. Leclerc et gérant de drives piéton à Lille, témoigne : « Je crois beaucoup aux drives piéton où le NPS est proche de 100, partage-t-il. Le panier moyen dépasse celui du magasin de proximité, avec moins de casse et sans frigos. Les fruits et légumes y génèrent jusqu’à 15 % du CA, contre 5 % en hyper. » Il pratique lui-même du multi-enseigne en sous-louant 10 à 20 m² à des lockers Amazon, Vinted et Pick­up pour « optimiser les marges ».

Le drive multi-enseigne en bref

  • Surface comprise entre 50 et 120 m² en zone urbaine dense.
  • Retrait de commandes alimentaires et non alimentaires.
  • Panier moyen entre 45 et 60 € selon les métropoles.
  • Concept 100 % autonome, accessible 24 h/24 et 7 j/7, selon les acteurs.

Volumes limités

Pourquoi le concept vacille-t-il ? Est-ce dû au statut de sous-locataire­ ? Non. Même URW, propriétaire du foncier de ses stations colis automatisées, a fermé celle de Vélizy 2 il y a un an et demi, et délégué celle du Forum des Halles à Delipop depuis février dernier. Contactée, la foncière n’a pas ­souhaité commenter.

Thomas Pocher pointe deux freins majeurs : l’absence de contact humain, qui nuit à l’expérience client, ainsi qu’une robotisation qui limite la densité de stockage, donc la capacité opérationnelle. Pickup, pourtant non robotisé, a lui aussi ­renoncé après avoir ouvert quatre points de retrait avec Carrefour entre 2021 et 2024.

Selon l’adhérent E. Leclerc, l’équation est aussi difficile pour les distributeurs. « Sur un drive piéton, il faut au moins 20 commandes par rotation (6 à 8 par jour, NDLR) afin d’être rentable. Un tel volume limite l’espace restant pour accueillir d’autres marchands. » C’est pourquoi Pickup avait développé son concept avec Carrefour, qui bénéficiait de l’exclusivité sur l’alimentaire… avant l’abandon du service. La filiale de La Poste n’a pas donné de plus amples détails, évoquant simplement « un manque de volumes ».

Des acteurs en difficulté

  • Delipop : 12 points ouverts entre 2021 et 2024, tous sont sur la sellette.
  • Pickup : 4 drives piéton ouverts sur la même période, tous fermés en 2024 faute de volumes.
  • Qomod : 2 sites lancés en 2023 et 2024, arrêtés définitivement depuis fin juin 2025.
  • Unibail-Rodamco-Westifield : 2 stations colis ouvertes en 2021 et 2023, l’une fermée et l’autre confiée à Delipop.

Afin de pallier le coût d’approche du distributeur, Delipop joue également un rôle logistique en récupérant les commandes en entrepôt pour alimenter ses drives. Un service facturé par un frais fixe par commande, coûteux quand les volumes ne suivent pas. Et c’est bien le nerf de la guerre : les volumes. « Avec 400 mètres de zone de chalandise et 150 retraits par jour, l’équilibre reste hors d’atteinte sans un parc composé d’au moins 50 drives à Paris », ­reconnaît Stéphane Legatelois. « Mon succès vient également de l’appui logistique d’E. Leclerc, fruit de millions d’euros d’investissements », souligne Thomas Pocher.

Selon le CEO de Delipop, une forte densité de drives rend le service incontournable pour les distributeurs. Les sources de revenus peuvent alors se diversifier : création d’offres, ajout de services, etc. « Ne pas bénéficier d’une marque comme le font les drives piéton E. Leclerc diminue également les volumes parce qu’il faut acquérir les clients », insiste-t-il. Mais ce qui révolte par-dessus tout l’entrepreneur, c’est la concurrence des plates-formes de livraison type Uber Eats ou Deliveroo, qui préemptent le marché de la livraison de courses en zone urbaine : « Ces acteurs contour­nent la loi, sous-payent les livreurs et banalisent la livraison à 2 €. » Les plates-formes, Uber Eats en tête, puis Deliveroo, représentaient 9,1 % des livraisons à domicile en 2024, selon NielsenIQ.

Pour mieux renaître ?

Malgré ces premiers échecs, les pure players Qomod et Delipop croient encore en l’avenir du drive multi-enseigne. « Alors que les débats se concentrent autour des zones à faibles émissions, il faut rappeler que la livraison en point de retrait génère dix fois moins de trafic que la livraison à domicile », affirme Stéphane Legatelois.

Reste à trouver des relais de croissance pour amortir loyers et charges. « Travailler la création de valeur au sein de ces concepts avec du retail media, propose Grégory Martinet, ou s’implanter dans les petites villes, zones périurbaines ou résidences étudiantes. » Le directeur marketing confie discuter avec des élus de villes moyennes prêts à prendre en charge une partie du loyer des drives piéton, pour pallier le taux de vacance en centre-ville et capter le flux e-commerce.

Cet article est issu de l'édition du 10 juillet 2025

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