Richard Panquiault (Ilec) « L’accord Auchan et Système U est inédit sous le régime de la LME »

Le directeur général de l'Ilec, qui représente les entreprises de grande marque nationale ou internationale revient sur le rapprochement pour les achats d'Auchan et Système U. Les marques, déjà frappées par la déflation, sont clairement visées dans l'accord qui exclut les MDD et les produits frais. Richard Panquiault s'interroge notamment sur les questions juridiques liées à la négociation, le tarif devant résulter en contrepartie d'engagements de la part des enseignes.

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Richard Panquiault (Ilec) « L’accord Auchan et Système U est inédit sous le régime de la LME »
Richard Panquiault sollicite une lecture de l'administration pour la négociation

LSA : Comment vos adhérents, détenteurs de marques nationales, vivent-ils le rapprochement d’Auchan et Système U

Richard Panquiault : Sans porter aucun jugement sur l’opération et les deux enseignes, il est clair que pas un industriel ne voit sans une grande inquiétude le regroupement de deux enseignes majeures aussi grandes, qui pèsent chacune plus de 10 % du marché, et notamment compte tenu du degré de concentration qui existe déjà dans la grande distribution en France. Certes, les dirigeants cherchent à nous rassurer, mais ils sont déjà chacun quatre à cinq fois plus gros que le premier industriel français de l’alimentaire. Auchan et Système U étaient déjà de très gros clients pour leurs fournisseurs.

LSA : Que va négocier vraiment Eurauchan ?

RP : C’est toute la question et honnêtement nous ne le savons pas. Car nous sommes devant une situation inédite, un accord de coopération à l’achat sans lien capitalistique, sous l’égide de la LME, et dans un contexte dramatique de déflation des marques nationales. Or, les prix des MDD sont stables, les premiers prix augmentent légèrement, et seuls les prix des marques nationales s’effondrent, celles-là même qui sont visées par le rapprochement, comme l’ont indiqué les dirigeants d’Auchan et Système U. Les industriels qui fabriquent des marques nationales et internationales sont donc les plus concernés et les plus inquiets.

LSA : Faut-il à nouveau modifier la LME ?

RP. Non, nous ne souhaitons pas aujourd’hui une nouvelle réforme de la LME. Elle vient d’être modifiée par la loi Hamon qui, si elle n’est pas parfaite, doit d’abord faire l’objet d’interprétations communes par tous les acteurs puis entrer en application, y compris grâce à des contrôles et à la sanction des pratiques illicites par l’administration. La loi part d’une bonne philosophie et si tous les acteurs économiques, distributeurs comme industriels, en ont bien la même lecture, elle sera efficace, même si c’est loin d’être encore le cas et que certains aménagements seront nécessaires à l’avenir.

LSA : En quoi la LME change-t-elle quelque chose à ce rapprochement, par rapport à d’autres dans le passé ?

R.P. Parce qu’elle engendre beaucoup d’interrogations. Il faut se rappeler que la LME a servi à stopper l’envolée, puis à diminuer les marges arrière, qui ont nourri artificiellement l’inflation. Le gouvernement de l’époque a introduit la négociabilité, la possibilité de négocier les prix et les conditions générales de vente, pour amener la distribution à refaire des marges avant. Mais la négociabilité n’était pas accordée sans contreparties ! Le législateur a bien précisé que les rabais, les remises permettant de parvenir à un prix convenu sont consenties par les industriels en échanges de contreparties, qui doivent figurer dans la convention annuelle. Or, on se demande comment Eurauchan peut parvenir avec les industriels à un prix convenu alors que la réalité des contreparties semble devoir être négociée dans un deuxième temps avec chaque enseigne. Le schéma nous pose un problème juridique et opérationnel.

LSA : Clairement, les industriels vont être amenés à négocier quoi et dans quelles centrales ?

R.P. Nous nous interrogeons ! Ce qui semble se dessiner, c’est que la négociation du 3 fois net (intégrant les « rabais et ristournes », ainsi que les « autres obligations », ex « services distincts ») aurait lieu au niveau d’Eurauchan, et celle des NIP (nouveaux instruments promotionnels, 4xnet) au sein de chacune des centrales d’achat d’Auchan et Système U. Les enseignes ont précisé dans leur communiqué que chacune d’elles conservera les opérations promotionnelles et l’assortiment. Et c’est pour cette raison que nous avons cette interrogation juridique. Dans la logique de la LME, les parties co-contractantes doivent s’engager sur la base d’un plan d’affaires reprenant les opérations promotionnelles mais aussi l’assortiment, les conditions logistiques et de collaboration en général ; ce sont ces contreparties qui permettent d’ établir un prix convenu. Dans notre esprit, les différentes strates de la négociation ne sont pas dissociables de l’accord final sur le prix consenti par l’industriel au distributeur. Nous estimons être devant un flou juridique.

LSA : Comment imaginez-vous sortir de la situation, pour que les industriels ne restent pas dans le flou ?

R.P. Comme la situation ne se prête pas à une notification de l’opération à l’Autorité de la concurrence, puisqu’il ne s’agit pas d’une opération de concentration au sens de la loi, nous nous tournons vers la Direction générale de la concurrence et de la Répression des Fraudes pour qu’elle nous donne sa lecture. Nous avons un grand respect pour les deux enseignes qui ont décidé de se rapprocher, mais le problème est que le but prioritaire de cette association est d’obtenir de meilleures conditions d’achat alors que les industriels font déjà face à des difficultés financières dues à la déflation des prix et à la dégradation de leurs tarifs pendant et après les négociations. Il n’y a pas de doute que ce rapprochement va encore alimenter la guerre des prix. Par ailleurs, nous avons déjà connu des expériences très douloureuses lors de rapprochements semblables, comme c’était le cas avec Lucie et Opéra.

LSA : Vous n’avez pas encore établi de contacts avec les deux enseignes pour en savoir plus ?

RP : Nous sommes précisément en train de le faire en parallèle. Je crois que l’accord s’est fait très vite, en trois mois. Ce qui n’a probablement pas laissé beaucoup de temps aux parties de s’interroger sur tous les aspects de ce rapprochement, l’important pour elles étant de faire valoir une part de marché supérieure à celles de Leclerc et Carrefour. Tout le monde a été surpris. Mais les conséquences de l’accord sont tellement lourdes qu’il faut que nous ayons des précisions, à la fois des enseignes et des pouvoirs publics. Les industriels ont besoin de savoir quelle lecture les pouvoirs publics font de la loi dans le cadre de cette opération. Et la déflation dramatique des marques nationales ne peut pas les laisser insensibles non plus.

Propos recueillis par Sylvain Aubril

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