Ces cinq raisons de croire à nouveau au vrac

Après les années Covid et l'inflation, la vente en vrac revient peu à peu en grâce. Commerçants et fabricants s'unissent pour améliorer la praticité, l'hygiène et le prix.

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Ces cinq raisons de croire à nouveau au vrac
20%, c'est l'objectif de réduction des emballages plastiques à usage unique d'ici à fin 2025, dont au minimum la moitié obtenue par recours au réemploi et à la réutilisation.

Les enjeux

  • La vente en vrac repart à la hausse en réseau bio et spécialisé, mais patine en GMS.
  • Hygiène, praticité, prix au kilo.. . Il reste de nombreux freins à lever à l'achat.
  • Fabricants, distributeurs et apporteurs de solutions techniques s'unissent pour relancer le marché et se conformer aux impératifs de l'économie circulaire.

Un léger frémissement, et l'espoir renaît. Célia Rennesson, directrice générale de Réseau Vrac et Réemploi, observe un regain chez les commerçants spécialisés: « 34 % des consommateurs fréquentaient le rayon vrac en juillet 2023 versus 32 % en décembre 2022. Le consommateur comprend qu'il évite le gaspillage et permet un achat malin. Il est plus rationnel de payer un sachet d'épices 0,30 € qu'un pot à 5 € que l'on ne finira pas. » Malgré cette embellie, les performances de 2019 semblent bien loin.

À cette époque, 40 % des foyers se déclaraient acheteurs de produits sans emballages, et l'association notait une hausse de 3 points par rapport à 2018. L'avenir s'annonçait radieux. C'était sans compter avec les années Covid, suivies de l'inflation. Et le fait que le consommateur se détourne du label bio souvent associé au vrac, au profit des MDD, du discount et des promotions.

Heureusement pour la filière, la loi Climat et résilience d'août 2021 introduit une obligation de déploiement de la vente en vrac d'ici à 2030 dans les commerces. Conséquences : industriels, enseignes et concepteurs de solutions techniques tentent d'améliorer le service, l'hygiène, la traçabilité. .. et la rentabilité. Plusieurs collectifs - En avant vrac ! Défi Vrac, etc. - conçoivent des systèmes, où la consigne joue un rôle moteur.

Les chiffres 

  • 878 magasins spécialisés dans le vrac en juin 2023
  • 795 M€ HT :  le CA du vrac 2023

Source : Réseau Vrac et Réemploi

1/ Un timide regain chez les spécialistes

DAY BY DAY 2

Comment dépenser moins ? Plus de la moitié des Français (61%) ont répondu à cette question cruciale en réduisant les achats « plaisir », la viande, et en privilégiant MDD, premiers prix, et promos. Ils sont seulement 17 % à songer au vrac. Mais, en septembre 2023, cette minorité est en augmentation de 2 points par rapport à février de la même année, selon le Baromètre inflation AlixPartners-Potloc.

Les chiffres 

  • 17% des consommateurs sondés citent le vrac parmi les stratégies pour dépenser moins en septembre 2023, à + 2 points (vs février 2023)

Source : Baromètre inflation AlixPartners et Potloc

  • 58% des adhérents de Réseau Vrac et Réemploi notent une hausse de la fréquentation journalière sur janvier-mai 2023 (vs même période en 2022)

Source : Baromètre Réseau Vrac et Réemploi

Retour des familles

Ce retour en grâce de la trémie n'a pas échappé aux panélistes. « Depuis quelques mois, des foyers avec enfants, renouent avec le vrac. Ils s'ajoutent aux consommateurs de plus de 50 ans, CSP +, qui constituent 70 % de la clientèle de ce mode d'achat. » Le constat de Gaëlle Le Floch, directrice strategic insight de Kantar Worldpanel, formalisé lors d'une table ronde sur le sujet organisée mi-décembre par la DGCCRF, rejoint l'observation sur le terrain de Didier Onraita, cofondateur de My Retail Box (Day by Day), qui voit revenir les clients après trois années sombres. « Depuis septembre 2022, on observe une reprise de l'activité des magasins des villes moyennes, où vivent de nombreuses familles, telles que Besançon ou Brive-la-Gaillarde. Depuis janvier 2023, cette tendance gagne les métropoles. En Île-de-France, cela redémarre depuis septembre. »

Il était temps. Le réseau Day by Day, qui a perdu une vingtaine de magasins - il en reste 47-, avait besoin d'un nouvel élan, d'autant qu'en février 2023 le groupe a racheté les 14 épiceries Mademoiselle Vrac. « Nous sommes sortis de l'ornière », souffle Didier Onraita. Hélas, une hirondelle ne fait pas le printemps : en GMS, le vrac ne s'envole (toujours) pas.

Gaëlle Le Floch, directrice strategic insight de Kantar Worldpanel

Gäelle Le Floch Kantar 1 (format carré)

« Le parc de magasins spécialisés dans le vrac s’est développé jusqu’en 2020. Aujourd’hui, le marché est concentré dans les épiceries vrac et les réseaux bio, qui assurent 71% des dépenses totales. »

2/ La réglementation en appui

20%

L'objectif de réduction des emballages plastiques à usage unique d'ici à fin 2025, dont au minimum la moitié obtenue par recours au réemploi et à la réutilisation

Source : Loi antigaspillage pour une économie circulaire (Agec)

Merci la loi. Sans l'obligation inscrite dans le texte législatif Climat et résilience d'août 2021 de consacrer 20 % de la surface de vente au vrac dans les magasins de plus de 400 m² d'ici à 2030, il n'est pas certain qu'industriels et commerçants se creuseraient la tête pour développer une niche estimée à 795 millions d'euros HT en 2023 par Réseau Vrac et Réemploi. La course contre la montre est lancée : il reste six ans pour trouver des solutions. Un vrai défi selon Christine Bourge, responsable environnement chez Perifem, « atteindre 20 % risque d'être difficile, d'autant que l'on attend qu'un décret détermine la méthode de calcul. Faut-il ainsi inclure les mètres carrés d'allées des magasins ? Perifem estime que 12 % des surfaces de vente seraient déjà dédiées au vrac. Ajouter encore 8 % représente un effort énorme, d'autant que cela s'additionne à d'autres mesures en faveur de l'environnement ».

L'État et le législateur construisent sans cesse des briques pour consolider l'économie circulaire. Par exemple, la fin progressive de l'emballage alimentaire à usage unique favorise le réemploi des contenants et, par ricochet, le vrac.

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Les acteurs de l'ultrafrais font la chasse aux emballages

Mission sur l'Agec

Au printemps prochain, les députés Stéphane Delautrette (Nupes, Haute-Vienne) et Véronique Riotton (Renaissance, Haute-Savoie) devraient dévoiler les conclusions d'une mission parlementaire consacrée à l'évaluation de la loi Agec, première loi d'envergure promulguée en 2020 pour lutter contre le gaspillage. Si certains acteurs rêvent d'une loi Agec 2, les élus devraient plutôt préconiser d'appliquer les mesures déjà votées et de compléter les failles.

L'Europe apporte également sa pierre à l'édifice. Le 22 novembre 2023, la Commission européenne a présenté au Parlement européen un projet de règlement pour les emballages et les déchets d'emballages (PPWR). Objectif : atteindre la neutralité en matière de packaging d'ici à 2050. Dans ce cadre, le vrac et la consigne sont privilégiés. Compte tenu de la procédure législative européenne, le texte devrait être définitivement validé ce printemps. Ce sera un signal fort pour les acteurs du vrac, qui profiteraient ainsi d'une harmonisation des règles au sein de l'Europe.

Célia Rennesson, fondatrice de Réseau Vrac et Réemploi

Célia Rennesson 2  (format carré)

« La loi Agec est formidable, mais il faut instaurer des mesures contraignantes et accompagner les acteurs avec des financements. Alléger les charges sociales pour les emplois liés au vrac faciliterait l’embauche de personnes chargées du conseil et de la gestion du rayon. »

3/ Les marques mutualisent leurs efforts

Carrefour Montesson 3

Toutes ces contraintes réglementaires poussent les marques à s'unir pour lever les freins à l'achat sans emballages : le manque d'hygiène, la traçabilité, la disponibilité, les tarifs attractifs et l'étiquetage nutritionnel. En 2022, Danone, Lesieur, Bel et Famille Michaud Apiculteurs ont créé Défi Vrac. Objectif : trouver des solutions techniques pour les produits liquides, semi-visqueux ou tartinables. « La coalition finance le développement d'une machine commune conçue avec 3JD, précise Marie Sailly, chargée de projet économie circulaire chez Danone. Le pilote sera testé fin 2024 dans une sélection de magasins de la GMS. » Audrey Felgerolles, cheffe de produit de Lesieur, explique : « Les consommateurs pourront venir avec leurs contenants en magasin. Néanmoins, la coalition mettra directement à disposition des bouteilles d'un litre pour l'huile. Le client se servira et pourra rapporter ensuite sa bouteille, qui sera collectée par le distributeur. »

Autre acteur de l'épicerie, Panzani mise sur le collectif En avant vrac !, qui fédère notamment Perifem, l'Ilec, l'Ademe et Citeo. Des grandes marques (Nestlé, PepsiCo, Aoste...), des enseignes (E. Leclerc, Carrefour, Auchan, U...) et des apporteurs de solutions s'y réunissent aussi en groupes de travail.

2,3 M d'acheteurs réguliers de vrac (plusieurs achats par mois) en juillet 2023

Source : NielsenIQ pour Réseau Vrac et Réemploi

Du temps pour réussir

Mais pour Marielle Patarin Genin, directrice category management de Panzani, les tarifs proposés aux consommateurs manquent d'attractivité : « Actuellement, le prix des pâtes Panzani vendues en silos est un tout petit peu moins élevé, voire équivalent à celui des sachets. Les volumes ne sont pas suffisants pour proposer des tarifs plus avantageux. »

Ce mur du prix n'est pas près d'être franchi. Panzani se donne encore du temps avant de réussir. « D'ici à deux-trois ans, nous aurons trouvé un mobilier adaptable, garant de la sécurité, de la traçabilité alimentaire et de la communication sur les marques. Nous aurons déterminé un modèle logistique grâce aux tests en cours. Le plus fort enjeu sera la capacité à adapter les lignes de production dans nos usines en France, pour des petites quantités de pâtes, si les volumes vendus en vrac restent similaires à aujourd'hui. »

Marielle Patarin Genin, directrice category management de Panzani

Marielle Panzani 3  (format carré)

« Les tests dédiés au vrac commencés en 2021 sont toujours en cours dans une dizaine de magasins Carrefour, Franprix et Intermarché. Actuellement, nous ne sommes pas sollicités par d’autres enseignes. »

4/ Des start-up lèvent les freins à l'achat

43% des sondés déplorent un manque d'information sur la conservation des produits (29%) ou sur leur origine (28 %)

Source : sondage OpinionWay pour DIGI France, 2022

Biscuits éparpillés sous les trémies, mites alimentaires dans le riz, sacs en kraft crevés… Assurer la traçabilité et la qualité des produits exige de l'inventivité. « Les silos en plastique ne protègent pas les grains du soleil, de l'eau et de l'air, regrette Christophe Pouyès, PDG des Cafés Legal. Nous travaillons avec des start-up pour concevoir des meubles adaptés et low tech. Les tests devraient démarrer début 2025. »

Au rayon ultrafrais, le risque sanitaire est plus élevé qu'en épicerie, mais Bio &Lo relève le défi. Son fondateur, Christophe Audouin, ex-directeur général des Prés rient bio (Les 2 Vaches), n'en est pas à son premier essai. Dès 2019, chez Danone, il proposait du yaourt sans pot sous la marque Faire Bien, dans un meuble réfrigéré, bruyant et encombrant. Aujourd'hui, Bio & Lo parie sur une fontaine, avec des poches de yaourt dont le lait est produit en circuit court. Le consommateur remplit son contenant. Tare et pesée sont réalisées en magasin.

Motivation financière

Une autre start-up, Bocoloco, dynamise les corners vrac avec des produits secs (Michel &Augustin...), des boissons (Heineken...), des compotes et confitures (Bonne Maman) dans des bocaux consignés, avec un conditionnement et un étiquetage irréprochables. Le consommateur qui revient déposer le bocal dans le collecteur reçoit une récompense financière. Certains Monoprix ou Botanic ont déjà adopté Bocoloco. À croire que l'avenir du vrac passe par des solutions hybrides.

Christophe Audouin, fondateur-président de Bio& Lo

Christophe Audouin 4  (format carré)

« Vu le coût de la fontaine à yaourt et des poches à installer, on ne peut pas s’aligner sur le tarif d’un pot de yaourt standard. C’est une question de maturité du marché. »

5/ Les GMS se (re)mobilisent

80 % des Français disent avoir accès à des produits en vrac dans les enseignes de GD

Source : sondage OpinionWay pour DIGI France, 2022

Prisonnières du maelstrom de l'inflation, les grandes enseignes ont placé le dossier vrac en dessous de la pile. Le taux de démarque inconnue plus élevé que dans l'emballé a aussi démotivé les responsables de magasins. Aujourd'hui, ils relancent les expérimentations, afin de respecter la stratégie RSE et d'anticiper l'application de la loi. Pour preuve, Carrefour s'engage à multiplier par quatre son volume d'affaires en vrac.

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Les acteurs de l'ultrafrais font la chasse aux emballages

« Même si le vrac a du mal à décoller en GMS, il n'est pas question d'abandonner le sujet, assure Christine Bourge, responsable environnement chez Perifem. En avant vrac ! fédère une soixantaine d'entreprises et d'organismes qui travaillent depuis un an sur un modèle adapté aux GMS. » De fait, ce consortium présentera le 30 janvier Le Registre des solutions harmonisées. Ce guide qui concerne l'épicerie, l'alimentation animale, les détergents et l'hygiène-beauté sera disponible en open source. Il devrait notamment préciser les règles d'étiquetage des produits.

« Les participants aux travaux d'En avant vrac ! ont mieux réparti les responsabilités entre industriels et distributeurs, poursuit-elle. Comme leur système de poches préremplies, qui se clipsent à un équipement de distribution. Il permet de supprimer le risque qui pèse sur le commerçant au niveau de l'hygiène. » Dommage que le consommateur ne soit pas associé aux concertations, car le vrac exige d'estimer les prix au kilo. Apparemment, il va devoir continuer ses calculs mentaux : aucun silo n'affiche le prix au fur et à mesure que l'on se sert comme dans une pompe à essence. Un jour peut-être…

Christine Bourge, responsable environnement de Perifem

Christine Bourge 5  (format carré)

« Il n’est pas question d’abandonner le sujet du vrac en GMS. Sa démocratisation doit passer par l’offre de marques nationales et de MDD. »

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