La petite taxe de l'ombre
Le sénateur Alain Milon est à l'origine de la taxe de 0,1% sur les produits cosmétiques. Les fonds récoltés financeront la « cosmétovigilance » de l'Afssaps. Mais le secteur ne prend pas la nouvelle avec le sourire.
Pour Noël, au pied du sapin, un joli cadeau a enchanté le secteur des cosmétiques. Non pas offert par le Père Noël, mais par le Parlement. Sous l'emballage : une nouvelle taxe, légèrement compliquée et encore peu connue des acteurs du marché. Ses conséquences se veulent plus symboliques que malheureuses. Mais elle est bien là. Depuis le 1er janvier de cette année, la première vente en France de produits cosmétiques est taxée à hauteur de 0,1%.
C'est pourtant simple !
Une simple ligne dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2012, guère plus. L'amendement, proposé par le sénateur Alain Milon, et déjà présenté en 2009 et en 2010, mais jamais adopté, a vu le jour. Tous les cosmétiques, sans exception, sont touchés. Son but? Financer la « cosmétovigilance » - la surveillance et l'analyse des effets indésirables des cosmétiques - réalisée par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), « par souci d'équité vis-à-vis de l'industrie des médicaments », explique Alain Milon. En réalité, le chemin des billets est plus complexe.
Après le scandale du Mediator, des voix se sont levées contre le mode de financement de l'Afssaps, réclamant son indépendance face à l'industrie pharmaceutique. Des discussions tendues ont alors eu lieu entre les différentes chambres du pouvoir, notamment sur la transition des fonds. Jusqu'en 2011, l'Afssaps était financée en majorité par diverses taxes sur les médicaments. C'est ici que l'histoire se complique. Dorénavant, ces impôts iront directement dans les tiroirs de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam). Pour pallier la différence - les coffres nationaux étant trop vides -, l'État prélèvera 53% de la TVA issue de la vente des lunettes perçue par la Cnam. Simple comme bonjour ! En retour, l'État, via le vote d'un budget annuel, financera l'Afssaps directement, posant ainsi la première pierre de son indépendance vis-à- vis des laboratoires. L'impôt sur les cosmétiques venant s'ajouter aux taxes pharmaceutiques.
« Aucun revenu »
Depuis 2004, l'Afssaps étend son action à « l'évaluation de la qualité et de la sécurité d'emploi des produits cosmétiques », la « cosmétovigilance ». Elle analyse les effets indésirables graves déclarés par les professionnels de santé. Activité qui sera renforcée, en juillet 2013, par décret européen, en incluant les industriels et les distributeurs dans le processus. « Or [l'agence] ne reçoit, à ce titre, aucun revenu, alors que les médicaments sont imposés à son profit », argumente Alain Milon. C'est donc pour financer cette mission publique que tout fabricant ou importateur de produits cosmétiques reversera 0,1% de son chiffre d'affaire hors taxes à la Cnam, lors de sa déclaration de TVA, au 31 mars de l'année en cours.
En parallèle, il la communiquera aussi à l'Afssaps afin que celle-ci la prenne en compte lors de sa demande de budget annuel. En effet, il serait inapproprié que le produit de cette imposition se destine à autre chose que la « cosmétovigilance »... « Au total, la taxe s'élèvera, chaque année, à 10 millions d'euros, explique Anne Dux, directrice des affaires scientifiques et réglementaires, chargée des relations européennes pour la Fédération des entreprises de la beauté (Febea). Mais le service de " cosmétovigilance " de l'Afssaps ne traite que 200 cas par an, et représente, en termes d'emploi, une seule personne, à mi-temps ! » Le monde de la cosmétique s'interroge alors sur le bien-fondé de cette disposition.
« L'activité cosmétique de l'Afssaps s'élève largement à ce niveau d'investissement », estime pour sa part Alain Milon. Le rôle de l'agence ne se limite pas à la simple étude de cas : commissions, rapports, enquêtes... « Nous avons également une mission de surveillance des produits mis sur le marché », ajoute l'organisme. Mais le secteur reste dubitatif. Il craint que son pécule ne soit employé, via une complexe tuyauterie fiscale, à renflouer les caisses de l'État. « Face à cette remarque, je ne peux qu'invoquer la confiance en la Cnam », rétorque le sénateur.
Peu de répercussion sur le marché
À hauteur de 0,1%, les effets sur le marché ne seraient pas gigantesques. S'il faut s'attendre une hausse des prix, elle ne serait que de l'ordre de 2 centimes pour un produit à 20 €. Les distributeurs arrondiront-ils à la dizaine supérieure ? La forte dynamique concurrentielle du secteur et l'aspect central du facteur prix dans les préoccupations pour 2012 laissent peu présager d'une inflation. Dans ce cas, les demandes de prêt et la rentabilité de certaines PME, sans doute les plus touchées, pourraient être remises en cause. Mais, de par sa faible importance quantitative, c'est la création même de cet impôt qui inquiète le plus. « Il est plus facile d'augmenter une taxe que de la mettre en place », s'inquiète Anne Dux. La Febea redoute un accroissement régulier du pourcentage. Même si les taxes pharmaceutiques pour l'Afssaps n'ont jamais été modifiées depuis leur instauration.
De bonne foi
La symbolique affecte également le secteur. En effet, si la volonté de la loi est de financer la « cosmétovigilance », le circuit de l'imposition est clair. L'argent tombera directement dans les caisses de l'assurance maladie, reliant directement le produit cosmétique à un produit de santé.
D'autre part, cette mesure peut avoir un effet sur les importations du secteur. Car, note Anne Dux, « la France étant le seul pays européen à avoir mis en place une telle taxe », les entreprises étrangères regarderont à deux fois avant d'y exporter leurs produits.
Si 45 000 E d'amende sont prévus en cas de manquement, la taxe se révélera sans doute difficile à contrôler. Pour une industrie qui ne fabrique que des cosmétiques, c'est assez simple. Mais l'examen se montrera plus ardu pour une entreprise, productrice ou importatrice, dont les cosmétiques ne constituent qu'une partie du portefeuille. « Personne ne possède de liste exacte des contribuables pour les produits cosmétiques », révèle Anne Dux.
Son bon fonctionnement ne repose alors que sur la bonne foi des déclarations des personnes concernées. Rien à déclarer ?
Mode d'emploi
- Tous les ans, au 31 mars de l'année en cours, l'entreprise s'acquitte auprès de la Cnam du montant de la taxe, lors de la déclaration de sa TVA. - L'assiette est calculée sur la somme des premières ventes hors taxe en France de produits cosmétiques. Les produits destinés à l'export ne sont pas pris en compte. - La taxe s'élève à 0,1 % de l'assiette. - L'entreprise déclare à l'Afssaps le montant de l'impôt versé afin que cette dernière puisse le prendre en compte lors de sa demande annuelle de budget.
Chiffres
10 M € La somme annuelle qui devrait être récoltée 219 Le nombre de dossiers étudiés par la commission de «c osmétovigilance » de l'Afssaps en 2010
Sources : Febea, Afssaps
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