Cartel dans la livraison de repas : analyse de la sanction de la Commission européenne contre Delivery Hero et Glovo
Le 2 juin 2025, la Commission européenne a sanctionné Delivery Hero et Glovo à hauteur de 329 millions d’euros pour leur participation à une entente anticoncurrentielle dans le secteur de la livraison de repas à domicile. LSA revient sur cette décision avec l’éclairage d’Aude Guyon, avocate associée au cabinet FBL Avocats et spécialiste des questions de concurrence.
Emilie-Xuân Nguyen
\ 18h33
Emilie-Xuân Nguyen
La Commission européenne a infligé une amende de 329 millions d’euros à Delivery Hero (223,3 M€) et à Glovo (105,7 M€) pour avoir mis en place une entente anticoncurrentielle entre 2018 et 2022. Ces plates-formes de livraison de repas à domicile s’étaient entendues pour ne pas se débaucher mutuellement leurs salariés, échangeaient des informations sensibles et s’étaient réparti les marchés géographiques au sein de l'Union européenne.
Cette affaire marque un tournant, car elle sanctionne à la fois une entente sur le non-débauchage et l’usage anticoncurrentiel d’une participation minoritaire. Pour mémoire, l'entreprise allemande Delivery Hero a progressivement acquis des parts dans Glovo, acteur espagnol de la livraison de repas, à partir de 2018, jusqu’à en prendre le contrôle total en 2022.
Pour comprendre la portée de cette décision, LSA a échangé avec l'avocate Aude Guyon, associée au cabinet FBL Avocats et spécialiste des questions de concurrence, qui la décrypte à travers quatre axes principaux.
1. Échanges d'informations sensibles
La Commission reproche aux deux entreprises, alors qu'elles opéraient sur le marché en tant qu'entités distinctes, d'avoir échangé des informations commerciales sensibles, c’est-à-dire des données stratégiques, comme des prix, des orientations sur la stratégie commerciale ou encore la capacité de production. Ce type de pratiques porte atteinte à la concurrence car il réduit l’incertitude sur le marché et empêche les entreprises de se positionner de manière autonome sur le marché.
2. Répartition des marchés
La troisième pratique sanctionnée est l’accord de non-débauchage entre ces deux concurrents. Une autre pratique sanctionnée par la Commission dans cette décision, concerne la répartition géographique des marchés entre Delivery Hero, acteur majeur en Allemagne, et Glovo, acteur espagnol au sein de l’espace économique européen. Ces deux entreprises se sont entendues pour se répartir entre elles les marchés nationaux et ainsi ne pas se faire concurrence. Ce type de pratique constitue une infraction grave au droit de la concurrence, car il fausse la dynamique concurrentielle au sein de l’espace économique européen et réduit le choix des consommateurs.
3. Accord de non-débauchage
C'est la première fois que la Commission sanctionne un accord de non-débauchage entre deux concurrents. Initialement, le pacte d’actionnaires, signé au moment de l’acquisition d’une participation minoritaire de Glovo par Delivery Hero contenait des clauses de non-sollicitation qui interdisaient d'approcher et de recruter certains employés, mais il s'est ensuite élargi pour viser l’ensemble des salariés des deux entreprises. Cette pratique nuit à la mobilité des travailleurs en restreignant leurs opportunités d’emploi.
4. Protection des travailleurs et des consommateurs
Cette décision ne se limite pas à la protection des consommateurs, mais souligne également l’importance de la concurrence pour les travailleurs. En restreignant la mobilité, de tels accords peuvent avoir un impact négatif sur le marché du travail et sur les salaires. Par cette décision, la Commission montre que la concurrence protège les consommateurs, mais aussi préserve les intérêts des salariés.
5. Implications pour les entreprises
Ce cas sert de mise en garde pour les entreprises, car c’est la première fois que la Commission sanctionne l’usage anticoncurrentiel d’une participation minoritaire détenue par un concurrent. La décision souligne la nécessité d’une vigilance accrue lorsqu’elles envisagent de nouer des partenariats, mais aussi lorsque les entreprises envisagent de nouer des partenariats ou de prendre des participations chez des concurrents. Les accords doivent être conformes aux règles de concurrence afin d’éviter des sanctions lourdes.
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