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Éviter l’exploitation des terres agricoles et la souffrance des animaux en cultivant des cellules de viande en laboratoire est théoriquement possible. Mais la belle entrecôte de synthèse n’est pas pour demain !
Daniel Bicard
\ 10h14
Daniel Bicard
- 19 % des Français déclarent leur intérêt pour la viande synthétique
C’est peut-être la tendance alimentaire la plus «rétrofuturiste » : concevoir une viande 100 % élaborée en laboratoire ! Et pourtant, même si l’entrecôte ou la bavette de synthèse ne sont pas encore pour demain, la technique est maîtrisée. Et nous verrons que des sociétés françaises misent dessus.
Mais plus que le « comment », se pose le « pourquoi » faire de la « viande artificielle » ou « viande de culture », voire issue « d’agriculture cellulaire », selon les différentes dénominations de ses promoteurs ? Ils y voient la seule issue possible pour une filière de l’élevage conventionnel arrivée au bout de sa logique. D’un côté, l’essor de la démographie fait exploser la demande. Et de l’autre, la planète n’a plus la capacité à accroître ses surfaces d’élevage dans les proportions nécessaires. « On estime que la Terre comptera plus de 9 milliards d’habitants en 2050, chiffre Sghaier Chriki, chercheur à l’Institut supérieur d’agriculture Rhône-Alpes (Isara). Tandis que nos ressources en terres arables sont limitées », l’élevage mobilisant déjà 70 % des surfaces agricoles. Reste que « la hausse du niveau de vie va généralement de pair avec une augmentation de la consommation de produits d’origine animale, détaille Nicolas Morin-Forest, PDG et cofondateur de la start-up Gourmey. L’humanité devrait consommer entre 200 et 300 millions de tonnes de protéines animales en plus d’ici à 2050. »
Réveil des consciences
Autre argument de poids. « La filière élevage pollue !, complète Sghaier Chriki. Elle est responsable de 14,5 % de la production de gaz à effet de serre, notamment pour nourrir les animaux. » Une nouvelle éthique réveille aussi les consciences. « Désormais, le citoyen se préoccupe de bien-être animal, continue Sghaier Chriki, et n’accepte plus les souffrances infligées par des pratiques d’élevage telles que claustration, castration des porcs, écornage de veaux, etc. »
Alors, comment substitue-t-on au bovin ou à la volaille en élevage parfois intensif un bioréacteur de labo ? Des cellules souches, prélevées sur des œufs ou par biopsie sur des animaux vivants, sont placées dans un milieu de culture ayant les nutriments nécessaires et prolifèrent en créant de la fibre musculaire. Cette méthode de culture en « environnement contrôlé », exempt de tous germes, revendique l’absence d’antibiotiques, dont l’usage dans l’élevage a favorisé la résistance des bactéries infectieuses, jusqu’à l’homme.
Cependant, « le résultat de la culture n’a rien à voir avec l’aspect et la composition d’une viande qui est un muscle maturé, détaille Sghaier Chriki. Il manque à cette structure le collagène, les nerfs, les vaisseaux sanguins, les tissus adipeux, la myoglobine, etc. qui font précisément la viande. » Pour aboutir à une « simili-viande », il faut donc additionner à cette base les exhausteurs pour le goût, le safran ou le jus de betterave pour la couleur, l’apport de fer… afin de se rapprocher au mieux de l’original. L’autre voie, plus réaliste, est d’exploiter ce substrat protéique plutôt comme ingrédient dans d’autres recettes que comme vrai substitut de viande.
D’autant « qu’il ne faut pas exagérer le rejet de la viande en France, tempère Xavier Terlet, directeur général du cabinet ProtéinesXTC. La branche extrême des militants végans représente moins de 1 % de la population, et les végétariens 3,5 %. Quand les flexitariens, plus motivés par la notion de plaisir et d’équilibre, sont entre 30 % à 40 %. Au plaidoyer d’une “viande sans animal”, je préfère l’idée d’une offre… à côté. On peut diminuer sa consommation au profit d’autres protéines à base de soja ou de légumineuses. »
Foie gras sans gavage
C’est précisément la voie d’une « viande ingrédient » qu’a choisie Vital Meat, fondée fin 2018, avec pour actionnaire majoritaire le groupe Grimaud, expert dans la sélection génétique animale, ayant développé des lignées cellulaires de poulet. « À partir de cette espèce, qui est mondialement la plus compatible avec les diverses cultures, nous n’élaborons pas une “viande à l’identique”, mais une base qui en apporte la matrice, le goût, la qualité nutritionnelle dans des recettes alternatives pouvant intégrer d’autres composants, explique Étienne Duthoit, son président. Nous voulons développer un ingrédient premium, et une marque, qui apparaîtrait en label de recettes élaborées. »
Le pari de Gourmey, lancé en avril 2019 après deux ans de mise au point, est plus osé puisqu’il s’agit d’un « foie gras de culture ». « Si nous osons ce défi, c’est pour montrer que la viande de culture peut aussi offrir des produits d’excellence, justifie Nicolas Morin-Forest. Cette méthode de production ne nous permet pas seulement de produire des saucisses ou des burgers, mais aussi de concevoir des “objets culinaires” capables d’entrer par la porte de la gastronomie. »
De plus, selon un sondage OpinionWay de 2017, 58 % des Français se disent favorables à l’interdiction du gavage des oies et canards. Et les trois quarts préféreraient un foie gras obtenu sans ces méthodes. Gourmey puise dans l’œuf des meilleures espèces de canards à foie gras, telles que le mulard, pour cultiver ce qui devient une cellule de foie avec les nutriments et le gras végétal, qui reconstituent la formule et le goût de l’original. La start-up trouve des alliés dans les écoles d’art culinaires et chez les jeunes chefs progressistes. « Nous avons travaillé l’assaisonnement et la texture pour aboutir à deux formules, en bocaux ou en escalopes à poêler. Avec un rendu tel que des chefs cuisiniers n’ont pas réussi à distinguer gustativement notre recette d’un foie gras conventionnel. »
Le temps de satisfaire au corpus réglementaire de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), les productions de Vital Meat ou de Gourmey ne seront pas commercialisables avant trois à cinq ans. Mais « tout comme la voiture s’est affranchie de l’animal en continuant pourtant de nous déplacer, j’ai l’intime conviction que la viande de culture trouvera sa place dans nos assiettes, même si c’est d’abord aux États-Unis ou en Asie plus ouverts à cette idée, avant qu’on l’adopte en France… », assure Étienne Duthoit.
- La planète n’a plus les disponibilités en terres agricoles pour accroître les capacités d’élevage en proportion de la demande en produits carnés des populations émergentes.
- Une éthique du bien-être animal se fait jour, rejetant certains principes de production et d’abattage.
- La « pièce de viande » inscrite dans notre culture gastronomique n’est pas universelle.
LSA Databoard
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