Petit Navire, Fleury Michon, Florette... Pourquoi investir dans leurs usines devient nécessaire pour ces industriels ?
Sur un marché du frais en croissance, les acteurs du frais non laitier redoublent d’efforts sur le plan industriel pour rester compétitifs et continuer de répondre à la demande des consommateurs en matière de durabilité, de diversité mais aussi d’innovation.
Charlotte Barriquand
\ 09h00
Charlotte Barriquand
Le contexte
- Le marché des produits frais est plus résilient que l’ensemble des PGC et parvient à maintenir, voire à développer légèrement ses ventes par rapport à l’année dernière.
- Des ventes tirées par la volaille, qui apparaît comme une protéine accessible, et le traiteur, qui fait également partie des familles du frais non laitier parmi les plus dynamiques, soutenu par un renouvellement de l’offre.
- Alors que les volumes reviennent, les industriels du secteur doivent plus que jamais continuer d’investir dans leurs outils pour rester compétitifs et encore générer de la croissance.
Colosse des produits de grande consommation, le frais non laitier en libre-service tire son épingle du jeu dans un contexte de fin de hausse des prix, où le chiffre d’affaires des PGC « ne parvient plus à se développer et décline légèrement », analyse Sarah Sasso, consultante de Circana. À l’inverse des autres rayons, ce secteur, qui pèse lourd (24,3 milliards d’euros), affiche de ventes en légère hausse de 0,3 % en valeur, mais un bond de 2,4 % en volume en CAM à P4 2025.
Cela s’explique par la bonne santé de ses différents segments, en particulier celui de la boucherie LS (1,8 milliard d’euros, à + 2 %), de la volaille (2,7 milliards, à + 1,7 %) et du traiteur (8,6 milliards, à + 1,5 %), qui sont les plus dynamiques avec respectivement des croissances en volume de 5,5 %, 3 % et 4,3 % sur la période.
« La volaille se détache notamment par la popularité et l’attractivité prix de cette protéine », commente Sarah Sasso. Un constat que confirme l’industriel LDC. « Le marché se porte très bien, avec une consommation en hausse de 5 à 8 % chaque année. C’est aujourd’hui la viande la plus consommée en France, devant le bœuf ou le porc », souligne Stéphane Sallé, directeur général du pôle volailles chez LDC (Maître Coq, Le Gaulois…).
Une nécessité stratégique
Dans ce contexte d’engouement et face à une concurrence européenne – en particulier polonaise, alors qu’un poulet consommé en France sur deux est importé, selon l’Anvol (Association nationale interprofessionnelle de la volaille de chair) –, investir devient une nécessité stratégique.
Pour être à la hauteur de ses ambitions, LDC a annoncé 350 millions d’euros en 2025 (308 millions en 2024), concentrés sur la volaille, le traiteur, la filière amont et l’international. Objectif : augmenter ses capacités, notamment sur l’amont avec une enveloppe de 30 millions d’euros en 2025. « Nous connaissons une tension sur les volumes des œufs. Pour pallier cela, l’objectif est d’investir dans la construction de sites dédiés à l’accouvage », détaille Bruno Mousset, directeur général du pôle amont chez LDC.
Des poussins qui serviront ensuite au pôle volailles, où les financements sont plus importants : 200 millions d’euros sur trois ans pour accélérer sur les « poulets du quotidien » et les panés « anatomiques » (le morceau de poulet tel quel, non broyé puis reconstitué, avec de la panure), un segment en forte progression. « Trois lignes sont en construction, une à Sablé-sur-Sarthe et deux autres en Bretagne », indique Stéphane Sallé. L’objectif global est d’augmenter les capacités d’environ 800 000 poulets par semaine sur ces trois sites.
Les chiffres
- 24,3 milliards d’euros : le chiffre d’affaires du frais non laitier libre-service (LS), à + 0,3 %(+ 2,4 % en volume)
Dont :
Source : Circana, CAM au 27.04.2025, tous circuits GMS
Savoir rester force de proposition
Cette stratégie de montée en puissance de LDC ne concerne pas que la volaille. Elle s’étend aussi au pôle traiteur, autre pilier du groupe, où les investissements sont réguliers d’environ 40 millions d’euros par an. À Briec (29), la marque Marie a inauguré une ligne de plats cuisinés, tandis que l’emballage des box de pâtes est en cours de mécanisation. Un effort partagé par d’autres industriels, tel Fleury Michon. « Pour anticiper les crises et rester leader, il faut investir en étant compétitif et force de proposition », note Jean-Michel Lerat, directeur du site de Mouilleron-Saint-Germain (85), spécialisé dans les plats cuisinés.
Un montant de 120 millions d’euros sur cinq ans a déjà permis plusieurs innovations notables : le jambon sans nitrites en 2019, les plats en barquettes en bois (dont une deuxième ligne a été inaugurée en 2023 et est capable de réaliser jusqu’à 4 500 barquettes par heure, contre 3 000 pour la première) et, enfin, les tranches végétales à base de légumineuses, sorties en 2024.
Le secteur de la charcuterie n’est pas en reste. Le groupe Aoste, propriétaire de Justin Bridou, Cochonou et Aoste, mise ainsi sur un segment ultradynamique : le snacking. « Nous avons investi dans nos usines en France pour nous développer encore sur cette catégorie et augmenter nos capacités de production », déclare un porte-parole du groupe. Rien que sur ce segment, plus de 10 millions d’euros ont été engagés. D’autres projets sont en cours, notamment sur le packaging recyclable et l’optimisation des installations de froid, avec un budget estimé à plusieurs dizaines de millions d’euros.
Encore plus d’automatisation
Les produits de la mer suivent une trajectoire similaire. Petit Navire, numéro deux du saumon fumé en France et marque du groupe Thaï Union, a annoncé en avril un plan de 18 millions d’euros sur quatre ans pour son site de Quimper (29), « qui comprend l’agrandissement de 4 000 m² pour optimiser les flux et moderniser nos opérations. Il inclut l’automatisation de certaines étapes comme le désarêtage, permettant à nos équipes de se concentrer sur des missions à plus forte valeur ajoutée, énumère Alexis Jacquand, directeur général de Petit Navire. Cet investissement permettra une hausse de 30 % de notre capacité de production. » La marque veut maintenir des prix accessibles dans un contexte où le coût reste un frein à la consommation.
Du côté des fruits et légumes aussi, les investissements s’avèrent capitaux. Pour le leader du rayon 4e gamme, les enjeux sont grands. « Après des années difficiles, la salade en sachet reprend des couleurs avec des progressions allant jusqu’à 7 % depuis début 2025 », assure Agnès Porte Chapui, directrice marketing et R & D de Florette. Ainsi, les projets vont bon train et la marque du groupe coopératif Agrial dispose de 10 millions d’euros sur trois ans pour mener ses projets. « Nous avons deux grands axes. Un à propos de la performance industrielle et la maîtrise de la qualité. Puis, l’innovation et la diversification des usages et donc des gammes », ajoute la directrice.
Sur la performance, Florette a investi dans une ligne dédiée au lavage des salades 4e gamme « avec des ajustements précis du processus de désinfection pour avoir notamment un essorage le plus doux possible », détaille Céline Marteau, directrice industrielle de Florette. La marque a aussi créé en 2024 un atelier de découpe de fruits. « Avant quand nous découpions de la mangue, du kiwi ou du melon, c’était très manuel. L’idée était de tout automatiser », poursuit-elle. Un investissement qui a augmenté d’au moins 30 % les possibilités de fruits à découper pour la marque.
Investir dans le végétal
Enfin, l’univers du végétal attire de plus en plus l’attention des industriels. Chez St Hubert, un plan de 50 millions d’euros sur dix ans est en cours depuis 2024, avec un volet de 5 millions dédiés à l’amélioration énergétique. Objectif : optimiser l’unique site de Ludres (54). La dynamique végétale séduit aussi les distributeurs, à l’image d’Intermarché et des Mousquetaires qui, malgré l’annonce d’un projet de cession de huit sites industriels jugés non stratégiques, s’apprêtent à investir 250 millions d’euros sur cinq ans dans les produits bruts et végétaux.
Car malgré les signaux d’un ralentissement possible à horizon 2030, le végétal progresse toujours (+ 5 % en 2024, pour un marché évalué à 750 millions d’euros, tous circuits confondus, d’après le cabinet Xerfi). Et de nouveaux mouvements pourraient bien s’opérer. LDC, qui a récemment finalisé le rachat du traiteur végétal Pierre Martinet, promet de faire des annonces dans les six prochains mois sur sa stratégie dans ce domaine.
Florette cherche à gagner en productivité
La gamme des salades en sachets de Florette est fabriquée sur le site de Mâcon, en Saône-et-Loire.Dans l’objectif de moderniser ses outils et de gagner en productivité et en précision, le leader français des fruits et légumes prêts à l’emploi, Florette, investit 10 millions d’euros sur trois ans. En 2024, deux gros chantiers étaient à l’honneur. Un dédié à la performance industrielle, la maîtrise de la qualité et l’évolution des outils de production. Avec, par exemple, l’installation d’une ligne consacrée aux feuilles de salades les plus fragiles pour de meilleures performances et allonger la date limite de consommation.
Le second chantier portait plutôt sur l’innovation et la diversification des produits, avec notamment la création d’une ligne pour les légumes à poêler prêts à l’emploi ou encore un atelier de préparation pour les fruits découpés.
Céline Marteau, directrice industrielle chez Florette
« Nous avons investi dans une ligne dédiée au lavage de nos salades 4e gamme, avec des ajustements sur la désinfection pour avoir une maîtrise supérieure, garder nos produits sains, moins secoués, et avec un essorage le plus doux possible. »
LDC augmente fortement ses investissements
L’usine de Maître Coq à Chavagnesen-Paillers (85).
Depuis 2022, le groupe LDC a accru ses investissements. Son budget est passé de 250 millions d’euros en 2022-2023 à 308 millions en 2024, et atteindra 350 millions en 2025. Ces montants soutiennent ses trois pôles clés. D’abord l’amont, où les efforts portent sur la production et la transformation des œufs, ainsi que sur la nutrition animale. Puis la volaille, en sécurisant l’accès à la matière, avec un renforcement des capacités en découpe et en produits panés.
Enfin, côté traiteur, 10 millions d’euros ont permis de lancer une ligne de plats cuisinés, tandis que LDC mise aussi sur la mécanisation et l’optimisation des emballages. Aussi, 11 % des investissements du groupe sont dédiés à l’amélioration du bien-être animal, notamment sur la partie réception d’animaux vivants et déchargement.
Stéphane Sallé, directeur général du pôle volailles chez LDC
« Nous avons le sentiment d’être dans le bon timing avec des investissements nécessaires à l’essor de nos activités et à la conquête des parts de marché, plus un accent important sur le bien-être animal et sur les conditions de travail de nos collaborateurs. »
Petit Navire entend développer ses capacités de production
Le site de Quimper (29) est spécialisé dans le saumon fumé
Pour accompagner la hausse de ses volumes sur un marché en demande, Petit Navire, filiale française du groupe Thaï Union, a annoncé récemment investir 18 millions d’euros sur les quatre prochaines années dans son site de Quimper, spécialisé dans le saumon et les poissons fumés. L’objectif est d’améliorer les flux dans les ateliers et d’augmenter la capacité de production de 30 % du numéro deux du saumon fumé en France.
Petit Navire prévoit aussi de réduire son empreinte environnementale grâce à l’installation d’une nouvelle chaudière à gaz sur l’unité de Douarnenez, spécialisée dans les conserves de poissons, mais également en déployant une nouvelle gestion de l’eau.
Fleury Michon se veut plus responsable
Ligne de plats cuisinés à Mouilleron-Saint-Germain (85).
L’an dernier, l’ETI vendéenne a lancé sur le marché les premières tranches végétales à base de légumineuses – haricots blancs, pois chiches et lentilles corail. Un produit pratique, inédit et bien accueilli : le taux de réachat atteint près de 70 %, un score élevé pour une nouveauté. Celle-ci a été soutenue par 120 millions d’euros d’investissements sur cinq ans, destinés à l’innovation produits et à la modernisation des outils.
En 2023, Fleury Michon a investi dans une seconde ligne dédiée aux barquettes en bois pour les plats cuisinés individuels, deux fois plus performante que la première, créée en 2019, et qui représente 10 millions d’euros. La gamme compte aujourd’hui 14 recettes.
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