Egalim 3, inflation, assortiment en baisse... Les promotions affrontent des vents contraires
Entrée en vigueur d’Egalim 3, inflation durable, assortiment en baisse, générosité contrainte des industriels qui les financent… Les promotions sont bousculées et en repli, mais difficile pour autant de faire l’impasse dessus.
François Lecocq
\ 08h00
François Lecocq
Les enjeux
- Depuis le 1er mars, la loi Descrozaille étend le plafonnement à 34 % des promotions aux rayons non alimentaires.
- La part des ventes sous promotion dans l’alimentaire est stable depuis deux ans.
- Les promotions sont moins généreuses et nombreuses (baisse de l’assortiment produit).
- 87 % des promos visent l’alimentaire et 13 % le DPH, en sachant qu’elles représentent 14,9 % et 20,1 % de leurs ventes totales respectives, selon Circana.
Avant l’entrée en vigueur, en mars dernier, de la loi Descrozaille (Egalim 3) plafonnant à 34 % les promotions dans le DPH comme dans l’alimentaire depuis Egalim 1 (octobre 2018), les enseignes ont opéré d’ultimes opérations. Malgré ce baroud d’honneur avec des rabais jusqu’à - 80 %, les promos ont fait plutôt grise mine et révélé un écart de comportement important des consommateurs entre le déclaratif et les actes d’achat. « En effet, ils disent vouloir moins gaspiller et acheter plus en promotion pour réaliser des économies. Or, depuis deux ans, on constate une stabilité des ventes sous promo », note Emily Mayer, directrice business insights de Circana.
15,7%
La part en valeur des ventes de produits en promo dans le total des ventes PGC-FLS
Source : Circana, CAM au 28 avril 2024, HM+ SM
Moins de produits en rayons
Une tendance surprenante dans un contexte d’inflation soutenue et durable, mais qui s’explique. Il y a d’abord une baisse de l’offre résultant de la rationalisation des assortiments en magasin. Il y a moins de produits en rayons, donc mécaniquement moins de promos en volume et en valeur. Selon NielsenIQ, le nombre de références en PGC-FLS en hypers et supermarchés est ainsi passé de 13 939 en 2021 (+ 11 % cumulés versus 2014) à 13 462 en 2023 (- 3,4 % ces deux dernières années).
En CAM à mars 2024, on constate une baisse comparable de 3,4 % du nombre de produits en promo dans les PGC, en sachant qu’elle est plus forte pour les marques nationales, à - 4,4 %, que pour les MDD, à + 0,7 %. « Mais les consommateurs “craquent” avant tout pour s’offrir des marques. Par ailleurs, il y a chez les industriels qui les financent une réduction de la voilure car les promos leur coûtent cher ! De fait, leur générosité fléchit de 0,6 point, à 26,2 % en CAM à mars 2024 », poursuit Emily Mayer.
Priorité aux mises en avant et aux prospectus
Part des différents dispositifs dans les ventes de PGC-FLS sous promotion, en valeur et en unités, en %
Source : Circana, CAM au 28 avril 2024, HM + SM
Soutien de la demande
Malgré ce léger fléchissement et le coût qu’elles représentent, les marques investissent toujours dans ce domaine, mais un peu différemment. « Dans un contexte de consommation ralentie, nous activons la promotion pour soutenir la demande de nos produits Bonduelle et Cassegrain », confirme Emmanuelle Cousy, directrice marketing retail de Bonduelle Long Life France. Dans le rayon ambiant, le groupe a développé ses ventes sous promo l’an dernier (+ 0,6 point, à 12,3 %) contre 15,5 % pour Cassegrain qui les a dopées de 3,5 points (CAM à P13 2023 en HM + SM).
De son côté, la Brasserie Goudale a fait un choix plus radical en arrêtant, depuis 2023, les réductions sur La Goudale blonde 75 cl, pourtant promotionnée à 25 % en 2022. Sa bière phare, tous formats de bouteilles confondus, assurant 84 % de ses ventes (CA en 2023 hors MDD : 143 millions d’euros HT, à + 16 %). « La blonde en 75?cl est vendue en dessous de 3 € et donc déjà très compétitive. Nous devons aussi préserver nos marges, compte tenu de l’explosion de nos coûts en énergie et matières premières. Nous maintenons cependant les promos sur La Goudale en packs de 25 cl et en canettes de 50 cl », explique Jean-François Guisnel, directeur commercial de la brasserie.
« La promo a perdu de son pouvoir d’attraction, mais ce n’est pas irréversible. À condition d’avoir un affichage prix plus lisible pour que le bénéfice soit perçu par les consommateurs. »
Emily Mayer, directrice business insights de Circana
Côté enseignes, les promotions continuent d’être valorisées plus finement. Chez Monoprix, ce sont les vins et les champagnes, plus que les autres boissons. « L’objectif est d’offrir davantage d’accessibilité prix et de chercher de la croissance sur un marché en baisse. Ainsi, nos ventes de vins sous promo ont augmenté de 2,9 % l’an dernier et leur poids de 3,9 %, tandis que, pour les champagnes, ces deux indicateurs ont respectivement progressé de 13,3 % et de 20,64 % », précise Damien Carrer, responsable liquides de Monoprix.
Le but est aussi d’inciter les clients à découvrir des produits dont la valeur faciale se situe au-dessus du prix moyen de la catégorie pour endiguer cette déconsommation. « En 2024, nous continuons à capitaliser sur les foires aux vins en utilisant les remises immédiates de 30 % ou la 2e bouteille à - 50 %. Lors de la FAV de printemps 2024, cette mécanique a très bien fonctionné, avec une progression de nos ventes à deux chiffres en valeur et en volume », assure Damien Carrer, sans préciser néanmoins les montants.
Des baisses définitives
Autre option avec Decathlon, qui a annoncé, début avril, pratiquer une baisse des prix définitive sur 1 500 produits répartie en quatre vagues d’ici à la fin de l’année. De son côté, Auchan reconnaît maintenir la part de ses ventes sous promos à 16 % depuis deux ans. « Nous avons en moyenne 4 000 produits concernés chaque semaine dans le format hyper. Nous avons amorcé une baisse des prix globale depuis fin 2023, en décembre puis en avril. Notre combat est d’être compétitifs sur les produits bruts. On propose chaque semaine, par exemple, des offres marée sur la poissonnerie à moins de 5 € le kg », précise le distributeur.
« La promotion permet d’animer le fond de rayon, de fidéliser sur notre produit phare, la 3 Monts blonde en 75 cl, et de recruter sur nos autres recettes, qui pèsent trois fois plus qu’en 2020. »
Corentin Delsaut, directeur commercial GMS de la Brasserie 3 Monts
Il ne faut pas oublier que la promotion n’est pas un outil pour faire faire des économies aux consommateurs, mais pour les inciter à acheter davantage. « Dans un contexte inflationniste, comme en 2008, les promotions n’en sortaient pas dynamisées, bien au contraire », rappelle Emily Mayer, de Circana. Or, l’inflation étant actuellement plus marquée et durable depuis deux ans, les consommateurs cherchent surtout non pas à faire des stocks mais à réduire leur panier moyen et, en conséquence, le nombre d’articles achetés…
SUR LE MÊME SUJET
LSA Databoard
Retrouvez les indicateurs de la consommation et du retail pour suivre les évolutions de vos secteurs.
Je découvre