Sur TikTok ou Insta, les influenceuses beauté de plus en plus incontournables pour les marques
Les campagnes d'influence sont désormais une brique à part entière de la communication des marques. De plus en plus de profils ultraspécialisés permettent aux enseignes de travailler les spécificités de leurs offres. En adéquation avec leurs valeurs, le message s'est également professionnalisé.
Nicolas Monier
\ 07h00
Nicolas Monier
Les grandes tendances de l'influence beauté
- Les campagnes d'influence sont partie constituante de la communication des marques, qui ne les relèguent plus en fin de budget.
- Le catalogue des influenceurs est pléthorique et fait apparaître des profils de plus en plus experts, notamment en dermatologie.
- Les marques d'hygiène-beauté laissent une plus grande liberté aux producteurs de contenus pour ne pas parasiter le message.
Alors que le gouvernement souhaite revoir partiellement sa loi du 9 juin dernier sur les influenceurs, car critiquée par Bruxelles, nous avons voulu comprendre comment les marques, et spécifiquement celle du secteur de l'hygiène-beauté, s'étaient adaptées à ces nouveaux modes de communication. Depuis le Covid en effet, les campagnes d'influence ont pris un vrai tournant.
Chez Léa Nature, c'est aujourd'hui un levier récurrent, mais subtil. « Il a fallu nous adapter. Un discours de marque trop descendant est bien moins crédible qu'auparavant sur les réseaux sociaux. Dans un univers saturé de publicités faites par les annonceurs, le producteur de contenus aura tendance à parler de manière plus sincère et à fonctionner comme un tiers de confiance », note Clément Belliard, responsable social média chez Léa Nature.
Léa Nature parie sur l'hyperspécialisation
Pour sa marque Eau thermale Jonzac, le groupe Léa Nature a, durant l'année 2023, réalisé une opération auprès d'une trentaine de producteurs de contenus, dont certains spécialistes skincare, pour cibler, à la fois, les consommatrices et les pharmacies.
- Marque : Eau thermale Jonzac (distribuée en magasins bio, parapharmacies et pharmacies)
- Nom des influenceurs : une trentaine pour l'opération(5M de followers cumulés) dont @amoudax et @SleepingBeauty.
- Période d'activation : année 2023
- Réseau social : Instagram et TikTok
- Nom de l'agence externe : Tanke
- Montant de l'opération : entre 80 000 et 200 000 € par campagne en moyenne
Source : entreprise
Pour cibler à la fois les consommatrices et les pharmacies, Léa Nature mise sur des influenceurs spécialistes skincare, dont @amourax.
De fait, le producteur de contenus n'étant ni journaliste, ni attaché de presse, ni panneau publicitaire, les marques ont revu leurs ambitions à la hausse. « Aujourd'hui, les campagnes d'influence représentent près de 70 % de notre budget communication. Nous n'étions pas à ces niveaux ces cinq dernières années », explique Camille Ott, responsable marketing digital et communication chez Weleda France.
Des budgets annuels de plusieurs millions d'euros
Et les écarts diffèrent selon les acteurs. « Un plan d'influence en grande consommation peut aller de quelques dizaines de milliers à plusieurs centaines de milliers d'euros sur une année. Certaines marques peuvent décider de mettre en avant ce levier car c'est une stratégie désormais forte dans leur communication. Les plus gros budgets annuels français atteignent quelques millions d'euros » , précise Yannick Pons, directeur développement au sein de l'agence Reech. Alors que la campagne d'influence n'était pensée qu'enfin de stratégie globale de la marque il y a encore quelques années, tout s'est désormais débridé.
Les chiffres
- 150 000 : le nombre d'influenceurs en France
- 2 % d'entre eux gagnent plus de 50 000 € par an et 29 % moins de 1 000 €
- Pour 30% des répondants, un influenceur fait de la pub… alors qu’un créateur de contenus (pour 35%) crée et partage du contenu. La corrélation entre la représentation du métier et le nom utilisé est flagrante.
Source : Reech
- 11,2 Mrds € : le chiffre d'affaires de l'hygiène-beauté, +3,6 % en valeur, -4,6 % en unités
Source : Circana, tous circuits GMS, CAM à P12 2023
« Si l'on parvient à réfléchir tout en intégré, les contenus des influenceurs peuvent permettre de faire de la PLV en magasin, de la publicité télévisée, etc. De même, les influenceurs vont aussi pouvoir se déplacer dans les différents événements des marques », ajoute Yannick Pons. La campagne d'influence devient alors une brique incluse dans un plan plus global. C'est ce que met en avant la marque américaine Revlon. Pour sa directrice marketing Aurélie Kaskosz, si cette brique compte dans la notoriété de la marque, l'entreprise n'oublie pas qu'elle est présente en GMS : « Chez Revlon, nous avons choisi d'investir en point de vente avec des box promotionnelles, des opérations de remise différée type 10 0% remboursé, ou des bons de réduction en linéaire. »
Il faut dire que le marché de l'influence s'est considérablement développé et professionnalisé. Si l'on estime à 150 000 le nombre de producteurs de contenus en France, la catégorie hygiène-beauté est celle qui recrute aujourd'hui le plus d'influenceurs. Avec toujours plus de spécificités et d'expertises. Fini le temps de l'unique influenceuse beauté touche-à-tout.
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« On trouve aujourd'hui de nombreux créateurs de contenus qui se classent en différentes catégories en fonction de leur taille et type d'audience : nano (>10 k abonnés), micro (entre 10 k et 50 k), middle (entre 50 k et 250 k) et macro (250 k - 1 M) ou top influenceurs (>1 M). Il existe évidemment plusieurs typologies de contenus et de créateurs. Chez Maybelline New York et NYX Professional Makeup, nous choisissons de collaborer avec une squad de créateurs de contenus en fonction de nos territoires et de nos valeurs de marques. Les attentes, ainsi que la classification de nos consommatrices/teurs Maybelline New York ne sont pas les mêmes que celles de NYX Professional Makeup », remarquent Céline Deriane et Clotilde Caille, respectivement directrice générale et directrice communication et digital pour les marques américaines (Maybelline New York, NYX Professional Makeup et Essie) de L'Oréal produits grand public.
L'Oréal bluffé par une utilisatrice TikTok
Tout est parti d'une influenceuse américaine sur TikTok, qui réalise une vidéo de test du dernier mascarade Maybelline. Résultat, la frénésie d'achat déborde le groupe français, lequel se retrouve en rupture de stock quelques jours après son lancement. Un succès qui a pris de cours le groupe de cosmétique, qui, depuis, a revu sa stratégie sur les campagnes d'influence.
- Produit : Mascara Sky High (Maybelline New York)
- Influenceuse : @jessica.c.eid_ (TikTok) : 1,1 million de followers
- Période d'activation: de janvier 2021 à mars 2021
- Nom de l'agence externe : Foll-owetSparkle
- Montant de l'opération : 20 % du budget de la communication
Source : entreprise
Sur TikTok, l’influenceuse @jessica.c.eid teste le dernier mascara Maybelline (L’Oréal) auprès de ses 1,1 million de followers.
Car désormais, les marques ont la main, via un réseau d'agences spécialisées, sur un véritable catalogue de producteurs de contenus spécialisés. « Pour notre campagne sur la marque Eau thermale Jonzac, propriété de Léa Nature, nous avons fait appel à des skinfluenceurs qui sont de vrais experts en dermo-cosmétique et apportent une véritable caution professionnelle », explique Clément Belliard. Il faut donc adapter sa campagne d'influence à la cible en permettant l'identification.
Une stratégie utilisée par Revlon pour le lancement de sa dernière offre de coloration. « Nous avions, pour cette campagne, deux influenceuses et leur maman, ce qui permet de véhiculer un message transgénérationnel sur la coloration à domicile, qui peut aussi être un moment de partage et de plaisir. De même, nous avions une créatrice de contenus qui s'inquiétait devoir apparaître ses premiers cheveux blancs. Notre agence ADMS.Paris l'a contactée pour lui proposer de tester la coloration ColorStay. Une manière pour nous d'être au plus près de nos consommatrices en répondant à leurs besoins et ainsi créer un contenu authentique sur les réseaux sociaux », poursuit Aurélie Kaskosz.
Revlon cible toutes les femmes
Dans le cadre du lancement de ColorStay, la marque américaine a voulu toucher le plus de femmes françaises possible. Même si l'entreprise s'adresse aux utilisatrices d'âge mûr souhaitant teindre leurs cheveux blancs, Revlon a fait appel à des productrices de contenus plus jeunes ou jouant la carte mère/fille.
Marque et produit : Revlon (Coloration longue tenue ColorStay)
Nom des influenceuses : @chakeup : 324 000 followers, @poussine: 174 000 followers, @etdieucrea: 211 000 followers, @thethreeloves : 149 000 followers
- Période d'activation : octobre/novembre 2023
- Réseau social : Instagram
- Nom de l'agence externe : ADMS Paris
- Montant de l'opération : Entre 40 000 et 60 000 €
Source : entreprise
Pour s’adresser à toutes les femmes, Revlon privilégie la relation mère/fille dans la production de contenus.
Le pouvoir aux marques
Dans ce contexte d'ébullition créatrice, il semblerait que le message soit désormais plus important que le messager. Avec une mise en garde, que rappelle Yannick Pons, de Reech. « Il est impératif pour une marque de garder la main sur sa campagne. Il faut déterminer ce que l'on va dire avant de choisir le créateur. Il faut être en mesure de changer d'influenceur au dernier moment en créant des dispositifs de secours. » Et ne pas risquer d'être pieds et poings liés avec le producteur.
D'autant qu'il n'existe pas de grille tarifaire précise pour ces producteurs de contenus. Une marque nous a expliqué le cas d'une influenceuse qui, à un instant T avec 50 000 abonnés, réclamait plus d'argent car lors de l'activation de la campagne quelques mois plus tard, elle aurait engrangé 30 % d'abonnés supplémentaires. « C'est un milieu qui se professionnalise, et même si cela tend à s'améliorer, il subsiste un certain manque d'encadrement, pour les pratiques de tarification par exemple. Heureusement, des agences gèrent tous ces à-côtés », note Clément Belliard.
Face à la hausse du nombre de producteurs de contenus, les marques conservent toutefois le pouvoir. « Tout le monde connaît les influenceurs les plus cotés. Mais nous avons beaucoup plus de choix depuis quelques années. Nous pouvons donc les challenger sur leurs contenus et leur engagement auprès de la marque. Il est notamment important pour nous d'être bien accompagnés avec une agence externe pour sélectionner les bons profils, les influenceurs qui montent, tout en gérant un quotidien qui peut être très chronophage en interne », analyse Camille Ott pour Weleda.
Weleda se lance sur TikTok
Pour moderniser son image et aller chercher une cible plus jeune, la marque suisse a mixé les réseaux sociaux TikTok et Instagram dans sa dernière campagne d’influence. Une opération, la première de son histoire sur TikTok, qui s’est traduite par une production de contenus réalisés par un large panel d’influenceurs.
Produit: Huile sèche sublimatrice Skin Food
- Nom des principaux influenceurs (23 au total) : @dianeperreau (Instagram): 336 000, @margotymf (youmakefashion) (Instagram) : 273 000, @skincarebysamy (TikTok) : 913 000, @julia_nadal_ (TikTok): 1 300 000, @jade_leboeuf (Instagram): 244 000, @carla_ginola (Instagram): 444 000, @emturian (TikTok) : 54 000, @julieebnr (Tik Tok) : 109 000
- Période d’activation : été 2023
- Réseaux sociaux : Instagram et TikTok
- Nom de l’agence externe : Kwanko
- Montant de l’opération : 130 000 €
Source : entreprise
Pour les équipes de L'Oréal aussi, tout est aujourd'hui très fluide. « Toute notre stratégie est basée sur une relation de proximité et de confiance avec le créateur de contenus. Si, par exemple, un mascara ne convient pas au créateur de contenus, nous pouvons lui proposer un produit différent ou choisir un autre créateur. Plus généralement, il faut accepter d'être dans la coconstruction authentique. Plus on cherchera à les cadrer, moins cela fonctionnera et plus leur contenu risque de sous-performer en termes d'engagement », notent Céline Deriane et Clotilde Caille.
Mieux encadré et mature, le marché a donc abandonné son côté un peu Far West. Tromper son audience est à double tranchant pour les producteurs de contenus et les marques. Qui l'ont désormais bien compris.
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