Alexandra Ferré (Yves Rocher) : "Nous cherchons sans cesse des solutions qui ne dégradent pas l’expérience client"
Directrice RSE et impact d’Yves Rocher, Alexandra Ferré nous confie sa vision du métier et fait le point sur les chantiers de l’enseigne.
Lisa Henry
\ 09h00
Lisa Henry
LSA - Pourquoi le mot « impact » a-t-il été ajouté à votre intitulé de poste ?
Alexandra Ferré - Le sigle RSE est souvent associé à la compliance, au reporting. Lorsque nous avons créé ce poste, nous voulions que ses missions aillent au-delà de cet aspect. Le mot « impact » représente notre volonté d’aller un cran au-dessus du respect de la réglementation afin d’avoir une influence positive sur toute notre chaîne de valeur. Pour moi, il est primordial de lier les deux facettes du métier.
Vous opérez au niveau de l’enseigne Yves Rocher et non du groupe, pourquoi avoir dissocié les deux directions ?
A. F. - Ces deux entités ont un socle commun : l’ambition d’avoir un impact positif sur toute la chaîne de valeur. Mais chaque marque s’exprime dans son propre territoire, car elles opèrent toutes dans des contextes très différents. Yves Rocher œuvre pour une beauté naturelle efficace et engagée depuis soixante-cinq ans. Pour nous, il était donc primordial d’avoir une direction RSE propre, qui siège au comité de direction du groupe.
La réduction des déchets compte parmi vos axes de travail prioritaires. Comment vous êtes-vous attaquée à ce chantier ?
A. F. - D’abord, nous avons évalué la matérialité de notre impact. Cela signifie voir où nous générons le plus de déchets et lesquels ont l’impact environnemental le plus important. Ensuite, nous avons évalué la faisabilité technique, car il existe des déchets que nous ne pouvons pas éviter. Nous avons commencé par les suremballages, car ils sont facilement évitables.
À l’inverse, la catégorie hygiène a représenté un véritable défi. Puisque 50 % de nos emballages sont en plastique et que l’hygiène est vendue en volumes importants, nous devions trouver des solutions qui n’altèrent ni les produits, ni l’expérience client. C’est dans ces situations que nous travaillons en étroite collaboration avec les équipes R & D, qui cherchent à transformer ces points d’interrogation en solutions.
Concrètement, comment cela s’est-il traduit ?
A. F. - Nous avons deux innovations qui résument nos problématiques. La première est le gel douche solide, qui se présente comme un pain de savon, mais sans savon. Ainsi, nous lions les vertus d’un produit solide, sans bouteille en plastique et sans excès d’eau, aux vertus non astringentes, et plus agréable qu’un savon, à l’image d’un gel douche traditionnel. Ensuite, nous avons presque supprimé le bouchon en plastique de nos crèmes hydratantes, le remplaçant par une technologie similaire mais bien plus fine.
L’expérience client ne change pas, mais cela nous offre la possibilité de diminuer drastiquement l’emballage. Les gammes solides nous ont permis de réduire notre consommation de plastique de 74 tonnes et l’entièreté de nos initiatives de 195 tonnes en 2024, soit 16 à 19 piscines olympiques !
Les chiffres
- 1,1 Mrd € : le CA 2024, à + 2,4 %
- - 30 % : la réduction visée des plastiques mis sur le marché en 2030 (vs 2019),- 13 % atteint à fin 2024
Source : entreprise
La direction RSE et impact d’Yves Rocher est donc étroitement liée à la R & D ?
A. F. - Chaque évolution de produit représente un travail colossal en matière de recherche et développement, surtout lorsqu’il s’agit d’écoconception. Notre objectif est de réduire l’impact environnemental de nos produits sans que cela n’incombe au consommateur. C’est notre philosophie chez Yves Rocher, nous pensons que les clients n’iront pas vers des articles responsables si leur quotidien en est dégradé. Nous devons proposer le meilleur des deux mondes, donc nos deux directions sont nécessairement liées.
Votre modèle repose majoritairement sur de la franchise, cela complique-t-il l’adoption des innovations par les entrepreneurs qui pilotent les boutiques ?
A. F. - Au début c’était le cas, mais je tiens à dire que nos partenaires ont toujours été des entrepreneurs engagés. Nous les rencontrons chaque année lors d’une convention. À cette occasion, nous avons la possibilité de leur présenter nos nouveaux projets et innovations. Il y a toujours une part de pédagogie à avoir lorsque l’on détaille de nouvelles gestuelles mais, de manière globale, nos partenaires en magasins les attendent, justement. C’était notamment le cas en ce qui concerne la recharge et les produits solides. Aujourd’hui, nous sommes leader sur la recharge, cela nous confère un avantage commercial certain.
Être marque et distributeur constitue donc un atout ?
A. F. - Indéniablement, c’est justement pour cela que nous voulons capitaliser sur le modèle Yves Rocher au maximum. Nous sommes maîtres de notre expertise et de notre engagement dans nos magasins. Cela vaut largement le temps et l’investissement déployés.
Cela se ressent à travers des projets très concrets comme la consigne, nous avons testé le dispositif dans trois de nos magasins qui comptent environ 70 000 clientes, et avons pu évaluer directement l’impact de la démarche.
Vous avez donc pu tester certains dispositifs qui ont échoué en GMS, comme le vrac…
A. F. - Nous avons en effet essayé d’installer des distributeurs de produits en vrac. Je ne dirais pas que ça a été un échec, mais plutôt un apprentissage. La loi Climat et résilience confère de plus en plus de place à cette manière de consommer, mais c’est assez compliqué à mettre en place. Je pense que nous avons voulu expérimenter trop tôt, beaucoup d’aspects du vrac sont encore perfectibles.
Par exemple, les articles moussants sont assez communs dans notre offre. La moindre goutte de ces articles à nettoyer transforme le magasin en soirée mousse. Nous sommes très attachés au fait que les solutions écoconçues ne se présentent pas comme un obstacle à la gestion d’une boutique Yves Rocher pour nos équipes. C’est justement lorsque les offres plus responsables ne sont pas vues comme des contraintes, mais un avantage compétitif et engagé, que les experts en magasins les poussent aux clients.
Son parcours
- Janvier 2019 : Alexandra Ferré entre dans le groupe Rocher au poste de chargée de projet développement responsable.
- Juin 2019 : elle devient responsable programmes RSE et B Corp du groupe. Elle restera plus de trois ans à ce poste.
- 2022 : Alexandra Ferré prend le poste de directrice impact et RSE d’Yves Rocher. Ce statut lui confère une place au comité de direction.
- 2025 : elle devient vice-présidente du Club des Pépites, une association de jeunes professionnels de la transition écologique.
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