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TROPHÉES DE L'INNOVATION 2023. Sous sa présidence, la croissance du groupe familial, devenu numéro un mondial du lait, s'est fortement accélérée, notamment par acquisitions. Représentant de la troisième génération aux commandes, Emmanuel Besnier, un fou de fromages, commence à fendre l'armure.
Jérôme Parigi
\ 08h00
Mis à jour 15 Déc. 2023
Jérôme Parigi
Mis à jour
15 décembre 2023
En dates
- 2000 : Emmanuel succède à son père, Michel, décédé brutalement à 71 ans, à la tête du groupe Lactalis
- 2007 : rachat de Galbani, devenue seconde marque du groupe après Président (1,8 et 2,5 Mrds € de CA)
- 2011 : OPA hostile sur Parmalat, qui hisse Lactalis au premier rang mondial des produits laitiers
- 2018 : rachats de Stonyfield (yaourts bio) à Danone et du skyr Siggi's
- 2020 : rachat de l'activité fromage de Kraft Heinz aux États-Unis
- 2021 : rachat de Leerdammer à Bel
- 2023 : acquisitions de DPA au Brésil et d'Ambrosi (parmesan) en Italie
Le moins qu'on puisse dire c'est qu'entre l'Alsacien Dominique Schelcher, président de Système U et le Mayennais Emmanuel Besnier, président de Lactalis, le courant passe. Les deux hommes, qui revendiquent leurs racines provinciales, ont des valeurs communes. « C'est quelqu'un que je respecte beaucoup », confie le patron des U, qui n'a pas hésité une seconde à témoigner sur l'homme aux commandes du premier groupe agroalimentaire français (Lactalis est passé devant Danone l'an dernier pour quelques centaines de millions d'euros), 10e mondial et surtout premier laitier de la planète.
Il garde en mémoire l'appel passé par l'industriel en 2021, juste après l'incendie de l'U Express de L'Huisserie (53), près de Laval, un magasin qu'Emmanuel Besnier fréquente parfois, pour proposer spontanément son aide. Le geste l'a marqué. « Nous nous retrouvons avec plaisir. Dans cet univers parfois impitoyable, il n'y a pas beaucoup de patrons de cette dimension capables de venir vous chercher personnellement au volant de sa bonne vieille 508 break à la gare de Laval, pour vous conduire au siège de son entreprise. »
À 53 ans, celui que Forbes classe au sixième rang des fortunes françaises, avec un patrimoine estimé à plus de 20 milliards d'euros, cultive la simplicité. Il démarre ses journées à 7 heures, l'heure du laitier, prend le métro ou le bus lorsqu'il est à Paris, fait ses courses le week-end. Monsieur Tout-le-monde, si Emmanuel Besnier n'était pas à la tête d'un groupe de 85 000 salariés, présent dans 51 pays et fort de 272 laiteries et fromageries (chiffres 2022).
Le patron d'un groupe devenu numéro un Français de l'agroalimentaire
C'est d'ailleurs avec une grande modestie qu'il accueille le titre d'industriel de l'année décerné par LSA. « C'est plus la récompense des femmes et hommes de l'entreprise, des équipes sur lesquelles je m'appuie en permanence, que la mienne », lance-t-il d'emblée, avant de relativiser l'exceptionnelle performance réalisée par Lactalis l'an dernier, avec un chiffre d'affaires en hausse de plus de 28 %, à 28,3 milliards d'euros. « Certes, nous avons accéléré notre croissance, nous nous sommes renforcés sur le continent américain, en particulier au Brésil et aux États-Unis, et nous avons réalisé quelques belles acquisitions comme Ambrosi, spécialiste du parmesan en Italie. Mais malgré des hausses de prix importantes, nous n'avons pas réussi à répercuter la totalité de la hausse de nos coûts - de plus de 26 % - et avons donc dégradé nos résultats. En 2023, nous les redresserons sans doute un peu mais sans retrouver nos niveaux historiques. Faire comprendre que l'alimentation a un coût qu'on a besoin de répercuter pour assurer une bonne rémunération et le développement de la filière laitière reste un enjeu. »
+28,4%
La croissance du CA de Lactalis en 2022, à 28,3 Mrds €
Source : Lactalis
Le patron se félicite néanmoins de la croissance « des produits accessibles qui enregistrent de très belles performances à l'image de Président et notamment de son camembert (+18% en volume depuis le début de l'année, NDLR), ce qui est moins le cas des AOP qui souffrent plus du contexte inflationniste ».
Une culture d'entreprise centrée sur le parler vrai, les coûts industriels et les clients
L'analyse des performances est plutôt cash. « L'un de nos traits culturels, c'est plus de parler des choses qui vont mal que de celles qui vont bien », décrypte Jean-Marc Bernier, le patron de Lactalis France. Et aussi de se concentrer sur les coûts. «Lactalis, c'est la culture du résultat, résume Thierry Clément, directeur général des opérations. Dans chaque filiale, chaque usine, on connaît les coûts au centime près, poste par poste. Emmanuel Besnier le premier. »
Une culture de l'action également : réunis en octobre pour fêter les 90 ans de la création du groupe par le grand-père d'Emmanuel, André Besnier, les dirigeants ont choisi une raison d'agir - Nourrir l'avenir - plutôt qu'une raison d'être. L'action plus que la communication, même si, là aussi, le virage est manifeste. « Ce qui est nouveau chez Emmanuel Besnier, c'est qu'il a compris qu'il ne pouvait plus ne pas communiquer, témoigne Dominique Schelcher, qui l'avait rencontré bien avant la crise du lait infantile qui a obligé le groupe et son patron à sortir de l'ombre. Mais il a progressé. C'est devenu un fidèle du Salon de l'agriculture, je l'y croise depuis trois ans."
Encore un potentiel énorme pour un numéro un mondial qui ne pèse encore que 5% du marché
« Emmanuel Besnier a beaucoup évolué, renchérit l'un de ses proches. Il a pris de l'assurance et gagné en humanité. Prendre, à 30 ans, la présidence et succéder à son père, pendant quarante-cinq ans à la tête du groupe, c'était une grosse charge. C'est normal qu'il ait fait preuve de distance pour se protéger un peu. Aujourd'hui, il écoute plus, il anime. » Tout en restant ferme sur ses convictions.
Quand ses concurrents se penchent tous sur les alternatives végétales, le champion du camembert et de la mozzarella mise plus que jamais sur le lait et ses dérivés. « Nos produits sont bons, sains, naturels et nutritifs, avec des objectifs de décarbonation très élevés, plaide Emmanuel Besnier. Et tout leader mondial des produits laitiers que nous sommes, nous ne représentons encore que 5 % d'un marché mondial qui continue de progresser de 3 à 4 % par an, le potentiel reste très important, surtout à l'international. »
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