Les magasins d’Amazon passent mal la pandémie
Les ventes générées dans les magasins physiques d’Amazon (surtout la chaîne Whole Foods) ont fortement baissé en 2020 alors que l’activité globale du leader de l’e-commerce connaît une croissance sans précédent. S'agit t-il d'une baisse passagère ou d'un mal plus profond ?
Morgan Leclerc
\ 07h00
Morgan Leclerc
Inutile de le préciser, Amazon se porte bien, merci pour lui. En 2020, la croissance de l’entreprise a été dopée par l’effet confinement, avec une progression époustouflante du chiffre d’affaires (+38%) pour atteindre 386 milliards de dollars. Le bénéfice annuel a quasiment doublé, à 21 milliards. Dans ce tableau quasiment parfait, un bémol subsiste. Oh, pas grand chose à l’échelle d’Amazon. Une broutille presque. En cause : les magasins physiques, division qui s’est inscrite à contre courant, avec une baisse de 8% des ventes l’an dernier, pour atteindre 16,2 milliards de dollars dans les magasins « en dur ». Cette branche est constituée de la chaîne Whole Foods rachetée en 2017, qui compte plus de 460 points de vente, et d’une centaine de surfaces plus ou moins grandes au nom de l’entreprise (les magasins sans caisses Amazon Go, les quelques supermarchés Amazon Fresh, Amazon Books, Amazon 4 stars, etc.).
Whole Foods ne connaît pas les fortes hausse d'activité de ses concurrents malgré la pandémie
La firme de Jezz Bezos ne publie pas le chiffre d’affaires de chaque filiale, il est donc impossible de connaître l’évolution des ventes de chaque enseigne. Mais pas besoin d‘être devin pour estimer que l’écrasante majorité de ces 16 milliards est générée par les supermarchés Whole Foods. Une enseigne qui ne connaît plus le succès qui a fait sa renommée. Et qui n’a pas vraiment tiré profit de la pandémie et la ruée vers les magasins alimentaires. Une étude d’Earnest Research citée par Bloomberg indiquait en octobre que si les ventes (estimées) de l’enseigne avaient certes progressé de 10% durant la pandémie, d’autres enseignes de supermarchés et d’hypermarchés avaient fait le double. Un spécialiste du comptage des flux en magasin estimait lui la baisse de trafic à 25% en septembre 2020 (par rapport à septembre 2019).
Certes, les consommateurs, tout comme en France, ont réduit leur nombre de visites en magasin et repartent avec des plus gros paniers. Mais là encore, la baisse de trafic observée dans d’autres enseignes était plus faible. De quoi pointer le fait que Whole Foods est moins attractive que par le passé. Et ces tendances ne sont pas nouvelles, bien qu'elles ne soient pas de nature à faire vaciller la maison mère. Lors du rachat de l'enseigne en 2017, l'acquisition d'expérience dans le domaine physique figurait parmi les raisons plausibles d'une telle opération. Le géant de l'e-commerce allait enfin apprendre et s'inspirer du fonctionnement de Whole Foods pour développer ses propres points de vente. Plus de trois ans après, le constat est mitigé. Amazon transforme tout ce qu'il touche en or, sauf ses magasins
Ventes d'Amazon par canal (données 2020) et évolution :
Le détail des évolutions des ventes des magasins physiques d’Amazon (voir ci dessus, rubrique "physical stores"), déjà peu flatteur pour 2019, traduit une érosion progressive au cours de l’exercice 2020. Sur le premier trimestre, les ventes ont certes connu une embellie (+8%), mais de courte durée. Les trimestres suivants, la branche a été dans le rouge, avec des reculs impressionnants de chiffre d’affaires (-13%, -10% et -7% respectivement pour le deuxième, troisième et quatrième trimestre). De là à penser qu’Amazon pêche encore sur le développement du retail physique, il n’y a qu’un pas. En 2019, le développement de Whole Foods 365, un plus petit format, aux prix plus accessibles, était stoppé. Ce n’est pourtant pas faute d’essayer, et d’innover dans le monde des magasins alimentaires, cette fois sous son nom, avec l’ouverture en quelques mois de plusieurs supermarchés Amazon Fresh (équipés de la technologie Just Walk out, qui permet de faire ses courses sans passer en caisse, via la reconnaissance visuelle des achats grâce à des capteurs installés dans toute la surface de vente).
Faute de données financières, il est compliqué de savoir si cette chaîne rencontre le succès, ou s’il s’agit uniquement d’une vitrine destinée à commercialiser la technologie à d’autres entreprises. De quoi alimenter l’éternel débat sur l’intérêt de l’incursion dans le domaine des magasins "brick & mortar". Ce qui est certain, c’est que la branche des "physical stores" était un peu le vilain petit canard d’Amazon en 2020 - ou le caillou dans la chaussure - avec un recul de 8% des ventes. Quand toutes les autres divisions ont progressé à deux chiffres, comme les ventes en ligne (+46%), les services aux vendeurs (+57%), les abonnements (+35%), ou le cloud AWS (+28%).
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