La filière boeuf fait le pari du Label Rouge
À la suite des États généraux de l’alimentation, la filière s’est fixé comme ambition d’atteindre 40 % des ventes en volume de bœuf sous Label Rouge en 2023, contre 5 % en 2018 ! L’ensemble de la chaîne est-elle prête à ce virage ? Enquête.
Julie Delvallée
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Julie Delvallée
- + 1 % : l’évolution du CA du bœuf frais (LS et trad), à 1,03 Mrd €
- - 0,1 % : ’évolution en volume
- + 14,6 % : ’évolution du CA des viandes de boucherie vendues sous Label Rouge
Une filière en souffrance. Des ventes sans cesse en décroissance, signe d’une baisse de consommation structurelle. Ajouter à ce constat de nouveaux projets faisant frémir la production française de bœuf : le 28 novembre 2019, le Parlement européen a, en effet, validé un accord qui facilitera l’importation de bœuf nord-américain…
Pour dynamiser la filière, des plans ont été imaginés à l’occasion des États généraux de l’alimentation, en 2018. Celui concernant les bovins est ambitieux : la viande de bœuf doit développer des signes officiels de qualité, dit en substance le texte.
Un objectif chiffré y est associé : l’offre de viande de bœuf Label Rouge, à 5 % au moment des EGA, doit atteindre 40 % d’ici à 2023 ! Booster à ce point un label suppose de revoir de fond en comble la liste des critères exigés pour l’obtenir : « Au départ, l’ensemble des critères du Label Rouge figuraient dans l’organisme de défense et de gestion du code rural. L’Inao (l’Institut national de l’origine et de la qualité, NDLR) a ensuite repris le dossier au niveau européen pour simplifier les conditions de production requises minimales. Avec, toujours, la volonté de garantir une qualité supérieure », explique Jean-Marc Escure, directeur de Limousin Promotion, le bœuf limousin représentant les plus importants volumes du Label Rouge avec près de 7 000 tonnes de viande commercialisées par an (+ 3 % chaque année en moyenne). Dernière étape, ce label garantit depuis l’an passé le respect du bien-être animal et devient plus exigeant s’agissant de l’alimentation.
Autant de nouvelles conditions qui ne constituent pas un frein à la production, à en croire les intéressés, même si la nécessité de produire sur place la nourriture des bœufs pose problème, notamment en Aquitaine, où ces cultures étaient parfois déjà destinées aux canards. Principal bémol, selon l’amont : les coûts supplémentaires de production ne semblent pas compensés par les coûts de revient de l’animal. L’autre limite relève de la valorisation de la carcasse. À ce jour, l’entièreté n’est pas valorisée sous Label Rouge, faute de volumes suffisants et étant donné que le steak haché, qui pèse la moitié des volumes commercialisés au rayon du bœuf libre-service, résulte d’animaux ne portant pas toujours cette mention qualitative : « Quand l’offre steak haché Label Rouge sera valorisée sur des morceaux, cela permettra de trouver un équilibre matière bien meilleur, souligne Jean-Pierre Bonnet, président de la section bovine de la Fédération interprofessionnelle des viandes Label Rouge (FIL Rouge). C’est un défi crucial qui est entre les mains des industriels. »
Établir des partenariats durables
Côté marques, peu d’entre elles valorisent à ce jour cet écusson. Bigard s’est lancé sur ce créneau en 2018 et est l’une des seules griffes à proposer quelques références dans ces linéaires peu marketés. Dernière en date, un haché Label Rouge à 5 % de matière grasse. « Il y a encore un an, une telle référence n’aurait pas été possible. L’augmentation de la production nous permet aujourd’hui d’imaginer de nouveaux produits. C’est par le développement de l’offre que progressera la consommation, comme cela a été le cas pour le bio », analyse Virginie Le Port, responsable marketing de Bigard.
Dernier maillon de la chaîne, les distributeurs semblent mobilisés. « Carrefour s’est engagé à ce que 70 % de la viande bovine proposée au rayon traditionnel de ses hypermarchés soit Label Rouge en 2020. Notre objectif est d’avoir des producteurs au plus près des magasins. Actuellement, nous avons signé des accords avec de nombreuses organisations de producteurs régionales, dont Apal, Unicor, Bovineo, Celmar, Elvea, etc. », étaye ainsi Bertrand Eon, directeur boucherie de Carrefour France. De nombreuses enseignes contractualisent et amorcent des stratégies durables pour se tourner davantage vers ce sigle, à l’instar de Système U, Auchan, Casino… et même Lidl : « Le Label Rouge se vend très bien dans nos magasins, confirme ainsi Michel Biero, directeur exécutif des achats de Lidl France. Et le Covid-19 va aider à la commercialisation de produits de qualité. Dans 300 de nos magasins, c’est déjà 20 % de l’offre de bœuf. J’aimerais aller plus loin dans les contrats tripartites pour aider les éleveurs… mais aucun industriel n’est d’accord à ce jour pour le faire », assure le responsable, en passe de nouer de nouveaux partenariats avec l’amont pour étendre son offre. Ces efforts sont-ils suffisants ? « Avec la crise sanitaire, les ventes ont diminué, mais l’ensemble des acteurs de la filière reste mobilisé pour dynamiser ce sigle de qualité », assure Guy Hermouet, président de la section bovine au sein de l’association des professionnels du bétail et des viandes, Interbev. Ces produits se situent principalement dans les rayons à service des grandes surfaces, dont beaucoup ont dû fermer durant la crise sanitaire.
En dehors de cette situation inédite, Interbev a initié un programme d’ambassadeurs. Leur mission : expliquer les avantages des viandes Label Rouge auprès des directeurs de magasin et des responsables des rayons boucherie pour bien vendre ces produits, un peu plus chers sur l’ardoise : « À ce jour, deux équipes de 16 ont été formées et se rendent dans les magasins qui ont choisi de faire des efforts pour accompagner la vente de ces produits bovins. Nous prévoyons de recruter de nouveaux formateurs », indique Guy Hermouet. Si l’enthousiasme semble général, la crise sanitaire et les freins soulevés pourraient néanmoins ralentir le développement du bœuf Label Rouge d’ici à 2023…


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