Lactalis annonce un milliard d’euros d’investissements industriels d'ici à 2030 pour moderniser ses sites français
À la veille deSPACE, le salon international de l’élevage à Rennes, le groupe Lactalis dresse le bilan de son premier semestre 2025. Sur un marché laitier mature, l’industriel affiche une croissance de 1,4 % en volume et renforce sa stratégie d’investissement autour de la modernisation, de l’innovation et de la décarbonation de ses 69 sites français.
Sylvie Lavabre
\ 10h52
Sylvie Lavabre
Malgré un environnement difficile, marqué par la pression des marchés internationaux et le contexte climatique, Lactalis maintient un rythme soutenu d’investissements. "Nous avons tout fait pour dynamiser la filière laitière, dans un marché sous tension, marqué par des guerres commerciales, des incidents climatiques et quelques maladies, explique Jean-Marc Bernier, directeur général de Lactalis France. Nous avons maintenu nos investissements à hauteur de 195 millions d’euros en 2025, soit une hausse de 25 % par rapport à 2019, et nous prévoyons d’investir un milliard sur les quatre prochaines années".
Cet effort industriel portera à la fois sur la modernisation des outils de production, l’augmentation des capacités, mais aussi sur l’innovation et la décarbonation, avec un objectif de réduction des émissions de 33% à horizon 2033. Parmi les projets déjà engagés figurent une nouvelle ligne de production à Bouvron (Loire-Atlantique), un transtockeur à Clermont (Oise), l’extension de l’atelier Petit Basque à Larceveau (Pyrénées-Atlantiques), une nouvelle ligne de crème dessert à Bayeux (Calvados) ou encore un nouvel atelier de préparation à L’Hermitage (Ille-et-Vilaine). Ces projets ont aussi favorisé l’emploi local, avec 860 recrutements en CDI depuis janvier.
Croissance en volume et innovations soutenues par du marketing
Alors que le marché français des produits laitiers recule de 0,3 % en volume depuis le début de l’année, Lactalis affiche une croissance de 1,4 % au premier semestre 2025. Les fromages restent dynamiques, portés par la montée des usages culinaires à chaud. L’ultra-frais progresse également grâce à des offres répondant à une double attente de plaisir et de praticité. Le lait, bien que globalement en recul, voit la marque Lactel gagner des parts de marché grâce à Vita’Vie, classée meilleure innovation 2025 selon Nielsen IQ.
Les marques du groupe continuent par ailleurs à tirer leur épingle du jeu en grande distribution. "Le camembert Président a été la première référence hors produits liquides à être le plus achetée en 2025, avec un chiffre d’affaires de 16,5 millions d’euros", souligne Jean-Marc Bernier. Lactalis propose plus de 6 000 références de produits laitiers et continue d’innover avec une centaine de nouveautés chaque année. Les lancements récents, comme Leerdamer Pop et Crousti ou les mozzarellas Galbani aux herbes, ciblent les nouveaux usages et les tendances de la cuisine maison. Cette stratégie d’innovation est renforcée par un soutien marketing conséquent : 100 millions d’euros investis en publicité en 2025 (+3 % par rapport à 2024), 2 000 opérations commerciales par an et une force de vente de 400 personnes sur le terrain.
Accompagnement des producteurs et recentrage stratégique
Depuis l’adoption en 2024 d’une nouvelle formule de prix, le premier collecteur de lait en France avec 5 milliards de litres de lait collecté, poursuit sa politique de revalorisation. "En 2025, nous avons payé le lait 8 % plus cher qu’en 2024", précise Fabien Choiseau, directeur des approvisionnements laitiers France. L’augmentation représente en moyenne 35 euros de plus pour 1 000 litres, plaçant Lactalis parmi les mieux-disants du marché. La stratégie de recentrage sur les PGC France et l’export se traduit également par une politique de réduction progressive des excédents de collecte (450 millions de litres d’ici 2030).
"En Europe, nous perdons des parts de marché. De plus en plus de produits laitiers sont importés par les distributeurs, comme de la crème UHT ou de l’Emmental. Nos concurrents étrangers cherchent à exporter en France quitte à vendre moins cher", alerte Fabien Choiseau. Depuis 2024, Lactalis accompagne les producteurs concernés par la baisse des volumes, avec des solutions de reprise identifiées par un cabinet indépendant. Près de 200 des 290 producteurs ont déjà trouvé une alternative, et le groupe se dit confiant pour finaliser la transition d’ici août 2026. Parallèlement, plus de 8 000 éleveurs ont déjà bénéficié de la prime RSE lancée en mars 2025, pour un montant de 6 millions d’euros versés sur des critères environnementaux.
Des négociations commerciales sous tension
Malgré les bons résultats, l’industriel se montre prudent à l’approche des discussions commerciales 2026. "Nos clients nous demandent de plus en plus de négocier à l’international des produits réalisés en France. Ce n’est pas normal", regrette Jean-Marc Bernier. Des signaux récents, comme les déclarations de Michel-Édouard Leclerc à la Fête de l’Humanité, évoquant son souhait de « faire sauter la loi Egalim », renforcent les incertitudes autour du cadre de négociation entre industriels et distributeurs.