Comment Maisons du Monde résiste à la crise du meuble
Dans un contexte conjoncturel compliqué, Maisons du Monde s’en tire bien, même si sa croissance ralentit. Mais le modèle paraît suffisamment résilient pour continuer à croître.
Magali Picard
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Magali Picard
Une année 2018 moins bonne en France…
- + 3,6 % de hausse des ventes en France à périmètre constant
- + 7,4 % pour l’ensemble des ventes à périmètre constant (+ 10 % avec Modani)
- + 6,6 %, : la hausse de l’Ebitda
- 60,7 M € : le résultat net (- 3 %)
- 1,11 Mrd € de CA
- 336 magasins, dont 221 en France
… Mais avec des relais de croissance
- 35 à 40 ouvertures de magasins prévues en 2019
- 40 % de son CA à l’international (+ 13,5 %)
- 23 % de son CA sur le web (+ 18,7 %)
Le malheur des uns ferait-il le bonheur des autres ? Dans le meuble, alors que certaines enseignes se trouvent en grande difficulté, d’autres passent entre les gouttes. Avec une croissance de ses ventes en France de 3,6 % à périmètre constant en 2018, Maisons du Monde fait mieux que résister sur un marché en baisse de 2,7 % en valeur pendant la même période.
Pourtant, la Bourse a sanctionné le titre le lendemain des résultats, les prévisions annoncées pour 2019 (+ 10 % de croissance des ventes) ne satisfaisant pas les investisseurs. Habituée à des bonds à deux chiffres – en 2017, les ventes augmentaient de près de 15 %–, Maisons du Monde aurait-elle atteint un palier ? « Elle fait partie des enseignes qui touchent un plafond de verre, assure Clément Genelot, expert en commerce chez Bryan, Garnier & Co. Maisons du Monde est en phase de transition, mais elle y arrivera. Elle a le modèle le plus abouti. » Un modèle qui repose sur deux piliers, l’international et le web. Or, dans chacun de ces secteurs, il y a encore à faire.
L’appui du web
En Europe, d’abord, où Maisons du Monde prévoit d’ouvrir une trentaine de points de vente en 2019. Notamment en Espagne et en Allemagne, où elle n’a que respectivement 23 et 10 magasins. « Ce sont deux marchés à fort potentiel, confirme Julie Walbaum, directrice générale de Maisons du Monde. L’enjeu est d’accroître la notoriété de notre marque dans des capitales comme Berlin ou Madrid. » Dans ces pays, l’approche diffère selon la maturité des consommateurs sur le web. Julie Walbaum, qui a dirigé le digital pendant quatre ans chez Maisons du Monde, avant d’en prendre la direction générale le 1er juillet 2018, connaît bien le sujet. « En Allemagne, le niveau de maturité e-commerce est déjà très élevé. C’est un marché où développer un réseau de magasins prend plus de temps, mais nous sommes déterminés à y aller. En Espagne, notre magasin de centre-ville de Madrid est le bras armé du web dans sa dimension servicielle. Nous réalisons trois fois plus de livraisons gratuites en magasin que dans le reste du pays. »
Abonné à des croissances de plus de 30 % sur le web, Maisons du Monde ralentit en 2018… avec un bond, tout de même, des ventes en ligne de 18,7 %. Les incertitudes qui pèsent sur le marché du meuble en France, et sur les économies européennes, ne rassurent guère. En attendant des jours meilleurs, Maisons du Monde construit son plan de développement aux États-Unis où elle est arrivée il y a à peine un an, en rachetant 70 % d’un petit distributeur de meubles, Modani, 10 magasins et 41 millions de dollars (36 millions d’euros) de chiffre d’affaires. Les chiffres dévoilés lors des résultats annuels montrent que l’enseigne veut aller vite.
D’ici à fin 2019, le réseau aura quasi doublé pour atteindre 18 magasins. Et Maisons du Monde teste sa propre marque.
Marges américaines
Après un premier magasin ouvert à Miami en décembre 2018, un deuxième devrait suivre rapidement. « Dans ce premier magasin, nous sommes plutôt centrés sur la déco, avec des premiers retours positifs. Nous allons bâtir sur ces expériences pour un prochain test », précise Julie Walbaum. Il n’a pas échappé à la nouvelle directrice générale que le marché américain du meuble générait de meilleures marges que la vieille Europe, autour de 65 %.
Julie Walbaum (DG de Maisons du Monde) : "Nous allons vers un modèle de plus en plus équilibré"
LSA - En 2018, le meuble connaît un retournement de conjoncture (- 2,7 % en valeur, Index Ipea). Ce n’est pas votre cas…
Julie Walbaum - Nous continuons de surperformer le marché de six points en Europe. La croissance des ventes s’est établie à 3,1 % en Europe, en comparable. Et en France, la croissance totale des ventes de Maisons du Monde a atteint 3,6 %. Ces performances démontrent la force de notre modèle, de plus en plus équilibré, entre nos deux relais de croissance que sont l’international et le web. Leur part dans notre mix augmente de 2 points chaque année depuis 2016, représentant respectivement 40 % et 23 % de nos ventes en 2018.
Pourtant, vous annoncez la fermeture de dix magasins en France…
J. W - Nous avons toujours eu une gestion dynamique de nos réseaux et poursuivrons en 2019 le développement de notre parc de magasins, avec 35 à 40 ouvertures brutes prévues sur tout le périmètre du groupe. Dans une logique de relocalisation, nous prévoyons de fermer des petits magasins de 500 m2 pour en ouvrir de plus grands, autour de 1 000 à 1 500 m2, dans les mêmes zones.
Vous réalisez 23 % de votre chiffre d’affaires sur le web. Y a-t-il un palier ?
J. W - On peut aller encore plus loin. Quand on additionne les ventes digitales en magasins sur des marchandises non exposées, nous atteignons 47 % de nos ventes en ligne ! Nous testons des formats avec moins de meubles exposés et pouvons imaginer d’autres innovations, comme des magasins qui livreraient le client ou réceptionneraient des retours de commandes déco effectuées sur le web.
En 2019, deux tiers de vos ouvertures auront lieu à l’étranger. N’y a-t-il plus de potentiel en France ?
J. W - Pas du tout. En France, nous avons déjà un maillage assez important (221 magasins). En 2019, nous allons ouvrir une dizaine de magasins en ciblant les centres commerciaux à rayonnement régional et les centres-villes des très grandes villes. Nous testons des formats plus compacts, comme avenue de Wagram, à Paris, sur 900 m2.
Le format des corners se prête-t-il aussi aux centres-villes ?
J. W - C’est un format très intéressant, que l’on teste en Grande-Bretagne, avec Debenhams, et en France avec le Printemps. Ces corners, d’une surface de 350 à 1 000 m2 pour le plus grand, à Strasbourg, nous permettent d’essaimer un nouveau territoire.
Après Modani en 2018 aux États-Unis, pourriez-vous faire une nouvelle opération de croissance externe ?
J. W - Nous n’avons pas de projet de la sorte. Le rachat de Modani nous est apparu comme le meilleur moyen de pénétrer le marché américain, dans le cadre de notre développement.
LSA Databoard
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