Des lave-linge aux fours, l'IA se concrétise aussi dans le gros électroménager
L’intelligence artificielle se développe dans les lave-linge, fours et autres réfrigérateurs. Outre apporter de nouveaux bénéfices concrets aux utilisateurs, elle pourrait permettre de redonner de la valeur au marché, toujours en berne en France.
Véronique Yvernault
\ 18h00
Véronique Yvernault
Les enjeux
- S’il intégrait déjà des capteurs et de la connectivité, le GEM franchit un nouveau palier avec l’IA qui optimise ses appareils.
- Pas de techno pour la techno, les bénéfices apportés doivent être concrets.
- Le rôle des magasins est primordial pour faire connaître les gains apportés par l’IA au grand public.
Cette année encore, l’intelligence artificielle était la star du dernier salon IFA de Berlin. Et pas seulement sur les stands de high-tech, d’informatique ou de télécom, elle était également très présente dans les showrooms des marques du gros électroménager (GEM) avec une foultitude d’appareils plus intelligents, plus communicants et plus autonomes.
« L’IA est devenue une importante thématique de communication des fabricants, d’autant qu’elle rejoint deux autres axes forts du GEM en les améliorant : l’optimisation des performances des appareils et les économies d’énergie. Elle offre de vrais gains aux consommateurs », estime Laurent Darrieutort, directeur commercial électronique grand public, blanc, téléphonie et sourcing Fnac Darty.
Un marché français fragilisé
Un gain pour les consommateurs et, on l’espère, pour le marché, encore et toujours à la peine. Selon NielsenIQ, les ventes de blanc en France au cours du premier semestre ont reculé de 4,6 % en valeur et de 1,9 % en volume. « Cette différence s’explique par la baisse du prix moyen des produits achetés, en recul de 2,8 % pour atteindre 424 €. Cette dévalorisation résulte principalement de l’essor des marques de distributeurs et des produits d’entrée de gamme », développe Alexandre Wifvesson, consultant senior chez NielsenIQ.
Alors que les labels d’enseigne représentent aujourd’hui environ 40 % des volumes écoulés, les produits « no-name » se développent. « Le GEM était jusqu’alors relativement épargné mais, depuis deux ans, nous assistons à une montée de l’importation en Europe de produits lourds venant d’Asie », confirme Michel De Siqueira, directeur général de Miele France. Une tendance qui devrait prendre de l’ampleur avec l’actuelle guerre des droits de douane entre les États-Unis et la Chine… et fragiliser encore le marché français, déjà le plus mauvais élève au niveau européen où, selon NielsenIQ, l’ensemble du GEM pointe en croissance de 5 % en valeur sur le premier semestre dernier.
Les chiffres
- 2,54 Mrds € : le CA du gros électroménager en France entre janvier et fin juin 2025
- -4,6 % : l’évolution en valeur
- -1,9 % : l’évolution en volume
- -2,8 % : l’évolution du prix moyen (à 424 €)
- 18,5 % : le poids des appareils connectés dans les ventes en valeur au cours du premier semestre 2025 (+1,9 point versus premier semestre 2024)
- 700 € : le prix moyen d’un appareil de gros électroménager connecté
Source : NielsenIQ
Pas d’effet instantané sur les ventes
Ce décalage tricolore provient de plusieurs facteurs, comme le blocage ces dernières années du marché de l’immobilier, pénalisant lourdement les appareils encastrables, auparavant moteur de croissance pour le GEM et désormais en dégringolade (- 9 % en valeur au premier semestre, contre - 1,7 % pour la pose libre), mais aussi de l’instabilité politique depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024 qui, aujourd’hui encore, n’incite pas les Français à se lancer dans des achats importants. « Depuis trois ans, c’est la descente aux enfers au niveau des ventes… Et comme le marché français du blanc est très mature, il est en sablier : l’entrée de gamme et le premium se portent mieux que le milieu de gamme, particulièrement en souffrance. Pour s’en sortir, il faut innover et ajouter de nouvelles fonctionnalités aux appareils », expose Hervé Ollien, président de BSH France (Bosch, Siemens, Gaggenau…).
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L’IA pourrait-elle être ce nouveau relais de croissance ? « Ce ne sera pas aussi immédiat que ce que l’on constate aujourd’hui en informatique où les consommateurs se rééquipent pour pouvoir bénéficier des nouvelles fonctionnalités IA, mais elle va redonner de la valeur au blanc », assure Laurent Darrieutort. Un sentiment partagé par Laurent Cours, directeur des études et des statistiques du Groupement des marques d’appareils pour la maison (Gifam) : « L’IA commence à s’étendre dans le blanc et, même si tous les consommateurs ne sont pas technophiles, cet élargissement des gammes fait que chacun pourra y trouver son compte. »
En clair, si, contrairement aux smartphones et à l’informatique, l’IA ne déclenchera pas l’achat d’un nouveau réfrigérateur ou lave-linge – la première motivation étant, en GEM, de remplacer un appareil ne fonctionnant plus ou n’étant pas adapté à un nouveau logement –, elle permettra d’orienter les consommateurs vers un produit mieux-disant et, donc, plus valorisé.
Simplifier – encore plus – l’usage
Mais l’IA offre-t-elle vraiment un saut technologique pour le GEM qui, depuis de longues années, propose des appareils truffés de capteurs et autres programmes intelligents ? « Il est vrai que certaines technologies, ainsi que la connectivité des appareils, existaient déjà. Mais l’IA fait franchir à notre industrie un nouveau palier », répond Anthony Bosc, directeur du marketing du groupe Beko Europe (Beko, Whirlpool, Indesit…).
« Certes, le terme est un peu galvaudé car on le voit partout, mais l’IA permet à nos produits d’être plus précis dans leurs fonctions : qualité des performances, économies d’énergie, durabilité des appareils, facilité d’utilisation, gain de temps… Elle offre des bénéfices concrets », renchérit Fabien Seingier, directeur commercial de LG France. Et simplifie encore la vie des utilisateurs, un credo porté notamment par Samsung. « Fin 2024, nous avons lancé notre nouvelle signature, Ça ne va pas se faire tout seul ? Si. L’IA nous fait passer un cap car, grâce à notre écosystème complet, les appareils deviennent des assistants personnels », s’enthousiasme Monia Fekih, directrice marketing home appliances du constructeur coréen.
« L’IA offre des gains concrets aux consommateurs, notamment en termes d’économie d’énergie, de confort d’utilisation et de maintenance des appareils. »
Laurent Darrieutort, directeur commercial électronique grand public, blanc, téléphonie et sourcing Fnac Darty
De fait, grâce à l’IA, toutes les fonctionnalités classiques des appareils sont améliorées : du programme de lessive calculé au plus fin selon l’analyse du type de linge, du poids, du degré de salissure, de la dureté de l’eau et de la marque de lessive utilisée, à la recommandation de menus en fonction des aliments présents dans le réfrigérateur, leur date de péremption, le temps disponible pour cuisiner et les goûts des convives, en passant par le four capable de reconnaître l’aliment disposé dans sa cavité, son volume (et donc son poids) pour proposer le mode de cuisson idoine…
Les applications pour faciliter le quotidien sont nombreuses. Mieux, les appareils pouvant communiquer entre eux, le lave-linge peut prévenir le sèche-linge quand il a bientôt terminé son cycle afin que ce dernier se prépare à prendre le relais, ou la plaque de cuisson commander à la hotte de s’enclencher. Le tout en calculant au mieux la consommation d’eau et d’énergie nécessaire pour effectuer la tâche demandée ou en s’enclenchant selon les heures où l’électricité est la moins chère ou la plus verte.
Former les vendeurs
Si la connectivité permettait déjà de mettre à jour ses appareils, de les piloter à distance, de vérifier leur consommation d’énergie ou d’identifier les éventuelles pannes, l’IA va plus loin en rendant les machines apprenantes. « Elles sont capables de comprendre et de s’adapter, en ajustant le temps de cuisson du four si la dernière pizza était trop cuite, par exemple », illustre Christophe Salmon, directeur général d’Haier France.
L’IA peut aussi réaliser de la maintenance prédictive, précieuse en GEM lorsque l’on sait que plus d’une panne sur deux est due à un défaut d’entretien. Et, grâce à l’IA générative, les appareils deviennent conversationnels. « Plus besoin de boutons pour enclencher son lave-linge ou son four : il suffit de parler à l’appareil qui peut poser des questions pour définir au mieux son programme », décrit Damien Neymarc, directeur marketing de Hisense France, qui, dans ses nouveaux modèles, conserve tout de même des commandes manuelles pour ne pas trop déstabiliser les consommateurs habitués à manipuler boutons et molettes. « La clé de l’IA est de faciliter le quotidien, pas de faire de la techno pour la techno. Au final, elle deviendra invisible dans les appareils car le consommateur n’a pas besoin de savoir que c’est de l’IA », affirme Rémy Journé, directeur général d’Hisense France.
« L’IA commence à s’étendre dans le blanc et, même si tous les consommateurs ne sont pas technophiles, cet élargissement des gammes fait que chacun pourra y trouver son compte. »
Laurent Cours, directeur des statistiques et des études du Groupement des marques d’appareils pour la maison (Gifam)
Mais, en attendant que l’IA s’installe complètement dans les habitudes, il faut bien la faire connaître auprès du grand public. Si les fabricants mettent l’IA et ses bénéfices concrets en avant dans leur communication, notamment sur le Net, devenu la pierre angulaire du parcours d’achat des clients en GEM, le rôle des magasins physiques, toujours largement majoritaires dans les ventes du secteur, est primordial. C’est pourquoi Fnac Darty a lancé l’an dernier un vaste plan de formation à l’IA visant ses vendeurs en magasins mais également ses équipes au siège. « Nous avons même mis en place une certification IA. Les clients sont enthousiastes à propos de cette nouvelle technologie mais se posent aussi beaucoup de questions, notamment concernant le respect de la vie privée et la confidentialité des données », observe Laurent Darrieutort.
Le groupe réfléchit également, en partenariat avec Samsung, à la création d’un espace IA Samsung regroupant toutes les gammes qui utilisent l’écosystème de la marque. Il sera lancé en test ce mois d’octobre, d’abord à la Fnac avant d’être étendu à Darty. « Nous aussi utilisons l’IA en interne pour nos prédictions de commandes, pour enrichir notre site web ou pour nourrir la refonte de notre offre de gros électroménager chez Darty », poursuit le directeur commercial du groupe. Cette refonte sera visible, en test, dans un magasin de la région parisienne dès la fin de cette année.
Samsung transforme les appareils en assistants personnels
Lors du dernier salon IFA de Berlin, le constructeur coréen a mis en avant les nouvelles fonctionnalités dopées à l’IA de son électroménager avec un stand très théâtralisé autour des bénéfices : économies d’énergie, meilleure alimentation ou encore le soin de soi et des autres.
Ainsi, le réfrigérateur est capable de mettre son moteur en veille durant les périodes où son utilisateur est au travail ou dort, de proposer des recettes en fonction des ingrédients disponibles et de leur date de péremption, mais aussi d’envoyer une alerte à une personne proche s’il n’a pas été ouvert depuis une durée anormale. On peut alors même activer à distance l’aspirateur robot qui pourra faire le tour du logement et, grâce à sa caméra, vérifier que tout va bien.
Hisense donne la parole aux machines
Discuter du menu du soir avec son réfrigérateur ? C’est désormais possible : Hisense apporte de nouvelles fonctionnalités IA à ses appareils comme ses nouveaux modèles de froid intégrant l’assistant culinaire Dish Designer. Il suffit de prendre en photo ses ingrédients ou son ticket de caisse du supermarché et d’indiquer ses préférences culinaires, le temps disponible, les éventuelles contraintes alimentaires (allergies, régime…) pour disposer d’une recette à suivre pas à pas avec même un visuel, généré par IA, du plat une fois cuit. Tout peut se faire via une interface ou simplement en parlant à son appareil. Une fonctionnalité vocale qui se retrouve également sur d’autres machines comme des fours et lave-linge.
BSH préserve intelligemment les ressources
Le groupe allemand BSH (Bosch, Siemens…), toujours très en pointe sur les économies d’énergie, a lancé Smart Start, un nouveau dispositif accessible via son application Home Connect, permettant de lancer automatiquement son lave-linge en fonction des heures de disponibilité des énergies renouvelables ou des tarifs d’électricité.
Doté de capteurs, l’appareil ajuste son cycle pour le meilleur lavage et reconnaît la marque de lessive et d’assouplissant, une fois leur code barre scanné sur l’application, pour délivrer précisément les doses idoines selon le poids, la nature du textile et le degré de salissure. Les appareils plus anciens mais disposant déjà de la connectivité Home Connect peuvent être mis à jour pour bénéficier des dernières fonctionnalités.
Beko Europe rend ses appareils apprenants
Si Beko Europe, entité née de la fusion de Beko et de Whirlpool en Europe en 2024, embarquait déjà des capteurs intelligents dans ses appareils, notamment avec le 6ème Sens de Whirlpool, le groupe franchit un palier avec sa technologie SensorAdapt qui, non seulement analyse la quantité et le degré de saleté de la vaisselle pour adapter en temps réel le programme de lavage, mais retraite également toutes ces données à chaque utilisation pour encore mieux ajuster les paramètres du lavage.
Le groupe a aussi mis au point la nouvelle fonctionnalité AdaptiveWash pour ses lave-linge Whirlpool : accessible depuis l’application HomeWhiz, elle permet à l’utilisateur de donner son « feedback » sur le résultat du lavage pour que la machine s’adapte au mieux à ses attentes. Cette fonction sera déclinée en froid et en sèche-linge l’an prochain.
Cet article est issu de l'édition du 25 septembre 2025
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