Pimkie joue son avenir avec Shein : une alliance risquée ou bénéfique ?

L’annonce de la collaboration entre l’enseigne de mode et le géant chinois de l’ultra fast-fashion a secoué le secteur. Ce partenariat sera-t-il salutaire pour Pimkie ? En attendant, ce cas d’école instaure un nouveau modèle de production et de distribution.

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Pimkie joue son avenir avec Shein : une alliance risquée ou bénéfique ?
Salih Halassi, président et propriétaire de Pimkie : « Les problèmes du retail français sont bien antérieurs à l’arrivée de Shein. Pimkie allait mal depuis 2010. Il n’y a pas de vision ni d’accompagnement pour faire rayonner le prêt-à-porter français à l’international. »

Les enjeux

Pour Pimkie

  • Passer de 5 à 30 % de ventes en ligne, sans coûts supplémentaires.
  • Augmenter sa marge opérationnelle en bénéficiant de la chaîne de production de Shein.
  • Atteindre une nouvelle clientèle internationale dans 160 pays.

Pour Shein

  • Lisser son image en s’associant à une marque française à l’approche de son introduction en Bourse.
  • Proposer son modèle de production au sein de l’écosystème français.
  • Démocratiser son modèle de marketplace lancé en 2024 en France.

« Accord prédateur » pour la FCD, « partenariat destructeur » selon l’Alliance du commerce, qui a exclu Pimkie de ses adhérents, « indigne, inqualifiable, injustifiable » pour la Fédération du prêt-à-porter féminin… L’annonce du partenariat de Pimkie et de Shein a provoqué un tollé chez les acteurs du textile et du commerce. Jusqu’à inciter l’Association familiale Mulliez (AFM), ancien propriétaire de Pimkie, à saisir la justice face à « une application particulièrement déloyale des accords conclus lors de la cession ».

Des déclarations qui laissent de marbre Salih Halassi, président et propriétaire de Pimkie. « La famille Mulliez ne dispose d’aucun fondement juridique lui permettant d’engager une action contre Pimkie au titre du contrat de cession que nous avons conclu, assure-t-il dans une interview exclusive. Quant aux autres, depuis la cession de Pimkie, je n’ai jamais eu personne de l’Alliance du commerce ou des fédérations qui m’a soutenu ou est venu me voir. » Le « serial repreneur » (Finishtex, Kindy, Mariner) est persuadé que ce partenariat sera bénéfique. « Aujourd’hui, il n’y a pas de retail physique sans digital. Les modèles qui fonctionnent comme Inditex ont un digital qui pèse près de 30 %. Chez Pimkie, il représente moins de 5 % de nos ventes : il faut donc accélérer. »

En outre, la cliente Pimkie, âgée de 18 à 35 ans, achète déjà beaucoup sur Shein, note-t-il. « Les ventes en ligne représentent plus de 21 % des dépenses d’habillement en France. 8 % des Français achètent même exclusivement de la mode sur le digital », constate Hélène Janicaud, experte mode de Worldpanel by Numerator (ex-Kantar). Et Shein est déjà le cinquième acteur en valeur de la mode en ligne en France. « Vu la machine de guerre qu’est Shein et l’exposition qu’elle donne, je ne vois pas pourquoi ça ne marcherait pas à court terme. D’autant que Pimkie est la première enseigne française à nouer ce type de partenariat et Shein aura intérêt à lui donner de la visibilité », analyse Cédric Ducrocq, président du cabinet de conseil Diamart. L’objectif affiché est ambitieux : réaliser 100 millions d’euros de ventes sur le digital d’ici à trois ans.

Mais à moyen et long terme, cela sera-t-il rentable ? « Tout dépend de la nature du deal. En étant premier, Pimkie a peut-être bénéficié de conditions plus avantageuses, suppose Cédric Ducrocq. Le risque est que le taux de commission de Shein augmente dans le temps et, avec des produits à très petits prix, atteindre la rentabilité risque d’être compliqué. Pour rappel, les taux de commission d’Amazon n’ont aujourd’hui plus rien à avoir avec ce qu’ils étaient il y a quinze ans. »

Lutter ou pactiser

Actuellement, Shein applique un taux de 10 % à ses vendeurs tiers, contre 15 % en moyenne chez Amazon et de 5 à 25 % chez Zalando. « Rien ne sert de reprocher à Pimkie de vouloir accélérer sur le digital : c’est indispensable. Mais le faire avec Shein déjà sanctionné pour pratiques illégales en France… Ce partenariat est avant tout un symbole, qui pose une question cruciale : résister collectivement à la concurrence déloyale… ou tenter de “sauver sa peau” en s’y associant », déclare Marc Lolivier, délégué général de la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance).

Pour Salih Halassi, « les problèmes du retail français sont bien antérieurs à l’arrivée de Shein. Pimkie allait mal depuis 2010. Il n’y a pas de vision ni d’accompagnement pour faire rayonner le prêt-à-porter français à l’international. » C’est là que le bât blesse. « Faute de pouvoir se tourner vers des plates-formes responsables et souveraines euro­péennes, des marques vont vers d’autres types d’acteurs qui leur permettront de s’adresser à une audience internationale », souligne Fabien Versavau, ancien patron de Rakuten France, et expert du digital. Or Shein donne accès à 160 pays, 90 millions de clients aux États-Unis et 150 millions en Europe.

Par ailleurs, l’accord passé avec Pimkie ne concerne pas que la distribution. Shein se chargera de la fabrication des vêtements Pimkie qui seront vendus sur son site. « L’outil de production de Shein est le rêve de tout fabricant de prêt-à-porter. Ce modèle très réactif en petites quantités nous permettra d’éviter d’avoir du stock résiduel », se réjouit Salih Halassi. Grâce à sa logistique, qui élimine les coûts de stockage, « les prix pourront être ajustés à la baisse », précise-t-il.

En chiffres 

  • 150 M € : le CA de Pimkie en 2024

Source : entreprise

Shein en chiffres

  • 38 Mrds $ : le CA global en 2024, à + 19 %
  • 1 Mrd $ de bénéfices, à - 40 %
  • 2,3 Mrds € de CA en France,à + 33 %, selon les estimations de LSA
  • 23 millions de clients en France, 150 Men Europe
  • 5e site de mode en valeur au premier semestre 2025

Sources : documents internes Shein, estimations LSA, Worldpanel by Numerator

Un mariage à risque

Reste l’image de marque. Salih Halassi assure n’avoir eu « que des retours positifs en interne », mais le partenariat soulève des inquiétudes. « Nous voyons de nombreux commentaires négatifs sur l’Instagram de Pimkie », déclare une représentante CFDT dans une communication aux salariés où le syndicat s’interroge sur les conditions de travail des salariés qui fabriqueront les vêtements Pimkie.

Il y a deux ans, Shein avait déjà noué un partenariat avec Forever 21. Certes, l’alliance était différente puisque la griffe chinoise avait pris une part minoritaire dans le capital de l’enseigne américaine. Mais deux ans plus tard, si des vêtements Forever 21 sont toujours proposés sur le site de Shein, l’enseigne, elle, a fait faillite et fermé tous ses magasins en mars. Et pour Stephen Coulombe, le dirigeant chargé de la restructuration de Forever 21 cité dans un document juridique, Shein et Temu avaient « fortement et négativement impacté » Forever 21.

Les premiers articles Pimkie devraient être mis en ligne d’ici à la fin de l’année sur le site de Shein. Et l’enseigne pourrait être la première d’une série : le 16 septembre, Shein a lancé son programme Xcelerator en France, en Grande-Bretagne et en Chine pour accompagner les marques dans leur développement digital­.

Les clauses de l’accord

Pour sceller leur alliance, Pimkie et Shein ont créé une coentreprise, filiale de Amoniss (maison mère de Pimkie), qui en détient la majorité des parts. Celle-ci prévoit que le géant chinois mette à disposition de la marque française son réseau de fournisseurs, équipés de ses technologies, ainsi que sa plate-forme de vente, active dans 160 pays.

De son côté, Pimkie conservera le contrôle du design et des prix de vente de la collection qui pourraient atteindre 3 000 références, distribuée exclusivement sur Shein.com à partir de la fin de l’année 2025. Le financement de cette coentreprise est entièrement supporté par Shein qui prélèvera une commission sur les ventes réalisées par Pimkie sur sa plate-forme. Le taux de cette commission n’a pas été divulgué. L’objectif est que les ventes sur Shein atteignent 100 millions d’euros d’ici à trois ans.

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