Tout le dossier Tout le dossier
-
Consommation
Interview de Maximilien Rouer (cofondateur, porte-parole et directeur du développement - La Note globale) : "Le progrès sociétal est un champ de coopération
-
Etudes de consommation
Les Français attentifs aux conditions d'élevage
-
Consommation
Les entreprises se mobilisent en faveur du développement durable
-
Consommation
Un guide pour aider à manger sainement
-
Consommation
Les marques s'engagent pour le made in France
-
Consommation
Les échanges de données, une question de confiance
-
Consommation
Quand la bienveillance se transforme en bonus
Interview de Maximilien Rouer (cofondateur, porte-parole et directeur du développement - La Note globale) : "Le progrès sociétal est un champ de coopération
Née en 2018 dans l’esprit des États généraux de l’alimentation, Ferme France, devenue depuis La Note globale, est une association à but non lucratif qui notela performance sociétale des produits selon six grands enjeux. Sa vocationest d’être un outil collectif de progrès pour les acteurs économiques et un repère pour les consommateurs. Entretien avec son porte-parole, Maximilien Rouer.
Yves Puget
\ 00h00
Yves Puget
LSA - Comment cette idée de La Note globale est-elle née ?
Maximilien Rouer - En tant qu’entrepreneur engagé depuis plus de vingt ans, j’avais initialement accompagné des entreprises une à une pour qu’elles améliorent leurs impacts. Constatant l’évolution des enjeux de société, qu’ils soient sanitaires, environnementaux ou sociaux, il est apparu nécessaire de changer d’échelle et de passer au collectif. Deux démarches ont inspiré La Note globale : tout d’abord celle de l’étiquette énergie de l’électroménager, qui a réellement transformé les filières et les comportements des consommateurs, et, ensuite, celle de Citeo, qui a su faire travailler l’ensemble des parties prenantes de l’emballage pour une amélioration continue de ceux-ci. La combinaison de ces éléments a fait germer cette idée de Ferme France qui, par la suite, est devenue La Note globale. C’est un repère pour les consommateurs pour mieux acheter, et un outil de progrès pour les acteurs économiques afin de choisir les meilleures actions et les valoriser.
Dès le départ, nous avons voulu créer une association loi 1901 à but non lucratif pour objectiver ce qui est vraiment fait dans la chaîne de production des aliments. Il faut arrêter de penser que la marque peut encore défendre seule son intérêt. Il est important aujourd’hui d’intégrer tous les acteurs de la chaîne de production. Il faut que les entreprises ne se promeuvent pas seules, mais ensemble, qu’elles ne s’organisent pas seulement par regroupements d’intérêts au sein de fédérations ou de chaînes de valeur, mais aussi plus largement au sein d’un écosystème complet. Présidée à son lancement par François Attali, ancien directeur marketing stratégique de Terrena, l’association est aujourd’hui présidée par Anne Vandenbossche, agricultrice des Hauts-de-France, vice-présidente de la coopérative Unéal et du groupe Advitam.
Avez-vous été suivis rapidement ?
M. R. - Au départ, il y a eu neuf entreprises pionnières (Advitam, Auchan, Flunch, Fleury Michon, Intermarché, Moët-Hennessy, Sodebo, Soufflet, Terrena, NDLR). Puis, très rapidement, d’autres organisations nous ont accompagnés. Aujourd’hui, parmi nos adhérents, nous comptons des organisations de producteurs agricoles comme la Fédération nationale porcine ou l’Association générale des producteurs de blé. Des groupes coopératifs comme Advitam, Cooperl, InVivo, Sodiaal, Terrena. Des entreprises agroalimentaires telles que Fleury Michon, Sodebo, Soufflet, LSDH, Lactalis, Lesieur, Savencia… Des distributeurs comme Auchan, Carrefour, Intermarché, Système U. Mais aussi des restaurants, comme Flunch, des artisans tel le MOF Frédéric Jaunault, des experts et des start-up (API Agro, Afnor Certification, Business France, l’Institut national de la consommation, GS1, Citeo, Miimosa, ScanUp, TheGreenData…). Des acteurs de l’amont agricole comme Ajinomoto, et, bien sûr, des ONG et des associations : Pour une agriculture du vivant, Bleu- Blanc-Cœur, Demain La Terre, Nouveaux Champs… C’est cet écosystème complet et engagé qui fait la force de notre démarche.
Comment votre référentiel est-il fabriqué ?
M. R. - Il s’agit d’une performance collective. Plus de 200 réunions de coconstruction ont été nécessaires, ayant regroupé aussi bien des agriculteurs, des industriels et des distributeurs que des associations. Ils sont tous venus pour mettre sur la table l’ensemble de leurs actions et nous avons partagé ces multiples actions avec chacun des acteurs de la chaîne de valeur. C’est ainsi que nous sommes arrivés à un référentiel structuré en 6 enjeux, 40 objectifs et 91 leviers d’actions, applicables pour chacun des maillons. Les actions doivent être « smart » (chacune est Spécifique, Mesurable, Atteignable, Réaliste et Temporellement définie, NDLR), et ne sont retenues que celles qui ont le plus d’impact sur les enjeux et qui sont les plus duplicables. Ce travail effectué, il a été important, ensuite, de définir des niveaux de performances qui permettent d’attribuer des notes. Quatre niveaux ont été retenus, avec un niveau 1 accessible à 80 % des acteurs et un niveau 4 réalisé par seulement 5 à 10 %. Vous imaginez le travail colossal qui a été fait pour s’entendre sur ce qui vaut 1 et ce qui vaut 4 avec une telle diversité d’intervenants, souvent concurrents, autour de la table ! Ce furent des milliers d’heures de travail avec une règle simple : il fallait répondre aux enjeux… avec consensus. Et nous avons réussi !
Et maintenant vous impliquez les consommateurs…
M. R. - Oui. Car, pour nous, il est fondamental d’obtenir leur reconnaissance. Nous avons la conviction qu’il est essentiel qu’ils s’impliquent dans les choix et les actions des filières, afin de mieux les connaître et de recréer une relation de confiance et de responsabilité partagée entre eux et les acteurs économiques. Notre démarche doit être totalement collective et inclusive. Nous avons donc utilisé plusieurs panels. C’est ainsi qu’ils nous ont dit que les consommateurs ne s’y retrouvent plus dans le foisonnement des labels et qu’ils veulent un outil global qui soit multi-enjeux et multiproduits. Ils veulent quelque chose d’aussi simple que le prix de vente, une indication des qualités invisibles des produits. Cet invisible, c’est La Note globale, qui traduit la réalité du produit. La Note globale propose un indicateur de performance globale des produits alimentaires qui répond à tout ce qui compte pour les consommateurs, tout ce sur quoi les acteurs qui fabriquent les produits agissent. Soit six enjeux : la nutrition & la santé humaine ; la traçabilité & la transparence ; le respect de l’environnement ; le bien-être animal ; l’origine, l’équité & la contribution à l’économie française ; et la responsabilité sociale des entreprises. Cela permet aussi aux acteurs de la filière de pouvoir s’évaluer et de progresser sur l’ensemble des attentes sociétales. Les consommateurs ont aussi dit préférer une note sur 100, moins réductrice et simpliste qu’une note sur 10.
Finalement, nous avons réussi le premier pari qui est d’avoir fédéré l’écosystème autour de l’initiative. Puis, le deuxième qui est de bâtir un référentiel à la fois multicritères et multimaillons pour chaque catégorie de produits. Le troisième pari est d’être reconnu par les consommateurs. C’est pourquoi nous venons de signer une alliance avec Consommateur & Citoyen. Ce dispositif a été créé dans le prolongement de l’action engagée par C’est qui le Patron ?!. Son projet est de coconstruire des produits avec des consommateurs. Il dénombre plusieurs dizaines de milliers de consommateurs. Il s’agit d’une alliance. Nous restons indépendants et le travail avec Consommateur & Citoyen va prendre plusieurs formes, tout d’abord une vérification indépendante et aléatoire par les consommateurs via le jury citoyen de la solidité des informations fournies par les entreprises, un dialogue sur notre référentiel et son évolution, et d’autres projets permettant de faire évoluer au service de tous la qualité de l’alimentation en France.
Vous allez également travailleravec Num-Alim…
M. R. - La légitimité institutionnelle de La Note globale viendra sans doute d’un nouveau type d’alliance. Là aussi, nous ne comptons pas travailler seuls. La Note globale est donc devenue sociétaire de Num-Alim, la métabase de données de confiance des produits alimentaires. Nous allons enrichir Num-Alim tout autant par notre référentiel, qui devient un standard de notation, que par les données structurées issues des notations des produits. La Note globale ne parle pas des attributs visibles des produits, comme les grammages ou les ingrédients. Ces éléments sont visibles sur les produits et seront compilés dans Num-Alim sans notre aide. En revanche, nous traitons les attributs invisibles, liés au développement durable, et qui sont de plus en plus déterminants dans le choix des consommateurs. Nous allons donc contribuer à compléter cette métabase de données en apportant l’invisible des produits, à savoir les réponses aux grandes questions des consommateurs sur comment le produit a été fait. Cette alliance va bien évidemment contribuer à notre développement.
À quelle vitesse votre déploiement va-t-il ?
M. R. - Notre développement est très rapide. Aujourd’hui, une soixantaine de produits pionniers portent déjà notre Note globale quelques mois seulement après la validation de notre référentiel. Notre objectif est d’arriver à 4 500 pour le prochain Salon de l’agriculture, qui se tiendra en février 2021. Pour accélérer, notamment auprès des PME et TPE, nous allons sélectionner des correspondants régionaux. Ils seront là pour aider les petites structures à intégrer La Note globale.
Ne craignez-vous pas la concurrence de toutes les initiatives déjà en place ?
M. R. - Nous agissons pour la convergence et la cohérence des initiatives visant à améliorer la performance sociétale d’un produit. De fait, avec l’esprit d’ouverture et d’inclusion de La Note globale, toute nouvelle démarche peut s’intégrer et être valorisée dans notre référentiel. Pour preuve, le Franco-score d’Intermarché est en cours d’intégration par La Note globale. C’est-à-dire que nous sommes en train de regarder si nous pouvons évaluer l’origine française des matières premières et des produits en se basant sur l’algorithme du Franco-score plutôt que d’inventer une autre méthode d’évaluation de l’origine France. De la même manière, le Nutri-score est un référentiel fort utile pour notre démarche car il permet de faciliter la notation sur une partie de l’enjeu santé-nutrition : un produit qui a, par exemple, une note Nutri-score B obtient un certain nombre de points sur un levier d’actions de l’enjeu nutrition & santé de La Note globale. Plus de 80 étiquettes, démarches ou labels nationaux ou internationaux ont été intégrés dans le référentiel. C’est bien la force de La Note globale de se nourrir et de nourrir les démarches qualité et de ne pas tout réinventer. Le progrès sociétal n’est pas un marché concurrentiel mais un champ de coopération.
N’y a-t-il pas un risque que chaque industriel note ses meilleurs produitset, au final, que tout le monde obtienne une bonne note ?
M. R. - Oui, dans un premier temps. Et alors ? L’important est avant tout que le plus grand nombre d’entreprises nous rejoignent et que de plus en plus de produits soient notés. Si cela peut créer de l’émulation, c’est parfait. La Note globale deviendra la référence et chacun aura intérêt à jouer la transparence avec les consommateurs, comme c’est devenu très vite le cas pour l’étiquette énergie des réfrigérateurs par exemple.
Peut-on donc en déduire qu’il s’agit avant tout d’un outil interne ?
M. R. - Pas « que », mais indéniablement. La Note globale est aussi un outil de management du progrès des produits et de motivation interne. Il y a bien l’outil derrière l’outil. Certains de nos adhérents sont avec nous pour l’outil de progrès. Pour eux, l’étiquette de La Note globale est la cerise sur le gâteau. Je préfère dire que c’est un cercle vertueux pour faire évoluer positivement et ensemble les modes de production, de transformation et de distribution et les habitudes d’achat des citoyens. Nous signons d’ailleurs cette ambition par la campagne #AgirEnsemble.
Êtes-vous uniquement sur le packaging ? Quid des applications digitales ?
M. R. - La Note globale génère des données qui ont vocation à être valorisées en multisupports. D’ailleurs, elle est déjà sur l’application ScanUp, et sera très rapidement sur « l’appli des consommateurs », éditée par Consommateur & Citoyen, de même que sur Y’a quoi dedans ?, éditée par Système U, et potentiellement demain derrière toutes les applications d’information des consommateurs. Les applis vont d’ailleurs permettre à chaque consommateur de personnaliser La Note globale. Cependant, à ce jour, l’emballage reste l’outil de choix des consommateurs. En effet, 90 % d’entre eux veulent une information rapidement perceptible sur le produit. Les deux médias se complètent.
Pouvez-vous nous expliquerquel est votre système de contrôle ?
M. R. - Le système de contrôle de La Note globale est le plus complet et exigeant du marché. Il s’exerce sur l’ensemble de la chaîne de production et fonctionne à trois niveaux. Afnor Certification a conçu les méthodologies d’évaluation, afin de garantir que chacun des adhérents est traité de manière équitable et que chaque note correspond bien au réel. Commence alors le process de validation. La première étape est l’auto-évaluation de chaque acteur à son niveau. L’agriculteur à la ferme, le transporteur dans le camion, l’industriel à l’usine, le commerçant dans son magasin. Chacun s’auto-évalue via le référentiel de notation, disponible via une interface digitale. Les données d’auto-évaluation restent confidentielles : elles ne sont pas connues dans le détail par les concurrents ou les clients, mais uniquement par l’association. Les résultats de calcul de la note sont eux, par contre, publics. La deuxième étape est l’évaluation par un tiers (l’organisme de certification), mandaté par l’entreprise. Il s’assure que personne n’a triché, et que tout le monde est noté à la même enseigne. La troisième étape est la validation aléatoire de la note par un consommateur volontaire participant au jury citoyen, formé au référentiel. Des consommateurs iront eux-mêmes vérifier que les actions sont réelles dans les usines ou les fermes. À terme, nous voulons monter un jury de 100 000 citoyens par an. Pour le constituer, nous allons nous appuyer entre autres sur l’association des consommateurs de Consommateur & Citoyen. L’objectif est d’organiser la coresponsabilité sur les filières, par les apprentissages mutuels qui ne vont pas manquer de se créer.
Et comment la note va-t-elle évoluer dans le temps ?
M. R. - Pour une catégorie de produits, un groupe de travail dédié à cette catégorie planchera tous les trois ans pour voir s’il faut faire évoluer le référentiel ou le maintenir. Mais pendant ce temps-là, un industriel peut aussi faire évoluer ses pratiques. Donc, tous les ans, un metteur en marché peut demander une évolution de sa note en fonction de l’évolution de ses pratiques.
Quelle garantie apportez-vous pour éviter d’éventuelles dérives dans le futur ?
M. R. - C’est une préoccupation prise en compte par les fondateurs dès le début du projet. La Note globale est un outil au service du progrès de la société. Ce n’est pas un outil marketing. Pour ce faire, nous avons voulu un outil large qui n’exclut personne, avec cependant des lignes rouges à ne pas franchir. C’est pourquoi nous avons écrit collectivement un manifeste. Il garantit notre raison d’être : dépasser les clivages et les intérêts particuliers, faire travailler ensemble acteurs économiques, citoyens et parties prenantes et proposer un repère aux consommateurs pour mieux acheter. C’est un outil de progrès pour les acteurs économiques pour choisir les meilleures actions et les valoriser. Et pour rassurer les éventuels sceptiques, La Note globale s’appuie sur un fonctionnement transparent, apolitique et aconfessionnel. Chacun y assume sa part de responsabilité tout en étant animé par la volonté de consensus. Le collectif est éclairé par un comité éthique et, demain, par un comité scientifique, dont les regards extérieurs permettront d’identifier les sujets émergents, de lever les freins aux consensus et de garantir rigueur et collégialité.
Propos recueillis par Yves Puget

LSA Databoard
Retrouvez les indicateurs de la consommation et du retail pour suivre les évolutions de vos secteurs.
Je découvrePARCOURIR LE DOSSIER