Drives: proposer l'offre la plus juste
Faut-il se contenterd’une offre courte mais toujours disponible, avec les blockbusters, oud’un assortiment le plus large possible, quitte à devoir jongler avec une gestion plus compliquée ?
Morgan Leclerc
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Morgan Leclerc
- 14.2% : le taux moyen de ruptures en drive en 2020
- Présenter un assortiment suffisant à des consommateurs toujours plus exigeants.
- Proposer plus de non-alimentaire.
- Étendre l’offre existante par une marketplace.
- Cibler des familles plus valorisées, et pas toujours bien représentées dans l’assortiment.
Qu’il s’agisse d’un mouvement de fond ou d’une nouvelle donne entraînée par la pandémie et le basculement express de nouvelles catégories, notamment non alimentaires, l’heure est en tout cas à augmenter l’assortiment global du drive. Une fois que le pli a été pris, difficile de revenir en arrière au risque de décevoir les consommateurs séduits par ces nouvelles offres. « La progression de l’e-commerce s’annonce durable car il répond aux attentes, par sa praticité, la sécurité qu’il procure, et son assortiment qui a augmenté de 15 % en 2020, avec de plus en plus de produits et de catégories », explique Patrick Clément, directeur du développement de Birds Company, et spécialiste du drive.
Les disparités restent cependant nombreuses en fonction des modèles déployés, chacun ayant ses avantages et ses défauts. Si le picking magasin, par exemple pratiqué chez Cora, permet d’avoir plus de 35 000 produits disponibles sur le drive en moyenne, il ne permet pas de connaître l’état des stocks au moment de la commande et se révèle donc plus exposé aux ruptures. À l’inverse d’un entrepôt dédié, à l’offre plus courte, qui permet, lui, une vision en temps réel des disponibilités, et limite drastiquement les manquants. Mais avec un investissement autrement plus important.
Hausse du panier moyen
Les 14 adhérents du Star Drive, entrepôt de préparation mutualisé d’Intermarché à Neuilly-sur-Marne (93), au sud-est de Paris, ont par exemple limité leur assortiment à 9 000 références, éventuellement complétées en magasins par l’offre des rayons à services. « Car, avec cet entrepôt, on réalise 95 % de notre chiffre d’affaires drive, les 4 000 autres références qu’on peut trouver dans un drive tournent assez peu », nous expliquait Jean-François Soudais, adhérent de l’enseigne et un pilote du projet lors de notre reportage (LSA n °2631-2632). Chez Carrefour, la plate-forme de préparation de commandes du Plessis-Pâté (91) livre les drives de l’enseigne, au sud de Paris, sur la base de 15 000 produits alimentaires, soit l’équivalent d’un supermarché.
Paul Pageau, adhérent E. Leclerc à Saint-Brice-Courcelles (51), en périphérie rémoise, qui exploite l’un des plus importants drives de France avec 24 pistes et 38 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020, a son idée sur la question, en termes d’élasticité. « Il y a un lien établi, qui est que plus on met d’offre disponible, plus le panier moyen augmente. Si le client veut quelque chose, c’est à nous de faire en sorte qu’il l’obtienne. » Résultat, l’entrepôt dédié à ce drive occupe 4 800 m² pour 19 300 références, soit quasi le double de la jauge moyenne d’E. Leclerc.
Lors du premier confinement, au printemps 2020, puis en novembre dernier, lors de la fermeture des rayons jugés non essentiels, les gestionnaires de drives y ont basculé en quelques jours une partie du non-alimentaire (textile, décoration, jardin, jouets, etc.). Depuis, une fraction de cette offre est devenue pérenne, avec, une nouvelle fois, un effet cliquet et un retour en arrière qu’il sera difficile de mener. Pour gérer l’appétence vers une offre plus fournie, certains utilisent des voies désormais classiques dans l’environnement e-commerce. C’est le cas chez Casino, où l’on met aussi les bouchées doubles sur l’assortiment, qui a fortement augmenté ces derniers mois (en partant de loin) et bénéficie de l’apport d’une marketplace depuis peu pour couvrir des offres de PME, ou des références plus pointues, qui ne font pas partie du catalogue traditionnel. Une solution également employée par Carrefour et Intermarché.
Attention à la rupture
Mais si proposer toujours plus d’offre est, sur le papier, l’assurance de satisfaire le client, du point de vue du distributeur, cela revient à tenter de résoudre la quadrature du cercle. Dans la formule du picking, l’offre reste limitée à celle du magasin. En entrepôt, la place est aussi comptée. Et le versant négatif d’une offre trop conséquente est, si elle est mal gérée, d’augmenter fortement le taux de rupture. « En matière d’e-commerce, ce taux a beaucoup grimpé lors du premier confinement, et il est resté assez élevé sur les dernières périodes, même si, avec le temps, les drives ont appris à mieux gérer cette donnée », souligne Emily Mayer, directrice business insights d’Iri.
Alcool et beauté
Or, afficher trop de ruptures est de nature à disqualifier l’enseigne. « C’est l’un des irritants majeurs pour les shoppers. Cela entraîne un manque à gagner, car tout le monde ne propose pas de substitution, et à la longue une perte de clients, qui sont lassés de ne pas trouver ce qu’ils veulent. C’est la double peine, en termes de chiffre d’affaires et de fidélité », résume-t-elle. « Le point noir du drive, c’est la rupture, avec un taux moyen de 14,2 %. Mais c’est logique, on a doublé le nombre d’utilisateurs en quelques mois, l’adaptation du circuit prend du temps, et nombre d’enseignes doivent trouver des solutions logistiques », tempère ainsi Patrick Clément.
Une solution plus simple à mettre en œuvre est d’identifier les poches de valorisation en ciblant les catégories sous-représentées. Iri pointe ainsi le potentiel des marques de PME, très demandées par les clients, et sur lesquelles le drive est moins-disant. La catégorie beauté, où les marges sont très intéressantes, est aussi sous-représentée, tout comme l’alcool. Selon le panéliste, un assortiment plus universel, et qui reproduit plus fidèlement les magasins, est une clé majeure. Ainsi, « les drives les plus performants proposent une offre hygiène-beauté et alcool beaucoup plus significative », observe Iri. Et que dire du frais traditionnel, dont le poids dans l’e-commerce des grandes surfaces est inférieur de moitié à celui enregistré dans les hypers et supermarchés ?
Pour améliorer la volumétrie, élément clé de l’équation économique du drive, la réflexion sur les unités de besoin doit être poussée. En complément du format unitaire ou de la référence « de base », les gestionnaires ne devraient pas hésiter – pour ceux qui sont encore frileux – à arbitrer vers des multipacks ou des formats vraiment plus importants, plutôt que d’encombrer leurs stocks avec des références intermédiaires, aux rotations trop limitées. L’intérêt d’une telle démarche est de raisonner en termes de coût marginal de préparation de commandes (inchangé), couplé à une augmentation mécanique du panier moyen.
Mais un autre facteur s’invite dans ce chantier de l’offre, car les grands équilibres pourraient bouger plus vite que prévu. Avec l’afflux de nouveaux consommateurs en drive depuis un an, le profil des clients a évolué, avec plus de seniors et de célibataires, et diffère du modèle familial jusqu’ici classique du format. Ce qui implique parfois de faire face à des demandes de conditionnements différents par rapport aux habitudes initiales. Nécessitant parfois de recalibrer l’offre. Un travail éternellement remis sur l’ouvrage.




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