Loïc Hénaff, les pieds sur terre et la tête dans les étoiles
À 50 ans passés, Loïc Hénaff poursuit la transformation de l’entreprise fondée par son arrière-grand-père en 1907. Son objectif ? Laisser une empreinte positive sur la planète.
Marie Cadoux
\ 12h24
Marie Cadoux
Ses dates
- 1971 Naissance le 5 octobre à Quimper
- 2005 Embauché comme directeur marketing et de la communication chez Jean Hénaff
- 2011 Nommé directeur général de Jean Hénaff
- 2016 Élu président de l'Association Produit en Bretagne
- 2021 Devient PDG de Jean Hénaff SA
« On se réveille quand même un peu avec la gueule de bois. » Quelques jours après la parution, le 20 mars, du dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), qui pointe un niveau de réchauffement global de 1,5 °C dès 2030, et cela, quels que soient les efforts de réduction immédiate des émissions mondiales de CO², Loïc Hénaff ne cherche visiblement pas à donner le change : « Je suis déçu de la période dans laquelle nous vivons, déçu de notre environnement et de nous-mêmes. Avec la crise du Covid et la guerre en Ukraine, j'avais l'impression que le monde allait se transformer. Mais dans un environnement qui se dégrade plus rapidement, c'est difficile de partir la fleur au fusil » , reconnaît le patron de la PME Hénaff.
Écrire l'histoire
Embauché comme directeur marketing et de la communication par la holding familiale (actionnaire à 60 % de la société, le reste étant détenu par les banques régionales, le Crédit agricole et le Crédit mutuel de Bretagne) en 2005, Loïc Hénaff a été promu directeur général en 2011 et président-directeur général en 2021 de la PME de Pouldreuzic (29). Il n'a aujourd'hui qu'un objectif en tête : inscrire le développement de l'entreprise dans une démarche responsable sur le plan économique, mais aussi social et environnemental. « En tant que chef d'entreprise, mon rôle n'est pas purement économique. Ce que je vais dire est peut-être banal, mais il faut vivre avec son temps. En 1907, quand mon arrière-grand-père, Jean, a démarré la conserverie de légumes, c'était pour apporter un peu de prospérité au territoire. Aujourd'hui, cela ne peut plus être le seul objectif, et cela ne m'intéresserait d'ailleurs pas du tout que mes actionnaires m'attendent uniquement sur les résultats financiers » , poursuit le président d'Hénaff.
En tant que chef d'entreprise, mon rôle n'est pas purement économique. Cela ne m'intéresserait d'ailleurs pas du tout que mes actionnaires m'attendent uniquement sur les résultats financiers.
Celui qui, avant de revenir s'installer à Douarnenez (29) avec son épouse suédoise et ses deux enfants, a travaillé pour différentes marques de confiseries du groupe Kraft Jacobs Suchard, puis Cadbury (entités depuis intégrées au sein de Mondelez International) et a bourlingué jusqu'en Australie, s'attache à écrire la suite de l'histoire de Jean Hénaff. « Le 16 mars dernier, l'entreprise a fêté ses 116 ans. Nos engagements nous projettent pour les cent prochaines années, c'est passionnant », affirme le patron dans un sursaut d'optimisme.
Du pâté dans l'espace
L'homme, engagé depuis toujours comme plongeur auprès de la SNSM-Les sauveteurs en mer, et au sein de l'association Produit en Bretagne qu'il présida de 2016 à 2021, a indubitablement le sens du collectif. Élu en 2021 conseiller régional sur la liste conduite par Loïg Chesnais-Girard, il se consacre à deux sujets qu'il connaît bien, le fret et la relocalisation. « Au sein de l'entreprise, 88 % des achats sont en origine France, y compris l'emballage en acier de nos petites boîtes bleues qui sortent de l'usine Franpac de Douarnenez, située à 17 km de Pouldreuzic », fait remarquer le dirigeant. Lui qui se forme depuis vingt ans à la RSE dévore études et livres sur le sujet, et échange volontiers avec son ami Olivier Clanchin, patron d'Olga (ex-Triballat-Noyal) engagé comme lui de longue date pour la planète. La transformation de l'entreprise s'appuie sur ce qu'elle a de plus précieux, sa marque.
Hénaff en chiffres
- 47 M€ Le CA en 2022
- 213 salariés
- 3 sites de production
Source : Hénaff
« Un Français sur deux nous connaît. En pique-nique, à l'apéro, en mer… nos boîtes de pâtés sont naturellement associées à de bons moments. C'est notre force », souligne Loïc Hénaff. Mais aussi renommé soit-il, gare à ceux qui réduiraient l'histoire de Jean Hénaff à son pâté. L'aventure de la PME a commencé avec la conserverie de légumes, s'est poursuivie avec les pâtés de porc, « mais cela fait quarante-cinq ans que l'on travaille aussi les produits de la mer en mettant en conserve thon, maquereau ou dorade », rappelle Loïc Hénaff.
Après avoir testé à l'échelle régionale sa large gamme de tartinables apéritifs, la griffe s'attaque cette année à sa diffusion nationale. « Les arbres ne montent pas au ciel. Il faut se diversifier et notre marque a une belle carte à jouer sur ce marché » , assure le patron. Avant cela, en 2017, Jean Hénaff a racheté Globe Export, entreprise implantée à Rosporden et pionnière dans les algues alimentaires. Son savoir-faire technique en matière d'appertisation a également permis à la société de devenir, à partir de 2013, le fournisseur référent de la Station spatiale internationale. Pour cela, elle travaille avec le chef Alain Ducasse à l'élaboration de recettes. « Il y a quelques jours, je discutais avec quelqu'un du Centre national d'études spatiales. Thomas Pesquet est aussi venu rencontrer nos salariés. Ce sont des échanges passionnants », se réjouit Loïc Hénaff, qui garde, malgré les inquiétudes, quelques étoiles dans les yeux…