Flunch : après des années de crise, l'enseigne de restauration des Mulliez tente se réinventer
Après un plan social massif et une décennie chahutée, l’enseigne de restauration familiale de la galaxie Mulliez tente de se réinventer. Recentrée sur un parc de 150 restaurants, Flunch a confié son redressement à Baptiste Bayart, entrepreneur aguerri et patron de Foodiz. Avec le nouveau format « Faim », la marque espère renouer avec la croissance.
Nicolas Monier
\ 08h00
Nicolas Monier
La pandémie a frappé de plein fouet Flunch, déjà fragilisé avant 2020 par l’érosion de la fréquentation et la lourdeur de son modèle en libre-service. Placée en procédure de sauvegarde en 2021, l’enseigne a dû fermer 57 restaurants et revoir de fond en comble son organisation. « Nous avons ramené le parc à environ 150 établissements, dont un tiers en franchise. C’était douloureux mais indispensable », rappelle Baptiste Bayart, arrivé aux commandes le 3 janvier 2022.
« Nous avons dû réintroduire de la productivité, des process et du lean management dans une enseigne qui avait vécu trop longtemps sur ses acquis. » Un choix vivement critiqué par la CGT Commerce et Services, qui rappelle que six établissements supplémentaires vont prochainement basculer en franchise. Le syndicat estime que cette évolution « remet systématiquement en cause les acquis sociaux et aggrave les conditions de travail », accusant la galaxie Mulliez, propriétaire de l'enseigne, de « privilégier la rentabilité au détriment des salariés ».
En 2024, le chiffre d’affaires s'est affiché entre 320 et 340 M€, selon le dirigeant. « Nous sommes désormais très proches de l’équilibre. Le plus dur est passé, même si les derniers coups de reins restent à donner. » Le choix de Baptiste Bayart par la famille Mulliez n’est pas un hasard. Patron du groupe Foodiz (100 M € de CA), spécialisé dans l’agroalimentaire et la restauration, il a déjà plusieurs redressements à son actif. « On m’a demandé si je pouvais m’en occuper, je n’ai pas hésité. Flunch fait partie du patrimoine de la restauration française. Sa notoriété est immense, c’est la troisième enseigne spontanément citée par les Français, alors que nous n’avons que 150 restaurants », insiste-t-il.
Un nouveau concept de 60 m² avec des plats à emporter
Sous sa houlette, la franchise a repris des couleurs. Douze nouveaux franchisés ont rejoint le réseau en 2024, avec un modèle jugé plus viable que l’intégration. « Dans certains emplacements, seul un entrepreneur local peut réussir. Nous avons trouvé de bons partenaires et cela redonne confiance. » Le plus gros restaurant du parc, situé dans le Nord, atteint jusqu’à 8 M€ de chiffre d’affaires annuel, illustrant le potentiel intact de la marque quand les conditions sont réunies.
Mais aujourd'hui, la véritable innovation s’appelle « Faim ». Pensé comme une enseigne sœur, ce format de 60 m² vise les centres-villes et les zones de flux. « Ouvrir 1 000 m² en centre-ville était impossible. L’idée, c’était d’emmener la marque vers les clients plutôt que d’attendre qu’ils viennent à nous », explique Baptiste Bayart. L’offre est 100 % « food to go », avec des produits individuels issus de la cuisine française : plats préparés dès 5,50 €, croissants et cafés à prix bas, salades, sandwichs, desserts. Trois employés suffisent pour faire tourner une unité, contre 60 à 70 salariés pour un Flunch classique.
Le premier site, ouvert à Lille début septembre, a enregistré en deux jours l’équivalent de 60 à 70 % du chiffre d’affaires au mètre carré des plus gros Flunch. « Nous avons investi environ 400 000 € dans cette première unité, contre 3 à 5 M€ pour un restaurant traditionnel de 1 000 m². Le différentiel change complètement la logique d’expansion », souligne le dirigeant.
Nouveau concept urbain de restauration en vente à emporter (click and collect et en livraison à domicile), « Faim » cible la jeune génération. Le premier emplacement d'ailleurs se situe à Lille dans un quartier universitaire. Deux autres ouvertures devraient être annoncées prochainement.
L’innovation majeure réside également dans l’utilisation pour la première fois en France de la technologie Just Walk Out d’Amazon. Le parti pris consiste ici à laisser le client entrer librement dans le point de vente, sans appli à télécharger et sans présenter sa carte bancaire. À la fin des achats, le client devra l'apposer sur le TPE afin de pouvoir sortir. En présentant sa carte bancaire, il est en effet instantanément reconnu et débité de ses achats. Il peut alors recevoir un reçu, s’il le souhaite, en renseignant son mail.
Une cuisine française à petit prix mais avec des portions généreuses
« Si chacun de nos 50 partenaires ouvrait deux unités, nous pourrions compter 100 ‘Faim’ rapidement. L’appétit est réel », assure Baptiste Bayart. Le modèle pourra s’appuyer sur la logistique de Flunch et celle de Foodiz, capable de livrer les grandes villes jusqu’à quatre fois par semaine. Pour son président, Flunch doit concilier humilité et ambition : « C’est une vieille marque, mais fabuleuse, portée par des équipes engagées. Elle a une dimension sociale, en rendant accessibles des repas complets aux familles modestes. C’est aussi un ascenseur social pour nos collaborateurs. »
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Avec le soutien financier de l’AFM, la galaxie Mulliez qui contrôle également Auchan ou Decathlon, l’enseigne dispose de la surface nécessaire pour se réinventer. « Je suis convaincu que "Faim" peut devenir pour Flunch ce que Carrefour City a représenté pour Carrefour : un relais de croissance en proximité ». ll y a quelque chose de l'enseigne Bouillon dans ce nouveau concept. Une cuisine française assumée, à petit prix, articulée autour de portions généreuses.