Réseaux sociaux : analyse des pratiques de Carrefour, Auchan et E.Leclerc en magasins
Les réseaux sociaux offrent aux points de vente alimentaires un moyen de communication supplémentaire afin de se rapprocher de leurs clients. Pour le siège, ils sont un canal stratégique où valoriser l’image de marque. Enquête sur l’articulation entre les échelons national et local.
Emilie-Xuân Nguyen
\ 06h00
Emilie-Xuân Nguyen
Bien gérer sa com’ sur les réseaux sociaux
- Prendre le sujet au sérieux : les réseaux sociaux sont un enjeu majeur pour l’image de marque, la relation client et les propositions commerciales.
- Former ses équipes : animer des réseaux sociaux est un métier qui exige des compétences en matière de gestion de contenus et de respect des règles juridiques.
- Produire (très) régulièrement : cette tâche demande un engagement quotidien afin de rebondir sur les dernières tendances.
- Refléter l’image de marque :il est essentiel de traduire l’ADN de l’entreprise au travers des formats engageants.
- Être créatif et authentique : les messages doivent être directs, authentiques, adaptés à la clientèle locale et aux différentes plates-formes.
- Analyser et ajuster sa stratégie : surveiller les statistiques (temps de visionnage, engagement) afin d’ajuster son contenu.
Porte-voix du magasin en ligne, les community managers de la grande distribution jonglent chaque jour entre le terrain et les écrans pour incarner leur point de vente sur les réseaux sociaux, à l’image de Corinne Zihlmann. Forte de ses trente-cinq années d’expérience chez Carrefour, elle est aujourd’hui le visage de l’hypermarché de Chartres (28) sur Facebook, Instagram et surtout TikTok, son réseau de prédilection qui lui permet de jouer sur l’humour. « Je me mets en situation afin de valoriser les promotions, mais surtout les nouveautés », décrit-elle.
Ce qu’elle préfère ? Les dégustations. Sa vidéo sur le chocolat Dubai style a été visionnée 1,8 million de fois ! « Notre audience a alors largement dépassé les frontières de Chartres, avec des commentaires en espagnol et en portugais de personnes qui souhaitaient savoir comment s’en procurer ! », se réjouit la chargée de relation client.
Corinne Zihlmann consacre près de la moitié de son temps à la création de contenu pour les réseaux sociaux. Et elle est loin d’être la seule. À l’autre bout de la France, Jonathan Lao anime la page Facebook et les comptes Instagram et TikTok de l’hypermarché Auchan de Béziers (34) depuis 2016. Comme Corinne, il est un touche-à-tout. Dans le cadre de son contrat de trente-cinq heures, il en consacre vingt aux réseaux sociaux. « Il est très polyvalent, gère les SMS pour les opérations commerciales, travaille à l’accueil ou en caisse et peut même vendre des produits multimédias selon les besoins », détaille François Carmona, directeur de l’hypermarché.
Maîtriser les codes et les tendances
Rares sont les magasins à embaucher à temps plein une personne qui ne s’occupe que des réseaux sociaux. Dans ce contexte, les alternants et stagiaires en communication sont des ressources précieuses : ils maîtrisent les codes et les tendances tout en constituant une main-d’œuvre à moindre coût. À Béziers, où la population étudiante est réduite, François Carmona n’a pas trouvé d’alternant pour épauler Jonathan. Celui-ci peut toutefois compter sur Alexandre Becquet, social media manager d’Auchan au niveau national.
Cet ancien journaliste a conçu un système structurant pour professionnaliser les équipes magasins sur les réseaux sociaux : formations, accompagnement, rappels juridiques… « Une fois que le cadre est posé et qu’ils ont toutes les ressources à leur disposition, ils savent où aller et deviennent autonomes, même si je continue de les accompagner et de valider certains contenus », explique-t-il. En cas de panne d’inspiration, les community managers peuvent s’appuyer sur un plan de publications et échanger via un chat communautaire. La présence en ligne varie selon le format. Les supermarchés Auchan se limitent à Facebook, tandis que les hypermarchés se déploient aussi sur Instagram et TikTok. Parfois, les réseaux prennent le relais des tracts quand ceux-ci ne sont plus distribués.
Grande autonomie ou cadre strict
Contrairement à l’enseigne de la galaxie Mulliez, Carrefour a une approche plus souple. Bien que des guides de bonnes pratiques existent, aucune validation préalable des publications n’est requise. « Notre philosophie a toujours été de laisser beaucoup de liberté à nos équipes pour favoriser la créativité et l’authenticité, tout en les rendant responsables de leurs contenus », déclare Stéfen Bompais, directeur de la communication clients de Carrefour. L’objectif est clair : préserver la spontanéité des messages.
« La tendance est d’incarner les enseignes », confirme Jean-Baptiste Bourgeois, directeur associé chargé du planning stratégie chez We Are Social. L’exemple du magasin E. Leclerc de Pont-l’Abbé (29) illustre cette dynamique : Thomas Cambou, le « CM » (community manager) de l’hypermarché, forme un duo efficace avec sa collègue Noémie Jégou. Leur spécialité ? Réutiliser un morceau d’une vidéo existante (glissade, chute…) pour en créer une nouvelle, un format qui leur a permis de faire le buzz. Leur organisation s’apparente à une mini-agence de communication, avec les réseaux comme un canal parmi d’autres. Une configuration encore rare et difficilement transposable.
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Cette liberté de ton et d’organisation s’explique par la structure de l’enseigne. Contrairement à Auchan ou à Carrefour, les magasins E. Leclerc sont gérés par des indépendants, ce qui leur offre plus de latitude. Chaque modèle (intégré, franchisé ou indépendant) détermine ainsi la stratégie : grande autonomie ou cadre strict. Chez Lidl, la gestion est centralisée. « Trois personnes animent nos réseaux : un social media manager et deux community managers, en lien avec l’agence Marcel », indique Mattias Boccardo, responsable marketing digital de Lidl France.
Chez Auchan, les franchisés disposent d’une plus grande marge de manœuvre que les magasins intégrés. « Ils suivent le même parcours d’accueil et de formation, car l’image de marque est primordiale, mais bénéficient d’une plus grande liberté dans le processus de validation », précise Alexandre Becquet. Quelle que soit l’organisation, les enseignes cherchent à cultiver l’authenticité et la proximité pour renforcer l’impact des offres sur les réseaux sociaux. L’enjeu est crucial pour ces magasins à forte fréquentation, car cette communication permet de travailler l’image de marque tout en générant du trafic sur le lieu de vente.
Chez Auchan, des équipes formées et encadrées
Jonathan Lao, community manager et chargée de relation clients d’Auchan Béziers (34).
Ses tâches au quotidien
- Animation des réseaux sociaux et relation client : il gère la page Facebook ainsi que les comptes TikTok et Instagram de l’hypermarché. Ces missions représentent environ vingt heures de son temps de travail (sur un total de trente-cinq heures).
- Multicasquette : il peut aussi bien être à l’accueil qu’en caisse et même à la vente de produits multimédias, en fonction des besoins de l’hypermarché.
Sa relation avec le siège
Jonathan Lao gère de manière autonome les réseaux sociaux, tout en étant accompagné par Alexandre Becquet, social media manager d’Auchan.
Son point fort
Facebook (16 000 abonnés).
Chez Carrefour, des community managers autonomes
Corinne Zihlmann, chargée de relation client et ambassadrice de l’enseigne Carrefour à Chartres (28).
Ses tâches au quotidien
- Réponse aux messages des clients et courriers des consommateurs, organisation d’animations.
- Animation des pages du magasin sur les réseaux sociaux.
Sa relation avec le siège
Avec trente-cinq ans d’expérience chez Carrefour, Corinne Zihlmann bénéficie de la confiance de sa hiérarchie, ce qui lui confère une grande autonomie, même si le siège peut lui suggérer des idées ou l’inspirer.
Son point fort
TikTok (plus de 8 000 abonnés).
Chez E. Leclerc, des électrons libres
Thomas Cambou, responsable marketing digital, et Noémie Jégou, chargée de communication digitale du magasin E. Leclerc de Pont-l’Abbé (29).
Leurs tâches au quotidien
- Gestion des réseaux sociaux : création de contenus, animation, analyse des performances.
- Création de campagnes digitales (SMS, newsletters) et de supports publicitaires.
- Analyse et optimisation des contenus pour améliorer la visibilité et l’engagement.
Leur relation avec le siège
Le duo est à 100 % autonome et fonctionne comme une mini-agence de communication au sein de l’hypermarché.
Leur point fort
Instagram (207 000 abonnés).
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