Quel potentiel pour le live shopping ?
Le téléachat semble se réinventer avec Internet. Fnac, Darty, Carrefour Nocibé... Ils s'essaient tous au live shopping. Si le potentiel est réel, il ne faut pas non plus en attendre mont et merveille, prévient Marine Monpays, directrice du planning stratégique de l'agence Little Agency. Le live shopping est, selon elle, surtout une autre vitrine digital. Son analyse.
Julie Delvallée
\ 07h51
Julie Delvallée
Le télé-à-quoi vous diront-ils ? C’est un temps évidemment que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre, et pourtant… La vie semble être un éternel recommencement ! A l’heure des réseaux sociaux partout et des confinements souvent, qui ne s’est jamais laissé tenter par une petite vidéo Instagram présentant LE nouveau produit à tester absolument ?
Le téléachat est mort, vive le live-achat !
Tout commence dans les années 70 aux Etats-Unis : une émission de télévision vous présente désormais des articles à distance que vous pouvez immédiatement commander par téléphone !Une pratique révolutionnaire qui débarque en France en 1987 avec le lancement de l’émission « Le magazine de l’objet ».
C’est évidemment un excellent moyen de vendre, mais aussi de tester des nouveaux produits car l’émission présentait souvent des innovations comme les fameux patins pour meubles, un exemple expliqué par Pierre Bellemare « Je me souviens du jour où nous avons vendu sur Téléshopping des patins glisseurs pour déplacer des meubles. A l'époque, personne n'en avait jamais vu. Quelques mois plus tard, Castorama en vendait ».
Toutefois même si le projet est alléchant, beaucoup d’acteurs s’y essayent sans succès. En 1996, sur les quelques 90 milliards du home-shopping, la VPC rafle les trois quarts des ventes, le marketing direct 15%, le téléachat seulement 5%, et Internet moins de 1%... Pourtant c’est bien ce dernier qui a fragilisé le téléachat… mais il lui redonnera aussi, finalement, ses lettres de noblesses quelques décennies plus tard.
Viya, la réincarnation de Pierre Bellemare ?
Viya, c’est la streamer la plus connue de Chine, elle a 34 ans, est suivie par 12 millions d’abonnés sur Taobao, 5 millions sur Weibo et emploie une centaine de personnes… En 2019, elle a réalisé lors du Singles Day, plus de 3 milliards de yuans de chiffre d’affaires, soit plus de 380 millions d’euros, de quoi inspirer quelques entrepreneurs… En Chine, le live stream shopping fait désormais partie du quotidien des consommateurs ; à tel point que le gouvernement incite même les agriculteurs chinois à se mettre au shop streaming pour mieux vendre leurs produits !
Ces sessions vidéo sont filmées en direct et animées par des influenceurs qui mêlent à la fois divertissement et démonstration de produits. Selon les experts, le shopping en direct représenterait pas moins de 170 milliards de dollars en 2020 ; et d’après Coresight, plus de 100 000 marques ont utilisé le Live streaming shopping cette année en Chine, parmi lesquelles on note Ralph Lauren, Clinique, Lancôme, Louis Vuitton, ou encore l’Oréal.
Quels atouts ?
Tout d’abord, il permet de consommer sans sortir, et en ces temps de pandémie internationale, la recette est plutôt bonne. Ensuite, il permet d’instaurer un dialogue avec son public et ses consommateurs car les personnes qui regardent le live peuvent interagir via une chatroom, voire même parler avec l’animateur.
De plus, cela crée un sentiment de communauté, puisque chacun peut intervenir, donner son avis, partager un retour d’expérience… les consommateurs se conseillent mutuellement.
Enfin, l’achat est instantané, puisque les nouveaux dispositifs de live stream shopping incluent directement la possibilité d’acheter en direct (vs. les systèmes de renvoi vers des sites e-commerce standard). A noter que les distributeurs prévoient souvent des offres promotionnelles valables uniquement lors du live afin de booster les ventes instantanément.
Fnac Darty, Leroy Merlin, Nocibé, Carrefour...
En France, l’idée fait son chemin, les rendez-vous shopping individuels par visio-conférences se multiplient. Mais la vraie nouveauté vient des réseaux sociaux. En effet, nombreux sont les commerçants ayant utilisé les lives Instagram pour promouvoir leurs produits et assurer un relai pour de vente durant les mois de confinement.
Tout début octobre, c’est Fnac-Darty qui a organisé son tout premier live streaming avec l’influenceur Sébastien-Abdelhamid. Une présentation de la nouvelle Xbox diffusée sur Twitch et les sites Fnac Darty qui a rassemblé plus de 5500 personnes, avec un pic à 2000 auditeurs simultanément. Une opération répétée avec Moulinex début novembre pour présenter ses célèbres robots Cookeo et Companion. Leroy Merlin s’est quant à lui associé au Youtubeur Renaud Bauer, expert en bricolage, pour une session en direct via la solution live shopping Caast.tv.
Enfin, dans un autre secteur, c’est Nocibé qui a été pionnier en la matière en lançant « Mes conseils personnalisés en live » : des vidéos d’une demi-heure durant lesquelles 20min sont consacrées au thème choisi et 10min aux questions des participants. A chaque étape de sa démonstration, la conseillère indique le produit qu’elle utilise, qui est alors mis en avant via un pop-up discret sur laquelle le client n’a plus qu’à cliquer pour l’ajouter à son panier. Et le tour est joué !
Force est de constater qu’il s’agit d’un nouveau relai de vente non négligeable, Instagram a lancé son propre outil d’achat en direct : Instagram Live Shopping. Une fonctionnalité réservée aux professionnels basés aux Etats-Unis, mais il est fort à parier que le dispositif va s’étendre rapidement.
Mais sommes-nous prêts à tout acheter en live ?
Si la formule semble avoir tout bon sur le papier, elle présente toutefois quelques écueils. Nombreux sont les consommateurs qui ont besoin de temps, celui de la réflexion et de la sagesse car ils disent souvent « avoir peur de se faire avoir »… Derrière cette pratique, on retrouve souvent des achats d’impulsion, avec un risque de déception à la réception, lorsque le produit ne tient pas toutes ses promesses…
De plus, beaucoup de consommateurs tiennent à voir et essayer et les produits, une forme de méfiance demeure quant à ces démonstrations qui promettent monts et merveilles !
C’est pourquoi beaucoup d’entre eux regardent le lives, voire les visionnent en replay, pour ensuite se rendre en boutique finaliser l’achat. Ce qui leur laisse non seulement le temps de la réflexion, mais aussi évidemment la possibilité de tester, de toucher, et aussi de bénéficier d’une dimension conseil et même pourquoi pas de compléter cet achat avec d’autres produits… Le live sert alors de vitrine, digitale et interactive, et augmente la visibilité.
Alors même si la transformation du retail ne se fera pas sans le Live stream shopping, elle aura toujours besoin de points de vente physiques pour compléter l’expérience car les canaux ne se substituent jamais totalement. Reste maintenant à imaginer les expériences de demain, pour qu’elles soient certes omnicanal, mais qu’elles puissent surtout continuer à nous raconter des histoires et nous transporter dans des univers de marque propriétaires et créatifs, peu importe le canal !
A propos de l'auteur
Diplômée de Sciences Po Lille, Marine Monpays a commencé sa carrière en tant que chef de publicité chez Infopro Digital, avant de rejoindre l'agence de design, Dragon Rouge, comme chef de projet innovation et prospective pendant 4 ans. Elle a ensuite pris le poste de responsable du planning stratégique chez SUB design, et est à présent directrice du planning stratégique de Little Agency.
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