Après le rachat de Bricorama par Bricomarché, une foule de questions demeurent
Conclu en juillet 2017, validé par l’Autorité de la concurrence fin décembre, le rachat de Bricorama par les Mousquetaires est maintenant finalisé. L’occasion de faire le point sur les nombreuses questions encore en suspens.
JEAN-NOËL CAUSSIL.
\ 09h46
JEAN-NOËL CAUSSIL.
Les chiffres du nouvel ensemble
3,1 Mrds € : Le chiffre d’affaires cumulé des trois enseignes en 2016, dont 2,4 Mrds € pour Bricomarché et Brico Cash et 700 M € pour Bricorama
676 : Le nombre de magasins du nouvel ensemble, dont 480 pour Bricomarché, 26 pour Brico Cash et 170 Bricorama
13,5 % : La part de marché des trois enseignes réunies, dont 10 % pour Bricomarché
Source : ITM Équipement de la maison
Les ambitions pour 2020
- 15 % de part de marché, soit un gain de 1,5 point en trois ans.
- 10 % de CA en plus, pour atterrir aux environs de 3,4 à 3,5 Mrds €.
- Développer les synergies aux achats et optimiser l’assortiment entre les trois enseignes pour renforcer son poids dans les négociations.
- Réussir le passage des 107 Bricorama intégrés en franchise, puis faire cohabiter ce modèle avec celui, coopératif, des Mousquetaires.
Grandir et se rassembler pour être plus fort, l’intérêt est évident. Et les exemples, dans la distribution, commencent à être légion, aussi bien dans l’alimentaire que parmi les enseignes spécialisées. Dans ce contexte, l’annonce, en juillet 2017, du rachat de Bricorama par Bricomarché (ITM Équipement de la maison, groupement des Mousquetaires) n’a surpris personne. Le numéro quatre, 10,5 % de part de marché, qui met la main sur l’un des petits acteurs indépendants, le groupe créé par Jean-Claude Bourrelier culminant à 3 % des ventes du secteur du bricolage, rien que de très logique…
Le nouvel ensemble grimpe d’un rang au classement, laissant désormais Mr. Bricolage loin derrière (10 %) quand jusqu’alors cela se jouait à un tournevis près. Conséquence logique, cela va permettre à ITM Équipement de la maison de pouvoir négocier en meilleure position avec ses fournisseurs. Jusque-là, aucun problème, même si, face aux mastodontes Adeo (40 %) et Kingfisher (31 %), ces quelques points grappillés ne changeront sans doute pas la face du monde du bricolage… Ce qui est plus intéressant et ce qui faisait l’objet, jeudi 25 janvier, d’une conférence de presse avec, au pupitre, les très rares Didier Duhaupand, président du groupement des Mousquetaires, et Thierry Coulomb, président d’ITM Équipement de la maison, c’est de savoir comment diable organiser ce rapprochement pour qu’il se déroule sans accroc ? Et la réponse est… loin d’être forcément très claire.
Implantations complémentaires
Certes, les complémentarités existent. Thierry Coulomb s’est fait un plaisir de les rappeler : « 60 % des magasins Bricorama sont implantés dans des agglomérations de plus de 50 000 habitants, quand les trois quarts de nos points de vente sont installés dans des zones de moins de 50 000 habitants. Pour ce qui est du maillage du territoire, les avantages sont incontestables. » Avec 676 magasins et trois enseignes désormais, ITM Équipement de la maison va peser 3,1 milliards d’euros sur ce marché du bricolage, contre 2,4 milliards d’euros avec 506 points de vente précédemment.
Mais, justement, l’enjeu sous-jacent est de savoir comment digérer ce bond de 170 magasins d’un coup… A fortiori quand, parmi eux, 107 étaient dirigés en « intégré » et vont devoir basculer en franchise. Ce qui n’est déjà pas une mince affaire, mais il faudra ensuite que ces franchisés se fondent, avec autant de souplesse que possible, dans un modèle coopératif propre au groupement des Mousquetaires, avec tiers-temps et autres organisations particulières.
Certes, il y aura une communauté de chefs d’entreprise, avec l’indépendance comme point commun, mais avec quand même le risque d’un réseau à deux vitesses… Pas simple à vivre en rythme de croisière, plus tard, mais, déjà, pas simple à organiser dans ces premiers mois effectifs du rachat… Sur ce point, Didier Duhaupand se veut rassurant : « Sur ces 107 magasins, nous en avons déjà entre 50 et 60 pour lesquels nous disposons de candidats identifiés, qu’il s’agisse d’adhérents Bricomarché qui vont pouvoir étendre leur portefeuille d’enseignes en exploitant un Bricorama, ou de collaborateurs de Bricorama qui vont pouvoir passer du statut de directeur de magasin à celui de chef d’entreprise. » C’est un bon début, mais la mise en place va demander du temps.
15 % de PDM en 2020 ?
Avec le danger que 2018 soit finalement une année pour rien. Qu’on s’entende… De consolidation, de construction pour que demain soit meilleur, ça oui, mais de conquête commerciale, sans doute pas encore… Or la concurrence ne va pas attendre. Et, dans ce contexte, les 15 % de part de marché visés d’ici à la fin 2020 paraissent difficilement atteignables. Évidemment, si le pari est tenu en 2021, personne n’ira hurler à l’échec mais, pour l’heure, on voit bien les difficultés du mariage et nettement moins la lune de miel ensoleillée.
Le travail à accomplir est immense. Digérer Bricorama ne doit pas nuire au développement commercial des trois enseignes maintenant réunies. Les dirigeants des Mousquetaires en sont conscients. Ils savent qu’ils sont en retard sur le Net et annoncent donc investir pour la refonte de leur site. C’est un bon point. Ils savent, aussi, que la poursuite du maillage du territoire est un facteur clé pour la croissance de demain. Avec, comme enseigne au plus grand potentiel pour remplir ce rôle, Brico Cash. « Notre volonté est de passer d’un parc de 26 unités aujourd’hui à 70 vers 2020 », précise Didier Duhaupand.
Une bonne chose. Mais on attend de voir quelle politique de l’offre ils vont mettre en place. Quid des assortiments ? Sont-ils voués à être en partie communs ? Si oui dans quelle proportion ? Et quelle stratégie pour les marques propres ? Bricomarché en compte 11, les retrouvera-t-on chez Bricorama ?
Enfin, au-delà des achats, comment massifier la communication et le marketing ? Comment faire des économies de structure alors même que le siège de Bricorama, à Villiers-sur-Marne (94), qui emploie 220 personnes, va être conservé ? Comment, en conséquence, organiser la fluidité des échanges quand Bricomarché et Brico Cash vont continuer à être pilotées depuis Bondoufle (91) ?
Naissance du numéro trois du marché du bricolage
Part de marché des différentes enseignes du marché du bricolage en France en 2016, en %
Le rapprochement des enseignes d’ITM Équipement de la maison (Bricomarché et Brico Cash) et de Bricorama donne naissance au numéro trois du marché du bricolage en France, avec 13,5 % de part de marché, derrière Adeo (Leroy Merlin, Weldom et Bricoman, 40 % de part de marché) et Kingfisher (Castorama, Brico Dépôt, 30,5 %). L’ambition, portée par le dynamisme de Bricomarché et de Brico Cash, qui ont vu leur chiffre d’affaires croître deux fois plus que le marché en 2017 (+ 3 % pour une moyenne du secteur à + 1,4 %) et par les synergies attendues du rapprochement, est de tendre vers les 15 % de part de marché dans les trois ans.
Source : Fédération des magasins de bricolage