Levier d’engagement, de croissance… Les enjeux d’une bonne communauté de marque
Charlélie Bensoussan, partner du cabinet Vertone en charge du pôle Commerces & Loisirs, décrypte la façon de construire et d’entretenir une communauté de clients pour éviter des stratégies superficielles et inefficaces.
La Rédaction
\ 14h41
La Rédaction
Une communauté de marque : pas une question de passion, mais d’attachement
Le terme « communauté » évoque spontanément des groupes unis par une passion commune (le sport, la foi, un hobby…), dont certaines marques peuvent se prévaloir : les AFOLS (Adults Fans Of Lego), le club Jeep ou les fervents motards du Harley-Davidson Owners Group. Cependant, toutes les marques ne jouissent pas de cette aura quasi mythique.
Imagine-t-on réellement une passion dévorante pour une enseigne de supermarchés ou de bricolage ? Pourtant, ces marques peuvent aussi bâtir des communautés solides, non pas sur la passion, mais sur un attachement sincère et des interactions significatives entre les membres de la communauté et la marque, en s’appuyant sur une passion sur laquelle elle est légitime (ex : cuisine, jardinage, déco…) Trois piliers définissent ce qu’est réellement une communauté :
1. L’émotion et l’appartenance : les membres ressentent un lien affectif avec la marque, sans pour autant en être des fanatiques.
2. Les interactions : les membres échangent, que ce soit dans le monde digital (à travers des forums, les réseaux sociaux) ou dans la vie réelle (autour d’ateliers, d’événements, de rencontres).
3. L’engagement : les membres contribuent activement à la vie de la marque, par des avis, des idées ou des actions concrètes.
Ce ne sont donc pas nécessairement les meilleurs clients qui rejoignent une communauté de marque, mais plutôt ceux qui y sont attachés et souhaitent interagir avec d’autres autour d’un univers ou d’une expérience commune.
Créer et animer une communauté : un travail de fond…
Pour une totale réussite du rôle de la communauté, les marques doivent en définir l’objectif précis qu’elles souhaitent leur attribuer. Il peut s’agir de la promotion de l’usage des produits (comme les réunions Thermomix où les utilisateurs partagent astuces et recettes), l’encouragement de l’entraide entre clients (la communauté des Helpers de BlaBlaCar), l’intégration d’une vision client dans la construction des offres et de la proposition de valeur (comme Oxybul et Okaïdi impliquant les parents dans le développement de nouvelles collections) ou s’appuyer sur des ambassadeurs / micro-influenceurs pour faire rayonner la marque, via des tutoriels ou des recommandations spontanées par exemple (Maisons du Monde qui enrichit ses fiches produits avec les photos de sa communauté postées sur Instagram).
Cette animation repose sur un équilibre délicat. Une communauté active demande des interactions sincères avec ses membres, sans « acheter » l’engagement via des récompenses monétaires, mais en le valorisant via des leviers de reconnaissances : accès à des événements exclusifs, essais de nouveaux produits, reconnaissance publique… L’engagement doit rester spontané, non encadré à outrance, car une communauté trop contrôlée perd de son authenticité.
… qui doit privilégier l’impact sur le volume
Le simple comptage des membres d’une communauté ou du nombre de posts sur un forum ne permet absolument pas de mesurer le succès d’une communauté. L’objectif réel est d’avoir un impact réel et tangible sur l’ensemble des clients de la marque. Une petite communauté très engagée peut transformer l’expérience client, influencer l’image de marque et participer activement à la co-création des produits (ex : Décathlon co-création).
L’objectif principal ne doit pas être de générer plus de ventes auprès des membres de la communauté, mais bien de produire du contenu, des idées, des produits avec une part restreinte de clients ambassadeurs, et d’en mesurer l’impact au-delà de la communauté ! Certaines marques sont d’ailleurs assez fortes pour que leurs communautés se créent d’elles-mêmes ; prenons l’exemple de Lego : la marque a su surfer sur les communautés non de fans en rachetant Bricklink (marketplace de revente de Lego, et de sets non officiels créés par les fans). À l’inverse, IKEA a initialement tenté d’interdire le «hacking » de ses meubles (détournement par les fans de l’usage initial prévu pour un meuble), un engagement spontané mal compris par l’entreprise, alors que la communauté s’est créée autour de ses produits. IKEA a depuis changé son regard, en créant des meubles faits pour être « hackés », et en faisant même de cette pratique un art, exposé dans leur musée suédois.
Vers une vision durable et authentique des communautés de marque
Une vraie communauté de marque n’est pas un simple outil marketing. Elle naît et prospère lorsqu’une marque réussit à cultiver un sentiment d’attachement, des interactions régulières et un engagement sincère. Elle n’est pas nécessairement synonyme de passion dévorante pour le produit ou la marque, mais de valeurs partagées, de collaboration et d’un échange mutuellement enrichissant. Les marques qui s’en saisissent intelligemment créent une relation durable avec leurs clients, bien au-delà de la transaction.
À l’heure où l’impact et la qualité priment sur le volume et la superficialité, il est temps de repenser la notion de communauté de marque, non comme une fin en soi, mais comme un levier puissant pour tisser un lien authentique entre la marque et ceux qui la font vivre.
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