Comment Unibail-Rodamco-Westfield va monétiser l’audience de ses 55 centres commerciaux
Les 55 centres européens d’Unibail-Rodamco-Westfield enregistrent 550 millions de visites annuelles. Des «sites physiques médias » que le groupe veut valoriser auprès des marques en quête de visibilité publicitaire. En reprenant la main sur les écrans digitaux de son partenaire Clear Channel. En installant des capteurs de flux qui permettront d’affiner l’audience et maîtriser l’efficacité des campagnes.
Daniel Bicard
\ 14h15
Daniel Bicard
Plus d’un demi-milliard de visites dans ses 55 centres commerciaux européens ! C’est ce qu’a recueilli le groupe Unibail-Rodamco-Westfield (URW) en 2021. Des visites ? Plus encore : de l’audience ! Sur laquelle le groupe a décidé de capitaliser, en faisant de ces 550 millions de passages de visiteurs dans son réseau physique européen, un argument de visibilité pour toutes marques décidant de s’y afficher ! «Comme nous l’exposions en mars dernier, lors de la présentation aux marchés de notre stratégie à horizon 2024, et au-delà, rappelle Jean-Marie Tritant, président du directoire du groupe d’URW, notre portefeuille européen unique offre, en effet, une plateforme incomparable pour générer de nouveaux revenus issus de la publicité, de partenariats commerciaux avec les marques, et de l’exploitation des données en convertissant ces millions de visites en 2021 en une audience qualifiée, particulièrement attractive pour ces marques ». A la clé de cette stratégie, les investissements d’URW en matière de media et de données devraient générer 75 millions d’euros de revenus nets annuels d’ici 2024, par rapport aux 30 millions actuels. Soit une augmentation de 45 millions comparée à 2021. «Et nous visons les 200 millions d’euros en 2030 » confie Jean-Marie Tritant.
La nomination de Caroline Puechoultres
«Nous générons moins de 10 centimes d’euros par visite, détaille Caroline Puechoultres, directrice générale de la stratégie client d’URW. Quand le métro de Londres en tire 15 centimes ; les aéroports 30 centimes, et jusqu’à 70 centimes pour les plus grands d’entre eux. Walmart atteignant une valorisation de 1,10 € par visite, en comptant les revenus issus de la publicité sur ses sites web ». Une fois son audience valorisée URW table, à l’horizon 2030, sur un objectif de quelque 35 centimes d'euros par visite. La nomination de Caroline Puechoultres, mi-juillet 2021, par Jean-Marie Tritant, qui accédait à la présidence d’URW le 1er janvier 2021, est l’une des décisions fondatrices dans cette nouvelle stratégie du groupe. Forte de ses expériences chez Carrefour, Procter & Gamble, Intermarché, Caroline Puechoultres incarne la volonté du groupe de, selon les termes de son communiqué « détecter de nouvelles opportunités de croissance, grâce à une organisation centrée sur le client », de « conduire un développement et une consolidation de l’offre tant à destination des enseignes que des visiteurs d'URW, à travers le renforcement des partenariats commerciaux avec les marques et enseignes, l’optimisation de l'analyse des données, le développement des revenus media et des services omnicanaux (click & collect, livraison à domicile) ». A la clé, une entité d’une centaine de personnes est en cours de constitution. Son siège est à Paris, dans celui d’URW, avec une antenne à Londres et des relais dans divers pays.
La reprise des écrans Clear Channel
Une autre décision symbolique de la «médiatisation » de son patrimoine par URW est la prise en main, pour une gestion optimisée, de l’ensemble de ses dispositifs publicitaires digitaux, auprès de Clear Channel, son partenaire depuis 20 ans, avec lequel il vient de reconduire un contrat pour huit ans. Concrètement le groupe est en train de racheter tous les écrans Clear Channel présents sur son parc en France – de l’ordre de 475 écrans pour « quelques millions d’euros ». En reprenant la propriété des espaces publicitaires, URW vise donc à accroitre ses revenus, en augmentant sa redevance. Et, surtout, en développant de nouvelles solutions innovantes. « Ces supports de communication seront toujours gérés par Clear Channel, leader mondial de la publicité extérieure, présent dans plus de 20 pays » précise le groupe.
Des capteurs pour mieux connaître les flux
Pour, justement, davantage valoriser et monétiser son audience auprès des marques, URW va aussi mieux qualifier ses données clients disponibles. «Grâce à des capteurs disposés tout au long des parcours clients, nous recueillerons des statistiques très précises sur les divers chemins empruntés par ces flux, qui nous renseigneront sur les centres d’intérêt des clients, explique Caroline Puechoultres. Ceci de façon non intrusive, puisque ce ne sont pas des individus que nous suivons et identifions, mais bien des statistiques sur de flux de clients anonymes. Grâce à ce système de mesure nous pourrons chiffrer précisément la performance d’une campagne media dans nos centres, calculer son ROI (Retour sur Investissement), affiner le CPM (coût pour mille) auquel nous facturerons nos espaces publicitaires. Ce qui nous permettra de personnaliser les campagnes de publicité vendues dans nos centres pour une meilleure efficacité ». Clear Channel restera l’agence media par laquelle passeront les annonceurs. Et «sachant qu’une boucle sur les écrans digitaux fait en moyenne tourner 5 messages publicitaires, 70% de ce temps restera, comme auparavant, dévolu à nos annonceurs et 30% à de l’autopromotion sur le centre concerné ».
Une première avec la Fnac de Vélizy 2
Dans la droite ligne de ces nouveaux domaines d’expertise, le groupe annonce avoir mis en place, au sein du centre Westfield Vélizy 2, la première campagne pDOOH - Programmatique DOOH (Digital Out of Home) - en test en France. Réalisée en partenariat entre la Fnac, Unibail-Rodamco-Westfield, Havas Media et Clear Channel France, celle-ci permet la mesure exhaustive et en temps réel du trafic incrémental réalisé en magasin. Grâce à quoi, l’enseigne Fnac pourra comprendre dans quelle mesure ses publicités en centres commerciaux influencent le comportement des shoppers en les amenant à visiter un point de vente qui ne figurait pas à leur programme. Le magasin Fnac étant l’un des plus grands pourvoyeurs de trafic du centre Westfield Vélizy 2, cela en fait l’annonceur idéal pour cette campagne. Plusieurs visuels publicitaires seront testés, ce qui permettra aussi de recueillir des enseignements sur les performances comparées des diverses offres présentées. « La publicité programmatique, qui exploite des données qualifiées – en conformité avec les règles du RGPD – fournit des mesures uniques et très précieuses aux marques partenaires, souligne Caroline Puechoultres. Cette première campagne d’expérimentation conforte notre conviction de la formidable opportunité de combiner un média avec une audience qualifiée et une activation ‘‘drive-to-store’’ ».
Focus sur Westfield les 4 Temps
S’il est un centre d’URW à l’audience «valorisable » c’est bien Westfield les 4 Temps, au cœur du Quartier de la Défense à côté de Paris (44,3 millions de visites en 2019). Les marques s’y affichent déjà sur pas moins de 89 écrans double-face. Mais elles trouvent un terrain d’expression « superlatif » avec la vaste installation « Digital Dream » animant, depuis septembre 2013, la hauteur du Dôme qui abrite une grande partie des restaurants du centre et son cinéma. Soit 250 m² d’écrans leds qui habillent l’architecture arrondie de la rotonde, et une un panneau vertical de 16 m de haut, créant une ambiance immersive. C’est la marque automobile Land Rover qui inaugurait ce « media inside » il y a 8 ans. Plus récemment se sont d’autres signatures – éloignées de celles des PGC (produits de grande consommation) – telles que Canal + ou Netflix, Chanel No.5 ou les montres Tissot (en partenariat avec Tony Parker), et même un film de la série des Jurassic Park, qui y ont trouvé leur aire de promotion. Et preuve que tout ne passe pas forcément par des écrans digitaux, URW a lancé une campagne d’affichage inédite, en haut du Dôme. Grâce à « l’adhésivation » de films sur les impostes, garde-corps et poteaux aux couleurs de Coca Cola. Principe repris à beaucoup plus grande échelle, en sortant des 4 Temps, sur la façade du CNIT la Défense, qui lui fait pendant sur le parvis et appartient également au patrimoine du groupe. C’est une fresque monumentale de 3 000 m² apposée sur la surface vitrée du bâtiment sur laquelle s’affiche la marque de téléphone Huawei ! Bref Westfield les 4 Temps illustre pour le groupe « la variété des solutions media et expérientielles proposées et la puissance de feu que représente nos grands centres pour lancer des produits en Europe ». Par exemple pour le Groupe Afterpay, leader américain de solutions de paiement fractionné, qui après la signature d’un partenariat media de 4 ans aux Etats-Unis, a décidé d’acheter des campagnes similaires dans les deux centres Westfield de Londres pour lancer sa marque européenne Clearpay.
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