E.Leclerc, Intermarché et Système U : vents nouveaux sur les achats

Des changements sont à l’œuvre aux achats chez E. Leclerc, Intermarché et Système U. Pour des raisons diverses qui tiennent à la nature même des négociations, qui évolue, ou à des modifications de stratégies ou de personnes.

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E.Leclerc, Intermarché et Système U : vents nouveaux sur les achats
En quelques semaines, les directions achats des trois distributeurs indépendants français ont connu des mouvements d’ampleur inégale.
Un contexte bouleversé…
  • Entrée en vigueur d’Egalim 2 et de la sanctuarisation du prix de la matière première agricole pour certains produits.
  • Renégociations pour tenir compte de la forte inflation actuelle et des tensions d’approvisionnement sur certains produits.
  • Besoin d’être plus réactif vis-à-vis des promotions et de l’activation commerciale.
  • Surveillance renforcée, de la part des autorités compétentes, du périmètre des centrales d’achats.
  • Nécessité de redonner de l’élan aux discussions entre enseignes et industriels.
… et des mouvements concrets
  • La fin annoncée de l’alliance aux achats Envergure (Carrefour-Système U) à l’issue des négociations 2023.
  • La recherche de profils de plus en plus spécifiques pour les fonctions d’acheteurs.
  • Un renforcement des équipes commerciales chez plusieurs distributeurs.

Est-ce l’effet du hasard ? Ou de la conjoncture, avec une inflation galopante ? Toujours est-il qu’en quelques semaines, les directions achats des trois distributeurs indépendants français ont connu des mouvements d’ampleur inégale. Ce qui n’est pas sans conséquences pour les industriels, ces trois groupements représentant un peu plus de la moitié des ventes de PGC en France (très exactement 22,8 % pour E. Leclerc sur la P5, 16,5 % pour l’ensemble Intermarché/Netto et 11,1 % pour Système U). Les situations sont différentes d’un acteur à l’autre, avec pour le Galec la nécessité de remplacer un directeur commercial parti depuis plusieurs mois. Chez Intermarché, la perte régulière de terrain après une belle performance les années précédentes explique peut-être un remaniement aux achats.

Chez Système U, le mouvement est plus radical, et traduit la volonté de maîtriser l’ensemble de la chaîne de valeur. Ainsi, le 14 juin, le président de U, Dominique Schelcher, a annoncé que la collaboration aux achats en France avec Carrefour, matérialisée depuis fin 2018 par la création de la centrale commune Envergure, ne serait pas renouvelée à l’issue des négociations 2023. La justification en a été donnée dans un message interne adressé aux associés : « La situation économique entraîne de profonds bouleversements qui amènent à des évolutions en profondeur de notre stratégie commerciale. Dans ce contexte, les discussions avec les industriels doivent être globales, portant à la fois sur la négociation tarifaire, la politique d’animation promotionnelle et les stratégies catégorielles, alors que les approches sont séparées dans le cadre du partenariat actuel. »

Un important industriel partage ce constat : « Acheter sans avoir la main sur la promo et la maîtrise de la valeur, ça n’a plus de sens. Aujour­d’hui, ce qui compte, encore plus quand on a 12 % de part de marché comme U, c’est de bien vendre, de bien servir ses clients. » Pour Système U, cette rupture annoncée est donc l’occasion de reprendre en main « le destin de la totalité de ses négociations ». Une décision qui, par ricochet, fera certainement plaisir au médiateur des relations commerciales.

Ce dernier a en effet pointé que le déroulement des médiations dans le cadre des négociations 2022 avait fait apparaître « des préoccupations » sur le périmètre d’intervention des deux centrales Envergure (Carrefour-Système U) et Auxo (Casino-Intermarché), avec des interrogations sur l’opportunité d’inclure pour ces centrales des PME ou des ETI qui n’ont rien à voir, en termes d’activité et de poids, avec les multinationales visées par ces regroupements. « Il est donc recommandé pour 2023 de fixer ce périmètre en se fondant sur des critères objectifs qui ­devraient être rendus publics avant le dépôt des CGV » a complété le médiateur.

Remplir les rayons à tout prix (ou presque)

La toile de fond de ces négociations renvoie par ailleurs l’image d’un domaine qui génère une insatisfaction mutuelle élevée. C’est en tout cas l’analyse effectuée par Advantage Group qui a réalisé une évaluation des rapports distributeurs/industriels dans le monde. Un travail au terme duquel la France apparaît comme le pays où cette relation est la plus mauvaise. Et rien n’indique à court terme une amélioration, tant les facteurs de tension se sont multipliés. Avec l’inflation de retour à un niveau très élevé, le temps long des négociations semble – en tout cas c’est la volonté – révolu. L’urgence étant de remplir les rayons, plus que de se battre sur les prix (dans les limites du raisonnable). « Une des clés en période d’inflation, c’est la disponibilité des produits, être capable d’avoir la marchandise au bon moment et d’augmenter l’offre d’entrée de gamme via notre marque Simpl », indiquait ainsi Rami Baitiéh, directeur général de Carrefour France, lors du Congrès des stratégies de l’offre organisé par LSA le 18 mai. Il parle en connaisseur pour avoir dirigé et ­redressé Carrefour Argentine, pays confronté à une hyper­inflation chronique.

Tout le paradigme de la négociation est en train d’évoluer ultrarapidement. Dont le pilier de la promotion. « Or la promotion, c’est la rentabilité de la distribution », souligne un industriel pour qui, avec l’inflation, « les budgets alloués à la promotion vont être taillés, notamment dans les PME. La quote-part moyenne pourrait passer de 20 % des ventes sous promo aujourd’hui à 15 % dès la rentrée, voire 10 % si les renégociations des hausses de tarifs se passent mal. Cela veut dire des marges en moins. Il va être clé d’avoir des acheteurs et des responsables marchandises à la hauteur de ces enjeux… », poursuit-il.

Au sein du Galec, autrement dit le groupement d’achat E. Leclerc, le poste de directeur commercial vient d’être repris par Théodore Sabran, ex-directeur commercial de Mondelez pour la France, suite au départ, il y a quelques mois, de Bertrand Nomdedeu. Ce remplacement présente une continuité dans le profil du nouvel arrivant, avec une forte coloration industrielle. Avant de rejoindre E. Leclerc, Bertrand Nomdedeu avait effectué un long parcours chez Procter & Gamble puis General Mills. Quant à Théodore Sabran, en passant de l’autre côté de la barrière, nul doute qu’il saisisse (et connaisse) les enjeux de la négociation.

Intermarché cherche la relance

Chez les Mousquetaires, la donne est différente, mais la direction des achats vient aussi d’être agitée de secousses avec le départ de Stéphane Sinopoli, le monsieur achats du groupement. Après des années de gains de part de marché, et une accélération marquée de la progression entre 2019 et 2021, Intermarché perd désormais du terrain. Serait-ce là l’origine de ce départ ? Difficile de savoir s’il a été motivé par la direction ou par l’intéressé, qui visiblement n’étaient plus sur la même longueur d’onde.

La direction commerciale est reprise par un autre adhérent, Jean-Philippe Sassi. Présent chez les Mousquetaires depuis 2011, le propriétaire du magasin d’Oncy-sur-École (91) est déjà rodé à la négociation et aux PGC, avec différents postes aux achats occupés précédemment et, avant son arrivée dans la distribution, un ­parcours dans l’audit et le conseil. Un profil qui lui donnera peut être des idées innovantes, alors qu’Intermarché a besoin de remettre du dynamisme dans son modèle commercial. Le chantier est ouvert, puisque Vincent Bronsard, le président d’Intermarché et de Netto, vient d’annoncer dans un courrier interne l’adaptation de l’organisation commerciale de la branche alimentaire et son renforcement « en mobilisant 11 nouveaux adhérents ». Tout en scindant la direction commerciale, avec une direction PGC-FLS et non alimentaire, et une autre dédiée aux produits frais traditionnels. Car, à une feuille de route déjà dense, s’ajoute désormais « le contexte de marché inédit que nous connaissons, avec des records d’inflation et des fondamentaux de marché bousculés, qui a évidemment ­rajouté une charge de travail encore plus importante sur nos équipes commerciales », écrit aussi ­Vincent Bronsard.

Et cela n’est pas fini car Gwenn Van Ooteghem, actuel directeur commercial (permanent) d’Intermarché et Netto, et ex-bras droit de Stéphane Sinopoli, doit devenir, d’ici à septembre, directeur général adjoint des deux enseignes, puis DG tout court dans un délai qui reste flou (à la place de Claude Genetay censé, lui, prendre un magasin), libérant de fait une place. Le mercato est loin d’être terminé.

La France bonnet d’âne de la relation commerciale
Advantage Group est une société canadienne qui étudie les relations d’affaires entre fournisseurs et distributeurs. Elle effectue tous les ans, dans 45 pays, une étude sur la perception qu’ont les industriels des distributeurs, et inversement.
De quoi dresser un tableau, dans lequel la France apparaît comme très en retard sur ce sujet, et qui correspond aux commentaires entendus de la part de nombreux fournisseurs lorsqu’il s’agit d’évoquer, en particulier, les négociations commerciales.
« En France, par rapport aux autres pays du monde, les distributeurs évaluent plus négativement les industriels sur l’alignement stratégique, la logistique, la profitabilité et la construction d’une relation de confiance. Les industriels évaluent encore plus négativement les distributeurs sur une relation profitable mutuelle, l’efficacité décisionnelle et la logistique. Nous constatons aussi qu’en France, depuis trois ans, la collaboration et sa perception n’évoluent pas, à la différence de beaucoup d’autres pays où la situation s’améliore », explique à LSA Christophe Bouyé, directeur France d’Advantage Group.

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