[Experts 2021] Philippe Nobile : L’année de tous les risques et de toutes les opportunités

L’année 2020 fut unique. Le digital en sort grand gagnant. Les confinements auront porté des marchés de biens de consommation (alimentaire, électronique, hygiène, média, maison …), comme ils en auront bousculé d’autres (voyage, restauration, beauté, mode …). Au sein de chaque marché, les acteurs les plus digitaux, les plus offensifs et les plus solides financièrement ont profité de la crise pour prendre des parts de marché mais aussi pour accélérer leur transformation. La nouvelle année qui débute sera différente : elle sera celle de tous les risques liés à la poursuite de la crise sanitaire et celle de toutes les opportunités, de la crise comme du rebond à venir.

LA REFONTE DU PAYSAGE CONCURRENTIEL

Dans un contexte difficile, l’année nouvelle sera certainement celle d’une refonte du paysage concurrentiel pour cinq raisons clés :

• Un boum des faillites et des acquisitions pourrait avoir lieu cet été : secteurs sinistrés, marques ou enseignes peu digitales, centres commerciaux ou hyper marchés … L’offre de rachat d’un grand distributeur français par un acteur canadien ce mois-ci n’est qu’un début
• Les rapprochements ou les partenariats pourraient rebattre aussi les cartes en créant de nouvelles alliances, comme celles liant Amazon et Monoprix ou Alibaba et Farfetch. Mais ces rapprochements peuvent aussi concerner industriels et distributeurs : Richemont l’a fait récemment en rejoignant Chanel au capital de Farfetch. Un cas qui pourrait donner des idées à d’autres marchés que le Luxe
• Sur des marchés où le digital pourrait être l’un des seuls canaux de distribution en croissance, les places de marchés sont de loin le modèle dominant en ligne. Non seulement elles continuent d’accélérer leur développement mais elles sont aussi de plus en plus nombreuses et agressives
• Longtemps dépassés par la révolution digitale, les petits commerces n’ont cessé de perdre du terrain ces dernières années. 2020 a constitué un tournant et ils ont commencé à s’engager massivement dans les places de marché en ligne, signant par exemple le succès récent de Shopify en France
• Derniers points, de nouvelles réglementations pourraient aussi changer la donne, notamment celles visant à bloquer ou à démembrer les géants du web. Bruxelles a récemment engagé le bras de fer. Si ceci était suivi d’effet, les conséquences sur le commerce et la publicité en ligne seraient sensibles

SURFER SUR LA SECONDE VAGUE DIGITALE

La Covid aura permis une véritable accélération du digital que les nouvelles technologies (Quantique, 5G, AI …) vont appuyer et ce d’autant plus que la majorité des entreprises n’ont pas réduit leurs investissements digitaux. Surtout la seconde vague digitale pourrait être portée par la nouvelle génération d’expérience clients mêlant IA et technologies immersives (3D, réalité augmentée ou virtuelle) promises à un bel avenir (International Data Corporation rapport 2020 : marché de 136 Milliards en 2024).

A QUAND LA FIN DE L’EXCEPTION DIGITALE ALIMENTAIRE ?

Alors que la plupart des marchés, ont vu leurs activités digitales accélérer (Etudes BCG – FoxIntelligence 2020), le marché alimentaire a vu les siennes revenir à un niveau en croissance de seulement 5% durant la période de déconfinement en 2020. Le marché aurait il manqué l’opportunité d’accélérer en digital ? L’avenir nous le dira mais si la France est en retard comparé à de nombreux pays, c’est peut-être en raison d’une proposition client encore insuffisante. Et si de nombreux défis sont à relever sur ce marché (tensions prix, refonte écologique de l’offre produits, reconfiguration du territoire avec le télétravail …) l’opportunité digitale reste à saisir dans l’alimentaire. D’autant plus que c’est l’un des rares marché à ne pas avoir encore été envahi par les places de marché …

La crise sanitaire nous plonge encore dans l’incertitude la plus totale. Parions que 2021 sera tout aussi surprenante que 2020. Il faudra être agile afin de saisir les opportunités et libérer les équipes pour résister puis réussir le rebond à venir. Les choses vont très vite. Et « lorsque la vitesse d’évolution du marché dépasse celle de l’organisation, la fin est proche » disait Jack Welch.